Le Saker
Nouveaux problèmes budgétaires en Arabie
Saoudite
Moon of Alabama

Mardi 10 mars 2020 Du coup, le
prince héritier fait encore arrêter des
membres de sa famille
Par
Moon of Alabama – Le 7 mars 2020
Le prince
héritier saoudien, Mohammed bin Salman,
a
supprimé toute concurrence au sein
de la famille royale :
L'Arabie
saoudite a arrêté trois princes
saoudiens de haut rang, dont le prince
Ahmed bin Abdulaziz, le frère cadet du
roi Salman, et le prince Mohammed bin
Nayef, le neveu du roi, pour avoir
prétendument planifié un coup d'État,
ont déclaré des sources ayant
connaissance de l'affaire.Quatre sources
ont déclaré à Reuters que le prince
Ahmed et Mohammed bin Nayef ont été mis
en détention lors de la dernière
opération. Deux sources, dont une source
régionale, ont déclaré que Mohammed bin
Nayef et son demi-frère, Nawaf, ont été
mis en détention, vendredi, dans un camp
privé situé dans le désert.
Le prince
héritier Mohammed, également appelé MbS,
"les a accusés (les princes arrêtés)
d’avoir pris contact avec des puissances
étrangères, dont les Américains et
d'autres, pour déclencher un coup
d'État", a déclaré la source
régionale.
"Avec ces
arrestations, MbS a consolidé sa pleine
emprise sur le pouvoir. C'est fini après
cette purge", a ajouté la source,
indiquant qu'il ne reste aucun rival
pour contester sa succession au trône.
Il y a deux
explications plausibles à cette
initiative :
La première est que
les deux hommes menaient une rébellion
contre lui au sein de la famille
régnante, et qu'il était prévu de les
installer comme roi et prince héritier
dans le cadre d'une "réorganisation"
de la Maison de Saoud. Cette mesure
aurait eu pour but de rétablir un mode
de gouvernement "traditionnel",
fondé sur une approche plus consensuelle
et moins conflictuelle des affaires
intérieures et extérieures. Des rumeurs
selon lesquelles un tel plan aurait été
mis au point ont fait surface en
septembre dernier après le meurtre
mystérieux du chef de la sécurité
royale, Abdelaziz al-Faghm.La deuxième
explication est que Mohammed Bin-Salman
a agi pour se débarrasser de ses deux
principaux opposants au sein de la
famille - certains rapports affirment
qu'un certain nombre d'autres membres
ont également été pris dans la rafle -
en prélude à la mise à l'écart de son
père pour cause de mauvaise santé et à
sa propre intronisation. Il a ainsi
porté un coup préventif à ses principaux
adversaires potentiels.
Cette décision
intervient à un moment où l’Arabie
saoudite est sous pression financière.
Le budget 2020 du gouvernement
était prévu pour un déficit de 50
milliards de dollars, soit 6,4 % du PIB
saoudien. Mais ce calcul était
basé sur un prix du pétrole brut
estimé à 62-63 dollars par baril, et
supposait une production de brut
d’environ 9,8 millions de barils par
jour.
Pendant la première
semaine de janvier, le pétrole brut
atteignait 69 dollars le baril, mais il
est tombé depuis à 45 dollars le baril,
la crise du coronavirus ayant réduit la
demande mondiale. Les Saoudiens ont
tenté de conclure un accord avec la
Russie, le deuxième exportateur après
l’Arabie Saoudite, afin de réduire
ensemble la production de pétrole pour
maintenir le prix à un niveau élevé.
Mais la Russie
a rejeté une nouvelle réduction de
l’OPEP. Elle veut maintenir sa
production à un niveau élevé et elle
utilisera la crise pour miner davantage
la production américaine de pétrole de
schiste. Comme le boom de la production
de pétrole aux États-Unis est
basé sur une fraude financière,
cette initiative pourrait bien être
couronnée de succès.
La Russie n’a pas
de déficit budgétaire, elle est bien
placée pour survivre à la baisse des
prix du pétrole brut sans trop de
dommages. Ce n’est pas le cas de
l’Arabie Saoudite.
La pandémie a
également réduit la deuxième source de
revenus des Saoudiens, qui provient des
20 millions de touristes qui se rendent
chaque année à La Mecque et à Médine. En
février, après l’épidémie de Covid-19,
l’Arabie saoudite a interdit aux
pèlerins étrangers d’entrer dans ces
deux villes. Cette année, le Hadj [le
pèlerinage, NdT], pour lequel on
attend 2 millions de pèlerins, est prévu
pour la fin juillet. Si la pandémie est
toujours présente d’ici là, le Hadj
devra être annulé. Plusieurs dizaines de
milliards de dollars manqueraient alors
aux recettes publiques prévues.
Enfin, la guerre
que MbS mène toujours au Yémen a pris un
mauvais tournant pour lui. Non seulement
les Houthis disposent désormais de
missiles de défense aérienne
(vidéo), mais ils ont également
prouvé qu’ils pouvaient les utiliser
efficacement lorsqu’ils ont
abattu un avion de chasse saoudien.
La semaine dernière, les Houthis,
également connus sous le nom d‘Ansar
Allah, ont conquis Hazm, la capitale
du gouvernorat de Jawf et toutes les
parties habitées de cette province riche
en pétrole sont entre leurs mains. Cela
aura des
conséquences stratégiques :
La libération de la
province du Jawf fournit de bonnes
conditions pour l'attaque et la
domination de la province stratégique de
Marib. Si Ansar Allah s'empare également
de Marib, il coupera la principale voie
d'approvisionnement des Saoudiens du
nord au sud du Yémen, et seule la voie
de la province d'Al Mahrah restera aux
mains des Saoudiens. Prendre le contrôle
de Marib signifie également qu'Ansar
Allah domine toute la région nord de la
République du Yémen ; et aussi la base
principale de la coalition saoudienne
sera détruite. Ce sera pratiquement un
échec pour l'Arabie Saoudite et après
cela, l'armée yéménite prendra des
mesures pour capturer les régions
restantes des provinces de Taiz et
d'Aden, avec concentration et une
confiance en soi totale.

Rouge – Ansar
Allah, Bleu – troupes proxy du
gouvernement saoudien,
Vert – Al-Qaïda
et les tribus
L’Arabie saoudite
occupe également le gouvernorat oriental
d’al Mahrah, le long de la frontière
avec Oman. Elle veut construire un
oléoduc vers la côte du Yémen qui
permettrait aux exportations saoudiennes
de pétrole d’éviter le passage par
l’étroit détroit d’Ormuz. Mais les
tribus locales de l’al Mahrah sont
contre cette occupation et elles ont
aussi récemment
pris les armes contre l’armée
saoudienne.
La petite aventure
de MbS coûte plusieurs milliards par
mois à l’Arabie Saoudite. Malgré tout
cet argent dépensé, l’armée saoudienne
et ses mandataires sont sur le point de
perdre la guerre. Ils le savent bien.
Récemment, les Saoudiens ont demandé à
l’administration Trump
d’intervenir auprès de l’ONU pour
mettre fin à toute aide aux zones tenues
par les Houthis. L’ONU résistera
probablement à cette pression. Le blocus
saoudien des zones tenues par les
Houthis a déjà coûté la vie à des
centaines de milliers de Yéménites.
Les escapades de
Mohammed bin Salman ne résolvent aucun
des nombreux problèmes de son pays. Il y
a sûrement beaucoup d’autres membres de
la très grande famille royale qui sont
prêts à faire un geste contre lui. Un
jour, l’un d’entre eux pourrait réussir.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par Hervé pour le Saker Francophone
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