Proche-Orient
Non, l’Iran n’est pas en train de rompre
l’accord nucléaire
Moon of Alabama

Lundi 8 juillet 2019
Par
Moon of Alabama − Le 1 juillet 2019
Voici une infox
du Guardian qui prétend, à tort, que
l’Iran est en train de rompre l’accord
nucléaire.

L’Iran rompt l’accord nucléaire
et met la pression sur l’UE à propos des
sanctions
L’Iran
a annoncé aujourd’hui que ses stocks
d’uranium faiblement enrichi dépassent
maintenant les 300 kilogrammes
d’hexafluorure d’uranium enrichi (UF6)
fixés comme limite dans le Plan d’action
global conjoint (JCPOA)
(pdf).
Mais l’Iran le
fait dans le cadre du JCPOA. Il n’y a
pas violation de l’accord. L’article 26
stipule que les États-Unis
s’abstiendront de réimposer des
sanctions et que l’Iran réagirait si
cela se produisait :
Les États-Unis
feront tout ce qui est en leur pouvoir,
de bonne foi, pour soutenir cet accord
et empêcher toute interférence avec la
pleine réalisation par l'Iran des
avantages de la levée des sanctions
spécifiées à l'annexe II.
L'administration américaine, agissant
conformément aux rôles respectifs du
Président et du Congrès, s'abstiendra de
réintroduire ou de réimposer les
sanctions spécifiées à l'annexe II
qu'elle a cessé d'appliquer en vertu du
présent JCPOA, sans préjudice du
processus de règlement des différends
prévu par ce JCPOA. L'administration
américaine, agissant conformément
aux rôles respectifs du Président et du
Congrès, s'abstiendra d'imposer de
nouvelles sanctions liées au nucléaire.
L'Iran a déclaré qu'il considérera la
réintroduction ou la réimposition des
sanctions spécifiées à l'annexe II, ou
l'imposition de nouvelles sanctions
liées au nucléaire, comme un motif pour
cesser d'honorer en tout ou en partie
les engagements qu'il a pris au titre du
présent accord commun.
Le 8 mai 2018, les
États-Unis
ont rompu le JCPOA en réimposant des
sanctions à l’Iran. L’Iran ne peut pas
« rompre » un accord que les
États-Unis ont déjà rompu.
En outre, le 3 mai
2019, le département d’État a
levé les dérogations aux sanctions
qui permettaient à l’Iran d’exporter de
l’uranium faiblement enrichi en échange
d’uranium naturel :
Maintenant, toute
participation au transfert d'uranium
enrichi hors d'Iran en échange d'uranium
naturel sera désormais passible de
sanctions. Les États-Unis ont clairement
indiqué que l'Iran doit mettre fin à
toutes les activités posant un risque de
prolifération, y compris
l'enrichissement de l'uranium, et que
nous n'accepterons plus de mesures
soutenant la poursuite de cet
enrichissement.Nous n'autoriserons
plus non plus le stockage par l'Iran
d'eau lourde produite au-delà des
limites actuelles ; cette eau lourde ne
doit en aucun cas être mise à la
disposition de l'Iran.
Cette mesure de
l’administration Trump
visait évidemment à mettre l’Iran
dans une situation où il lui faudrait
soit cesser l’enrichissement, soit
accumuler un stock plus important que
les 300 kilogrammes prévus dans le
JCPOA.
L’Iran ne peut plus
exporter d’uranium faiblement enrichi.
L’Iran ne veut pas renoncer à son
« droit inaliénable » à
enrichir l’uranium, droit garanti par le
Traité sur la non-prolifération des
armes nucléaires
(TNP). L’Iran a donc commencé à
accumuler de l’uranium enrichi en vertu
de la clause du JCPOA énoncée ci-dessus.
Le 17 juin, l’Iran
a annoncé qu’il dépasserait la
limite de ses stocks d’ici le 27 juin.
Cela a pris quelques jours de plus, mais
nous y sommes.
Le JCPOA explicite
clairement que l’Iran prendrait cette
mesure si et quand les États-Unis
enfreignaient l’accord en imposant de
nouvelles sanctions. Le fait que l’Iran
dépasse maintenant l’une des limites
fixées par le JCPOA ne constitue pas une
violation de l’accord, mais un droit
reconnu par celui-ci.
Un « journaliste
politique » qui ne comprend pas cela
devrait changer de boulot.
Mise à jour à
15h00
Le ministre iranien
des Affaires étrangères, Javad Zarif,
vient de
faire remarquer que la principale
raison légale pour laquelle l’Iran a
pris cette décision est le refus des
trois pays européens (Royaume-Uni,
France et Allemagne) de respecter leur
engagement en vertu de l’accord
nucléaire.
Javad Zarif @JZarif
-
17:43 utc - 1 juil 2019Nous n'avons PAS
violé le #JCPOA. Le paragraphe 36 de
l'accord montre pourquoi : Nous avons
déclenché et utilisé le paragraphe 36
après le retrait des États-Unis. Nous
avons donné quelques semaines à l'E3+2
tout en réservant notre droit. Nous
avons finalement agi après 60 semaines.
Dès que l'E3 respectera ses obligations,
nous ferons marche arrière.
Lorsque les
États-Unis ont quitté l’accord, l’Iran a
utilisé le mécanisme de règlement des
différends prévu au paragraphe 36 de la
JCPOA. Ce paragraphe prévoit la création
d’une commission mixte chargée de
trancher la question. La commission
s’est réunie à Bruxelles en juillet 2018
et a promis de continuer à soutenir
l’accord.
La
déclaration du 6 juillet 2018 de la
Commission mixte du Plan d’action global
conjoint, dans laquelle les trois pays
de l’UE se sont engagés à défendre leur
position malgré la violation de l’accord
par les États-Unis, établit que :
6. Les participants
ont reconnu qu'en contrepartie de la
mise en œuvre par l'Iran de ses
engagements en matière nucléaire, la
levée des sanctions, y compris les
dividendes économiques qui en découlent,
constitue un élément essentiel du JCPOA.
...
8. Les participants
ont affirmé leur engagement à l'égard
des objectifs suivants en toute bonne
foi et dans une atmosphère constructive
:
- le maintien et la
promotion de relations économiques et
sectorielles élargies avec l'Iran ;
- la préservation
et le maintien de canaux financiers
efficaces avec l'Iran ;
- la poursuite des
exportations iraniennes de condensats de
pétrole et de gaz, de produits
pétroliers et pétrochimiques ;
...
L’UE-3 n’a pas
respecté ces engagements.
Le mécanisme de
règlement des différends prévu au
paragraphe 36 de la JCPOA stipule ce qui
suit :
Si la question n'a
toujours pas été résolue [par la
commission mixte] à la satisfaction du
participant plaignant, et si ce dernier
juge que la question constitue une
inexécution importante, ce
participant pourrait considérer la
question non résolue comme un motif pour
cesser d'exécuter en tout ou en partie
ses engagements en vertu du présent
Accord et/ou aviser le Conseil de
sécurité de l'ONU qu'il estime que la
question constitue une non-exécution
grave.
Cet argument
juridique est encore plus fort que
l’argument du paragraphe 26 examiné
ci-dessus.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par jj pour le Saker Francophone
Le sommaire Le Saker
Le dossier
Iran
Les dernières mises à jour

|