Le Saker
La Chine ne nous a pas trompés …
Moon of Alabama

Vendredi 3 avril 2020 … Compter les
décès pendant une épidémie est vraiment
difficile
Par
Moon of Alabama − Le 1 avril 2020
La campagne
antichinoise, que mène le conseiller
adjoint à la sécurité nationale,
Matthew Pottinger, a présenté sa
blague du premier avril. Ce dernier a
révélé à Bloomberg qu’un rapport
secret des services de renseignement
américains
prétend que la Chine a dissimulé les
chiffres réels de ses cas de Covid-19 :
La Chine a
dissimulé l'étendue de l'épidémie de
coronavirus dans son pays, sous-estimant
à la fois le nombre total de cas et de
décès qu'elle a subis, a conclu la
communauté du renseignement américain
dans un rapport classifié livré à la
Maison Blanche, selon trois responsables
américains. ...Bien que la Chine
ait finalement imposé un verrouillage
plus strict que celui des nations moins
autocratiques, les chiffres rapportés
par la Chine ont suscité un scepticisme
considérable, tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du pays. Le gouvernement
chinois a révisé à plusieurs reprises sa
méthodologie de comptage des cas,
excluant pendant des semaines les
personnes sans symptômes, et ce n'est
que mardi qu'elle a ajouté plus de 1 500
cas asymptomatiques à son total.
L’entassement de
milliers d'urnes à l'extérieur des
pompes funèbres de la province de Hubei
ont semé le doute dans l'opinion
publique en ce qui concerne les rapports
de Pékin.
La Chine n’a pas
caché le nombre de cas de Covid-19 qui
l’affectait. Elle n’a pas non plus caché
d’informations.
Il est en fait très
difficile de communiquer des chiffres
lors de l’apparition d’une nouvelle
maladie.
Quand commence-t-on
à compter ? La Chine n’a su qu’au début
du mois de janvier qu’elle subissait une
nouvelle épidémie de virus. À ce
moment-là, les personnes décédées le
mois précédent avaient déjà été
incinérées. Comment peut-on les compter
?
Doit-on inclure ou
non les co morbidités dans le décompte ?
Qu’en est-il des victimes d’un accident
de voiture qui se révèlent également
positif pour le Covid-19 ? Qu’en est-il
des personnes qui sont mortes avec les
symptômes du Covid-19 mais qui n’ont pas
pu être testées faute de kits de test ?
Les tests sont-ils vraiment fiables ? À
un moment donné, la Chine a inclus tous
les cas de pneumonie dans le nombre de
cas de Covid-19, même s’ils étaient
négatifs au test de dépistage de
Covid-19. Les épidémiologistes chinois
ont pensé que leur test était erroné et
n’ont découvert que plus tard que ce
n’était pas le cas.
Qu’en est-il des
cas asymptomatiques dont le test est
positif ? S’agit-il de faux positifs ou
ces personnes sont-elles réellement
porteuses du virus ? On ne peut le
savoir qu’en leur faisant subir un test
de dépistage des anticorps, un mois plus
tard. Si elles ont développé des
cellules d’anticorps contre le virus,
c’est qu’elles devaient l’avoir. C’est
peut-être la raison pour laquelle la
Chine n’a ajouté que maintenant les
1 500 cas asymptomatiques à son compte
total.
Le nombre le plus
important lors d’une épidémie est celui
qui permet de planifier les ressources
et de modéliser les contre-mesures. Ce
chiffre est le taux de mortalité.

Mais ce n’est
pas le bon chiffre si l’on se
demande quelle est la probabilité de
mourir de la maladie :
Vous avez peut-être
entendu parler d'un terme utilisé : le
"taux de létalité", ou TL. Il
s'agit du nombre de décès divisé par le
nombre de cas confirmés. Lorsque les
journalistes parlent du "taux de
mortalité", c'est souvent à lui
qu'ils font référence. Si un pays compte
10 000 cas confirmés et 100 décès, alors
le TL dans ce pays est de (100/10 000),
soit 1 %.Ce n'est pas ce que
nous recherchons, et ce n'est
probablement même pas très proche de ce
que nous recherchons.
Ce que nous
voulons, c'est plutôt le "taux de
mortalité par infection", ou TMI. Il
s'agit du nombre de décès divisé par le
nombre de personnes qui ont
effectivement la maladie. Le nombre de
personnes qui ont été testées positives
pour la maladie n'est probablement
qu'une fraction du nombre total de
personnes qui l'ont eue, car seule une
fraction de la population a
effectivement été testée.
Il est évident que
le TMI est beaucoup plus difficile à
déterminer avec précision. Les seules
personnes qui se font tester sont celles
qui sont les plus malades, de sorte que
votre TMI est probablement beaucoup plus
faible que votre TL, parce que votre
dénominateur - le nombre par lequel vous
divisez - est probablement beaucoup plus
grand.
Donc, si votre pays
a testé absolument tout le monde et a
trouvé tous les cas de la maladie, votre
TMI est le même que votre TL, soit 1%.
Mais si seul 10 % des personnes
atteintes de la maladie ont été testées,
alors vos 10 000 cas confirmés ne sont
que la partie visible d'un iceberg de
100 000 personnes. Avec ces 100 décès,
votre TMI serait de (100/100 000) ou 0,1
%.
La Chine, et tous
ceux qui ont suivi ses données, savaient
que le nombre de cas déclarés est
différent du nombre d’infections
réelles. Mais nous ne savions pas de
combien. Il était également clair que la
Chine ne comptait pas tous les décès dus
au Covid-19. L’Italie montre comment ce
problème se
pose :
Alors que les
hôpitaux sont surpeuplés, on demande aux
patients de rester chez eux jusqu'à ce
qu'ils présentent les symptômes les plus
graves. Nombre d'entre eux mourront chez
eux ou dans des maisons de retraite et
ne seront peut-être même pas comptés
comme des cas de Covid-19, à moins
qu'ils ne soient testés post-mortem.La semaine
dernière, deux chercheurs du nord de
l'Italie ont fait valoir ce point avec
force en examinant la situation à
Nembro, une petite ville près de Bergame
qui a été très gravement touchée par
l'épidémie. Dans le journal italien
Corriere della Sera, ils ont
constaté que la ville avait enregistré
158 décès en 2020, contre 35 en moyenne
au cours des cinq années précédentes.
Ils ont noté que Nembro n'avait compté
que 31 décès dus à Covid-19, ce qui
semble être une sous-estimation.
Dans d'autres
villes voisines, dont Bergame elle-même,
la tendance semblait identique. Les
chercheurs ont fait remarquer que le
seul indicateur fiable en fin de compte
sera la "surmortalité",
c'est-à-dire le nombre total de
personnes décédées par rapport à une
année "normale".

Nombre de décès
par mois à Bergame au cours des dix
dernières années
(Les données concernent
les décès jusqu’au 26 mars )
Le Royaume-Uni
produit deux données différents. L’Office
for National Statistics indique
qu’il
compte plus de décès par Covid-19
que le site officiel GOV.UK du ministère
de la santé et de l’aide sociale :
Nous incluons tous
les décès pour lesquels le COVID-19
était mentionné sur le certificat de
décès, même s'il n'était que suspecté :
les chiffres du GOV.UK ne concernent que
les décès pour lesquels le patient avait
un résultat positif.Nous incluons les
décès qui se sont produits n'importe où
en Angleterre et au Pays de Galles, par
exemple, certains peuvent se produire
dans des maisons de soins : les chiffres
du GOV.UK sont uniquement ceux qui se
sont produits dans les hôpitaux.
La définition des
personnes à compter peut changer au fil
du temps et
pas seulement en Chine :
Les pays peuvent
avoir de bonnes raisons de modifier leur
façon de collecter des données en
fonction de l'évolution des
circonstances, mais cela arrive
apparemment assez souvent pour que l'Organisation
mondiale de la santé estime qu'elle
doit demander aux pays
de l'informer lorsqu'ils le font. On
sait que la Chine l'a fait pendant
l'épidémie, mais d'autres l’ont aussi
fait : en se conformant à la demande de
l'OMS, l'Australie
a indiqué qu'elle avait changé sa
définition d'un "cas" de Covid-19
(et donc d'un "décès" de
Covid-19) au moins 12 fois depuis le 23
janvier.
Quant au nombre
d’urnes livrées aux pompes funèbres
de Hubei après la levée de la
quarantaine, il faut également tenir
compte du nombre de décès réguliers. La
province du Hubei compte quelque
soixante millions d’habitants. Le
taux de mortalité régulier en Chine
est de 726 pour 100 000 habitants par
an. Le nombre de décès réguliers
attendus entre le 1er janvier
et le 31 mars dans la province de Hubei,
sans l’épidémie, était de 108 900. À
Wuhan, qui compte 14 millions
d’habitants, le nombre attendu était de
25 410. Les photos qui montrent la
livraison de quelques milliers d’urnes
aux grandes pompes funèbres de Wuhan ne
sont donc pas le signe d’un taux de
mortalité plus élevé pour le Covid-19.
Prétendre cela est un non-sens à
but propagandiste.
Il n’y a aucune
raison de critiquer la Chine pour avoir
publié des chiffres incomplets et
parfois déroutants. C’est normal lors de
toute épidémie et les États-Unis feront
certainement de même. Le vrai problème
avec les différents chiffres qui
circulent est ailleurs.
Les gens essaient
de faire des prévisions sur le nombre de
personnes qui seront infectées et
mourront du virus. Ces modèles sont
nécessaires pour préparer les
ressources. Mais il est extrêmement
difficile de faire des prévisions car
les différents modèles réagissent de
manière très sensible aux données
d’entrée. Un modèle qui fonctionne dans
le pays A peut donner de mauvais
résultats lorsqu’il est utilisé pour le
pays B. Les villes et les communes sont
différentes. Les circonstances locales
peuvent faire d’énormes différences.
Avec des chiffres réels d’infection et
de taux de mortalité inconnus lors d’une
épidémie, nous pouvons seulement espérer
que nos épidémiologistes, qui sont
formés pour élaborer et interpréter de
tels modèles, obtiennent les bons
résultats.
Prétendre que la
Chine a trompé les États-Unis et le
monde sur ses chiffres ou qu’elle a
essayé de faire croire que l’épidémie
n’était pas aussi grave qu’elle ne l’est
n’a aucun sens.
La Chine a pris des
mesures extrêmes et drastiques à un
coût économique élevé pour empêcher une
plus grave épidémie. Elle ne l’a pas
fait pour tromper qui que ce soit, mais
parce qu’elle a vu la gravité du
problème. Elle a agi pour vaincre le
virus et ceci dans l’intérêt du monde
entier.
La Chine a donné au
monde le temps de se préparer à la
pandémie. Malheureusement, ce temps n’a
pas été
utilisé à bon escient. L’une des
raisons pour lesquelles les États-Unis
vont maintenant connaître une très
grande épidémie est qu’ils ne sont pas
disposés à suivre l’exemple
chinois. Lorsque l’on déclare que les
magasins d’armes et les champs de tir
sont des entreprises essentielles
qui doivent rester ouvertes pendant le
confinement, c’est qu’on ne prend pas au
sérieux la lutte contre l’épidémie.
En accuser la Chine
est tout simplement absurde.
Le nombre réel de
victimes de l’épidémie de SRAS-CoV-19 ne
sera connu qu’une fois que celle-ci sera
terminée et lorsque nous comparerons les
nouvelles statistiques de décès à celles
des années précédentes. Une chose est
sûre. Le nombre de « décès
excédentaires » sera plus faible
dans les pays qui ont utilisé le temps
que la Chine leur a accordé et qui se
sont préparés à ce qui les attendait.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par Jj pour le Saker Francophone
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