Algérie
La plus grande défaite diplomatique du
régime algérien
Lahouari Addi
Samedi 28 novembre 2020
La résolution du Parlement Européen est
la plus grande défaite diplomatique du
régime algérien depuis l'indépendance du
pays. La diplomatie algérienne a
toujours eu pour souci de montrer à
l'opinion et aux institutions
internationales que le régime est
respectueux d'une constitution d'un Etat
de droit, et surtout que l'armée est
sous les ordres du président élu
démocratiquement par la population.
Cette fiction a perdu de son efficacité,
usée par des années de gestion
autoritaire, et surtout mise à nu par le
slogan exprimé par des centaines de
milliers de hirakistes: dawla madania,
machi 'askaria. La population ne veut
pas d'un Etat où les dirigeants civils
et les députés sont choisis par l'Etat-Major
de l'armée et par la police politique
qui en dépend. La revendication des
hirakistes a été entendue dans toutes la
capitales étrangères et a eu un écho
retentissant au Parlement Européen.
Cette résolution indique que l'Algérie
est plus proche de la Corée du Nord que
de l'image qu'en donne le discours
officiel. Dans tous les pays du monde,
entre la réalité politique et les textes
institutionnels, il y a un décalage. En
Algérie, il y a un fossé au point où le
régime dépense des millions de dollars
pour cacher ce fossé. Quelle est la
nature du régime algérien? Est-ce une
dictature militaire? Non, parce que
l'armée algérienne a été créée en 1954
par des civils dont la culture politique
était anti-militariste. A
l'indépendance, des militaires ont pris
le pouvoir avec la promesse de
développer le pays et de moderniser la
société. Mais ils n'ont pas dirigé
directement les ministères. Ils ont pour
cela utilisé des civils qui n'avaient
qu'une autorité administrative. Mais
plusieurs décennies après, il n'y a eu
ni développement, ni modernisation, et
les militaires ont continué à détenir la
souveraineté populaire en désignant le
président et son administration. Le
colonel Boumédiène avait au moins le
courage de dire que son pouvoir vient du
parti unique, le FLN, et que le peuple,
qu'il prétendait représenter, ne veut
pas du multipartisme qui profiterait aux
riches et à la bourgeoisie. Les généraux
qui lui ont succédé n'ont pas ce
discours parce que depuis 1989, ils
acceptent le multipartisme. Ils disent
qu'ils ne font pas de politique et que
le président est élu à l'issue d'une
compétition électorale à laquelle
prennent part différents partis. Sauf
que dans la réalité, ces partis sont
contrôlés ou mis sous pression par la
police politique de l'armée. Par
ailleurs, la police politique demande à
l'administration de truquer les
élections. Le trucage est facile du fait
que la presse n'est pas libre et la
justice n'est pas indépendante. Or, sans
presse libre et sans autonomie de la
justice, le pouvoir exécutif peut
truquer les résultats électoraux y
compris dans une démocratie. L'exemple
vient des Etats-Unis où les deux
institutions qui ont empêché Donald
Trump de trafiquer à son profit les
élections sont la presse et la justice.
Maintenant que le roi est nu en Algérie,
que vont faire les généraux? Soit ils
assument la nature autoritaire et non
démocratique du régime, et ils
continuent d'emprisonner les
journalistes et autres militants du
hirak, soit ils prennent au sérieux la
constitution et suivent le chemin
emprunté par les généraux turcs. La
position des généraux est intenable:
s'ils veulent le beurre, ils doivent
renoncer à l'argent du beurre. Ils ne
peuvent pas avoir le beurre et l'argent
du beurre.
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