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Algérie

De L’homme révolté à L’Etranger :
Kamel Daoud et la révolution du sourire

Lahouari Addi

Mardi 21 janvier 2020

Auteur désormais consacré à l’échelle internationale, Kamel Daoud est de plus en plus contesté par des franges de sa société d’origine qui lui étaient pourtant acquises. Il y a quelques années, ses chroniques dans Le Quotidien d’Oran étaient lues avec enthousiasme pour leur ton critique d’une société s’accommodant à la saleté des rues, au harcèlement des femmes, à la religiosité ostentatoire, à la mentalité rentière, etc. Kamel Daoud dépeignait un tableau peu flatteur de la vie quotidienne, ce qui plaisait à un lectorat de classes moyennes aspirant à une meilleure qualité de la vie en Algérie. Hypercritiques et sans concessions ni pour l’administré ni pour l’administration, ces chroniques visaient à frapper les esprits et à réveiller les consciences. Elles suscitaient aussi la désapprobation des milieux conservateurs qui y voyaient une attaque délibérée contre la religion, ce qui renforçait la célébrité de l’auteur au niveau national. A l’époque, Kamel Daoud avait un public qui voyait en lui le musulman sécularisé, révolté par le retard de sa société. Mais la tendance s’est peu à peu inversée dès lors que les critiques étaient formulées dans des journaux en Occident. L’article dénonçant les supposées agressions de femmes par des réfugiés syriens à Cologne un soir de la Saint-Sylvestre a été un tournant dans la carrière de K. Daoud. Dans un texte écrit à chaud, reproduit par Le Monde, le New York Times, La Corriere della Sera entre autres, il écrit que « le sexe est la plus grande misère dans le monde d’Allah ». Certains de ses lecteurs l’ont désavoué, lui reprochant de reproduire les cliches de l’orientalisme qui dévalorisent le musulman, et surtout de donner des munitions à l’extrême droite islamophobe. Il récuse ce mot derrière lequel, dit-il, les islamistes recherchent une réhabilitation idéologico-morale. Il n’a pas approuvé la marche contre l’islamophobie à laquelle ont pris part des intellectuels engagés et des organisations de gauche à Paris le 10 novembre 2019.
Le problème de Kamel Daoud est qu’il n’a pas perçu qu’une critique de sa société et de ses composantes idéologiques n’est pas reçue de la même manière en Algérie et à l’étranger. Tous les pays tiennent à cette sorte de fierté qui limite l’autocritique à l’intérieur des frontières nationales. En France, il y a un mot en anglais qui désigne la critique de la France à partir de l’étranger ou par des étrangers : le French Bashing. C’est ce qui se passe chez les Algériens qui n’acceptent pas l’Algerian Bashing. Surtout que Kamel Daoud touche souvent à des questions sensibles liées au passé colonial. Qu’il le veuille ou non, il est devenu un trophée postcolonial exhibé par la droite européenne avec une volonté d’affirmer que les indépendances ont été un échec. C’est ce que répète Eric Zemmour sur les plateaux de télévision, insinuant que l’Algérie aurait mieux fait de demeurer une colonie française. Pour de nombreux de ses compatriotes, Daoud est perçu comme un romancier qui a choisi son camp dans une guerre idéologique où le passé colonial se mêle aux enjeux hégémoniques du présent et de la géopolitique.
Malgré cela, il avait gardé un public qui lui est resté fidèle jusqu’à ce qu’une dernière goutte fasse déborder le vase. Et cette goutte a été le dernier article de l’hebdomadaire Le Point où il annonce de façon péremptoire que le hirak est « une révolution perdue », ce qui lui a fait perdre en Algérie une grande partie de ses admirateurs qui manifestent les mardis et vendredis. Cet article peut être lu comme une opinion d’un hirakiste déçu que la mobilisation populaire n’ait pas atteint son objectif principal : le changement de régime. En hirakiste aigri, Kamel Daoud critique la contestation, l’accusant d’être « un mouvement radical urbain limité aux marches de la Grande Poste d’Alger ». Il lui reproche aussi d’avoir sous-estimé la solidité du régime qui s’est re-légitimé avec le scrutin du 12 décembre en s’appuyant sur le monde rural. Cette double critique suggère, toute proportion gardée, le syndrome de Messali Hadj qui, pendant des années a formé des générations de militants à l’idée de l’indépendance, et qui les lâchera lorsqu’ils passent à l’action. En effet, pendant des années, Kamel Daoud a contribué par ses chroniques dans Le Quotidien d’Oran à critiquer Bouteflika et à délégitimer politiquement son régime, et quand la génération qui le lisait est passée à l’action, il la désavoue, lui reprochant d’être une minorité urbaine, d’être radicale et d’avoir refusé le dialogue avec le pouvoir. Et qui plus est, dans un texte publié outre-méditerranée ! Relevant plus d’une sotte d’humeur, d’un sentiment spontané que de l’analyse, ce texte est discutable au moins sur deux points : le soutien du monde rural au régime et la victoire politique de ce dernier après le scrutin du 12 décembre.
Premièrement, l’absence des marches hebdomadaires dans les petites villes et villages ne signifie pas que le monde rural soutient le régime. Cette absence tient à des facteurs politiques objectifs. Les régimes autoritaires contrôlent mieux les villages du fait de la densité de la population et du poids des notables qui surveillent les propos et faits et gestes de chacun. Les régimes autoritaires au Maghreb ont plus de ressources politiques dans les campagnes que dans les villes, avec l’exception notoire de la Kabylie unie contre le régime par la revendication de la langue amazigh. C’est ce que le politologue Rémy Leveau a montré pour le Maroc dans son livre intitulé « Le fellah marocain, défenseur du trône ». La maîtrise politique de l’espace rural est plus aisée que celle de l’espace urbain où la protestation rassemble des dizaines de milliers de personnes à Alger, Oran, Constantine... L’atout du hirak est le nombre, et les foules incontrôlables sont à Bab el Oued et El Hamri et non à Masra ou Yellel. Cela ne veut pas dire que les habitants de ces deux bourgades de l’Ouest ne sont pas en phase avec leurs cousins d’El Hamri et de Mdine Jdida qui par milliers défilent tous les vendredis à Oran. Il est plus facile pour les autorités de réprimer à Masra qu’à Mosta.
Quant au scrutin du 12 décembre, il n’est pas une victoire politique du régime. Dans cette élection administrative, il n’y a pas eu de campagne électorale, l’opposition même modérée n’avait pas de candidats, le champ médiatique était fermé et enfin les arrestations par dizaines étaient opérées sur tout le territoire national. Et si le taux de participation a été plus élevé dans les villages que dans les villes, c’est pour des raisons politiques citées plus haut. Même si dans les villages la participation a été de 30%, ce qui semble élevé, dans les villes, elle n’a pas dépassé les 5%. Compte tenu du fait que l’Algérie est urbaine à 70% et qu’en Kabylie la participation a été de 1%, le taux national se situerait probablement autour de 10%. Par conséquent, avec un tel chiffre, le scrutin par lequel a été désigné Abdelmajid Tebboune a été un échec pour le régime et non une victoire.
Ces deux insuffisances du texte de Kamel Daoud indiquent que lorsqu’un romancier cesse d’être une conscience, il s’enlise dans les dédales de l’idéologie. Mais plus grave encore, en affirmant que le hirak a échoué et que le régime a remporté sur lui une victoire, Kamel Daoud aura justifié à l’avance la répression qui risque de s’abattre sur « cette minorité qui occupe illégitimement les marches de la Grande Poste d’Alger ». L’œuvre de Camus n’a-t-elle pas trop marqué la destinée de Kamel Daoud qui était l’homme révolté à Oran et qui est désormais perçu comme l’Etranger par les siens ?

 

 

   

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Source : FB Lahouari Addi
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