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Algérie

La plate-forme d’El Kseur
comme réponse au mal algérien

Lahouari Addi

Jeudi 16 juillet 2020

Le Hirak de 2019 a été annoncé par la protestation citoyenne en Kabylie de 2001 dont des représentants avaient rédigé une plate-forme de revendications qu'il faudra réactualiser et enrichir à la lumière de ce qui s'est passé depuis. Voici un article que j'avais écrit au sujet de la Plate Forme d'El Kseur, paru dans le quotidien Le Matin avant son interdiction.

La plate-forme d’El Kseur comme réponse au mal algérien
Le Matin, 28 Février 2002
Depuis plusieurs mois, il est question de la plate-forme d’El Kseur, alors que peu d’Algériens l’ont lue, comme si la presse était empêchée de la publier pour ne pas lui donner la publicité qu’elle mérite. Ecrite dans un langage dépouillé et sans emphase, la plate-forme se compose de quinze revendications dont certaines, si elles sont satisfaites, mettraient définitivement fin à la crise politique que connaît le pays depuis des années. De par son contenu, elle est le texte politique le plus important depuis le programme de la Soummam dont elle est le prolongement dans l’affirmation de la primauté du politique sur le militaire. L’Algérie a eu pourtant à connaître plusieurs textes idéologiques (Programme de Tripoli, Charte d’Alger, Charte nationale), mais il faut admettre que ces derniers, verbalement généreux, n’avaient aucune chance d’être concrétisés dans le cadre d’un régime autoritaire où le pouvoir s’était soustrait au contrôle populaire et à la sanction électorale. Et c’est là qu’a commencé la dérive d’un régime issu pourtant des traditions révolutionnaires d’un mouvement de Libération nationale (FLN-ALN) composé dans sa majorité de paysans et de chômeurs opprimés. Mais les représentants de ces paysans et chômeurs, après avoir pris l’ascenseur social de la Révolution, ont oublié leurs origines ainsi que la mission qui les légitimait, c’est-à-dire la modernisation sociale et politique du pays.
La plate-forme d’El Kseur remet les pendules à l’heure et renoue avec le souffle révolutionnaire de Novembre 1954 et du Congrès de la Soummam dans les revendications 2 et 11 qui sont, en fait, les seules qui gênent le régime. Quand ce dernier s’est décidé à négocier avec les représentants du mouvement citoyen, le « cabinet noir » a donné le feu vert à Ali Benflis, Premier ministre, de satisfaire tous les points à condition que le mouvement renonce aux revendications 2 et 11. Or, c’est en ces deux points que le texte est la dernière chance de l’Algérie de sortir de la crise, car ils identifient la cause du mal algérien, à savoir la faiblesse structurelle de l’autorité publique en raison de la prééminence politique des services secrets dépendant du ministère de la Défense sur les institutions de l’Etat.
La revendication 2 exige en effet « le jugement par les tribunaux civils de tous les acteurs, ordonnateurs et commanditaires des crimes et leur radiation ». Et si le régime refuse de satisfaire la population sur cette question, ce n’est pas pour couvrir des officiers de la gendarmerie, mais c’est parce que de « gros bonnets » sont impliqués comme le reconnaît à demi-mot le rapport Issad concluant que les ordres de tirer ne provenaient pas des structures hiérarchiques de la gendarmerie. Ce qui signifie que dans celle-ci, il y a aussi, comme dans l’Etat, un pouvoir réel et un pouvoir formel. Avec une structure pareille, les corps de sécurité perdent leur crédibilité et les administrations leur capacité de gérer les affaires publiques. En exigeant l’arrestation des ordonnateurs et commanditaires des assassinats perpétrés au nom de la gendarmerie, la revendication 2 touche directement le « cabinet noir » qui exerce le pouvoir réel sur toutes les institutions de l’Etat. La fin de la crise en Algérie passe par la neutralisation du « cabinet noir » et la redéfinition des prérogatives officielles de la Sécurité militaire (SM) dont il est désormais nécessaire qu’elle soit rattachée au ministère de l’Intérieur pour préserver l’armée de ses dérives et de ses activités clandestines illégales. Car dire que l’armée exerce le pouvoir n’est vrai que parce que la SM dépend formellement du ministère de la Défense, ce qui est une grave anomalie constitutionnelle.
La subordination de la SM à un pouvoir civil officiel est la revendication 11 qui « exige la mise sous l’autorité effective des instances démocratiquement élues de toutes les fonctions exécutives de l’Etat ainsi que des corps de sécurité ». Cette revendication, formulée par un Rousseau kabyle, est au cur de la modernité politique dont la tendance lourde est de « déprivatiser » le pouvoir pour en faire une autorité publique au service de la population. En Algérie, le pouvoir exécutif qui, théoriquement, tire sa force du consentement de la population, s’est coupé de celle-ci, et ses bras séculiers (gendarmerie, justice, impôts, douanes) se sont mis au-dessus des administrés qu’ils méprisent, qu’ils rançonnent et qu’ils dépouillent au vu et au su de tout le monde. Bien sûr que dans la justice, dans la gendarmerie, dans les impôts, il y a des fonctionnaires honnêtes qui vivent uniquement de leurs traitements. Mais combien sont-ils ? Et qu’ont-ils fait pour s’opposer à leurs collègues « ripoux » qui les ont salis et qui ont sali l’institution au point où aujourd’hui une population entière demande le départ de la gendarmerie de leur région ? La gendarmerie est nationale, et elle doit être présente sur tout le territoire national, mais rien n’empêche de dissoudre ce corps et de le reconstituer sous une nouvelle appellation après l’avoir purgé de ses membres corrompus et de ses membres appartenant à la police politique du « cabinet noir ». La revendication 11 pose un problème fondamental de construction de l’Etat de droit, celui du contrôle du pouvoir exécutif et de sa détention. Qui détient ce dernier ? Est-ce Bouteflika ? Est-ce Mohamed Lamari ? Est-ce Mohamed Médiène ? L’Etat algérien ne peut fonctionner normalement si les prérogatives de ces trois personnages ne sont pas définies clairement et publiquement une fois pour toutes.
Le système politique algérien est structuré d’une manière telle que l’autorité du gouvernement provient de l’armée qui se pose en détentrice de la légitimité. C’est au nom de cette loi non écrite que des coteries choisissent le Président au nom de l’armée. Mais depuis la mort de Boumediène, ces coteries ont toujours choisi des personnalités incompétentes pour occuper la fonction de chef d’Etat, comme si le pouvoir légitimant détenu par les coteries refusait un pouvoir civil fort, compétent et légitimé par l’efficacité de sa gestion du pays. C’est l’incompétence notoire de Chadli, Zeroual, Bouteflika, Ghozali, Belaïd Abdesselam, Réda Malek, Ouyahia qui est à l’origine de la généralisation de la corruption, le délabrement de l’économie, de la paupérisation des couches moyennes, de l’aggravation de la misère et de la saleté dans les villes, de la crise de l’enseignement, de la dégradation des structures sanitaires, des agressions en plein jour et autres délinquances ; bref de l’effondrement de l’Etat, prélude à l’anarchie qui se profile à l’horizon. La solution réside dans « la mise sous l’autorité effective des instances démocratiquement élues de toutes les fonctions exécutives de l’Etat » comme le stipule la revendication 11 de la plate-forme d’El Kseur, qui est la dernière chance de sortie politique de la crise avant la généralisation du chaos et de l’embrasement total dont les symptômes avant-coureurs sont déjà là.
Cette revendication 11, si elle était satisfaite, donnerait au pouvoir son caractère public et son efficacité dans la gestion des affaires publiques en le soumettant à la sanction électorale qui a déjà fait ses preuves aux Etats-Unis, en France, en Allemagne, en Angleterre et récemment en Espagne et ailleurs encore. Il n’y a pas d’autre alternative à la séparation des pouvoirs et à la circulation des élites par les élections parce que le pays compte 35 millions d’habitants et, de ce fait, ne peut être géré comme il l’est aujourd’hui dans la clandestinité. Si le « cabinet noir » veut diriger le pays, il n’a qu’à s’institutionnaliser et se proclamer dépositaire de la souveraineté nationale car un pouvoir est public ou il n’est pas pouvoir. Depuis la mort de Boumediène, l’Algérie est sans direction politique officielle et publique. La marabi si nous continuons d’exister sur une carte géographique. Il appartient aux partis, aux associations et autres comités à créer au niveau des quartiers et des villages de discuter la plate-forme d’El Kseur, de l’amender, de l’enrichir pour devenir le texte de toute la nation. C’est la seule façon de reconstruire l’Etat pour l’enraciner dans la population afin qu’il regagne la confiance des administrés qui doivent sentir qu’il est le leur.

Lahouari Addi,
professeur de sociologie politique, Institut d’études politiques, Université Lyon-II

P. S. : La revendication linguistique est en huitième position par rapport aux autres revendications, ce qui indique que la plate-forme d’El Kseur est de portée nationale et non spécifique à une région. Concernant cette revendication, du fait que le berbère est une langue maternelle, son usage n’a pas à être négocié car c’est un droit naturel de parler sa propre langue. L’Etat n’a pas à reconnaître un droit naturel ; il en tient compte et le protège. Aussi, il est légitime que les Algériens habitant la Kabylie utilisent le tamazight dans les tribunaux, les mairies, les commissariats de police, les différentes administrations sans que ce soit contre la langue arabe. Le tamazight n’est pas une culture de négation et d’opposition ; il doit être un enrichissement et doit apporter un plus. La culture en Kabylie fait partie du patrimoine arabo-islamique auquel ont contribué par le passé de grands savants originaires de la région. Que l’on se rappelle le rôle joué par les Kotamas – tribu kabyle – dans la dynastie fatimide au Caire, le rayonnement de la Qalâa des Béni Hammad ou encore l’influence politico-culturelle de la Rahmaniya pour prendre la mesure de la contribution de la Kabylie à la civilisation arabo-islamique. Il ne faut pas laisser le monopole de la revendication amazighe à des francophones ignorant la langue arabe et ses trésors.

Plate-forme de revendications dite d’El-Kseur

Ce document a été élaboré le 11 juin par les représentants des wilayas Sétif, Bordj Bou Arréridj, Bouira, Boumerdès, Bgayet, Tizi Ouzou, Alger ainsi que par le Comité collectif des universités d’Alger et devait être déposé à la présidence de la république, à l’issue de la manifestation du 14 juin.
Nous, représentants des wilayas (…) avons adopté la plate-forme commune de revendications:
1 – Pour la prise en charge urgente par l’Etat de toutes les victimes blessées et familles des martyrs de la répression durant ces événements.
2 – Pour le jugement par les tribunaux civils de tous les auteurs, ordonnateurs et commanditaires des crimes et leur radiation des corps de sécurité et des fonctions publiques.
3 – Pour un statut de martyr à chaque victime de la dignité durant ces événements et la protection de tous les témoins du drame.
4 – Pour le départ immédiat des brigades de gendarmerie et des renforts des URS.
5 – Pour l’annulation des poursuites judiciaires contre tous les manifestants ainsi que l’acquittement de ceux déjà jugés durant ces évènements.
6- Arrêt immédiat des expéditions punitives, des intimidations et des provocations contre la population.
7- Dissolution des commissions d’enquête initiées par le pouvoir.
8- Satisfaction de la revendication amazighe dans toutes ses dimensions (identitaire, civilisationnelle, linguistique et culturelle) sans référendum et sans condition, et la consécration de tamazight en tant que langue nationale et officielle.
9- Pour un Etat garantissant tous les droits socioéconomiques et toutes les libertés démocratiques.
10- Contre les politiques de sous-développement, de paupérisation et de clochardisation du peuple algérien.
11- La mise sous l’autorité effective des instances démocratiquement élues de toutes les fonctions exécutives de l’Etat ainsi que les corps de sécurité.
12- Pour un plan d’urgence socioéconomique pour toute la région de Kabylie.
13- Contre tamheqranit (hogra) et toutes formes d’injustice et d’exclusion.
14- Pour un réaménagement au cas par cas des examens régionaux pour les élèves n’ayant pas pu les passer.
15- Institution d’une allocation-chômage pour tout demandeur d’emploi à hauteur de 50 % du SNMG.
Nous exigeons une réponse officielle, urgente et publique à cette plate-forme de revendications.

 

 

   

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