Algérie
Qui arrêtera le hirak ?
Lahouari Addi
Vendredi 14 février 2020
La mobilisation
populaire a été aussi intacte ce
vendredi 14 février que les premiers
jours des manifestations. Par dizaines
de milliers, les Algériens sont sortis
dans les rues pour réclamer l'Etat de
droit et l'indépendance de la justice.
Ni la neutralisation du clan de
Bouteflika, ni l'arrestation de
ministres corrompus et d'hommes
d'affaires délinquants n'ont mis fin à
une colère profonde qui s'exprime
pacifiquement et avec détermination
depuis une année. Le vendredi prochain,
ce sera le premier anniversaire de
l'éruption de ce volcan populaire.
Vendredi prochain, ce sont des millions
d'Algériens qui seront dans les rues
clamant leur désir de récupérer leur
Etat confisqué par la branche militaire
du pouvoir exécutif. Ces citoyens de
tout âge, femmes et hommes, et
apparemment d'opinions politiques
différentes, crient des slogans chaque
semaine qui révèlent une maturité d'un
haut niveau.
Si on analyse tous
les slogans, nous remarquerons qu'ils
convergent vers une seule demande: la
fin de la domination de la branche
militaire du pouvoir exécutif sur
l'Etat. Les Algériens veulent mettre fin
au mécanisme par lequel le commandement
militaire, sous un habillage
constitutionnel à la djeha, désigne les
dirigeants civils depuis l'indépendance.
Ils ont compris que si des records de
corruption ont été atteints, c'est parce
que l'instance qui nomme aux hautes
fonctions de l'Etat est au-dessus des
lois.
Depuis
l'indépendance, l'Etat est réduit à un
,pouvoir administratif qui échappe au
contrôle populaire et qui gère le pays à
sa guise en refusant de reconnaître la
citoyenneté à ceux qu'il considère comme
une foule d'administrés. Cette foule
d'administrés s'est soulevée un 22
février 2019 à l'échelle nationale pour
revendiquer d'abord le statut de
citoyens et pour exiger que l'Etat soit
reconstruit sur la base de la séparation
des trois pouvoirs. Pour atteindre cet
objectif, les Algériens demandent la
dépolitisation du grade de général qui
est un préalable à la
professionnalisation de l'armée. On ne
peut pas être général d'une armée
moderne et Grand Electeur; on ne peut
pas être général d'une armée
professionnelle et membre d'un Comité
Central virtuel. La demande de
dépolitisation de la fonction militaire
est le signe d'une demande d'Etat
moderne exprimée par une population mûre
politiquement. C'est le signe que la
société a changé et demande que le champ
politique se transforme pour tenir
compte de son évolution.
Le hirak demande un
changement dans les méthodes
d'administration du pays, en
restructurant le champ de l'Etat sur la
base de la sanction électorale. Les
Algériens savent que si les villes où
ils habitent sont sales, c'est parce
qu'ils n'élisent pas leurs maires; si
les deniers publics sont gaspillés de
façon outrageuse, c'est parce que les
détenteurs de l'autorité publique ne
leur rendent pas des comptes. Un
président, un ministre est comptable
devant les généraux et non devant
l'électorat. Les dirigeants civils ont
toujours cherché à plaire aux généraux
et non à la population. C'est normal
parce que leur désignation dépend des
généraux et non de l'électorat. Ce
mécanisme est générateur d'irresponsabilté,
de corruption, et favorise l'ascension
des plus obséquieux et des plus
incompétents dans les rouages de
l'administration de l'Etat. Les
Algériens attendent que le commandement
militaire prenne conscience de cette
situation et accepte de se dépolitiser
pour le bien du pays et pour la paix
civile. Ce qui arrêtera le hirak, c'est
une prise de conscience des généraux
pour qu'ils se retirent du champ
politique.
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