Iran
Washington-Téhéran: de l'eau dans le gaz
Kharroubi Habib
Dimanche 15 décembre 2013
L'encre de l'accord intérimaire sur le
nucléaire contresigné à Genève le 24
novembre par les grandes puissances et
Téhéran n'a pas fini de sécher qu'une
initiative américaine est venue faire
douter des avancées que ce texte
semblait avoir apportées pour la
résolution de la crise internationale
provoquée par le programme atomique
iranien. Elle a consisté en la décision
annoncée par Washington d'étoffer sa
liste noire des entreprises et individus
soupçonnés de commercer illégalement
avec l'Iran et d'enfreindre ainsi le
programme de sanctions occidentales
contre ce pays. Décision que les
autorités iraniennes ont aussitôt
dénoncée en la qualifiant de «contraire
à l'esprit de l'accord de Genève» et
menacé qu'elles «auront une réaction
appropriée». Réaction qui risque d'être
autrement néfaste pour l'application de
l'accord que celle à chaud qui a
consisté pour Téhéran à stopper la
poursuite des négociations que menait à
Genève depuis lundi dernier son équipe
d'experts avec les représentants des
cinq plus un.
Depuis la signature de l'accord de
Genève, ni l'Agence internationale de
l'énergie atomique (AIEA) chargée
d'assurer le contrôle du respect par
Téhéran de ses stipulations concernant
l'Iran, ni les services secrets
occidentaux dont on se doute qu'ils
surveillent au plus près l'activité
nucléaire de ce pays n'ont émis d'alerte
que Téhéran ne s'en tiendrait à ses
engagements. Se pose alors la question
du pourquoi de l'initiative américaine
que les Iraniens sont fondés à
considérer comme manifestation de
rupture du contrat de morale et de
confiance sans lequel l'application de
l'accord et surtout la poursuite des
négociations pour une solution
définitive à la crise provoquée par le
programme nucléaire seront impossibles.
Elle se pose d'autant et intrigue que
prenant prétexte de négocier sur le
programme nucléaire, Washington et
Téhéran ont opéré un rapprochement dont
les contours apparaissent comme étant
ceux d'une entente en gestation entre
les Etats-Unis et l'Iran appelée à
changer fondamentalement la nature des
rapports de force qui s'imposaient
jusque-là au Moyen-Orient.
Le premier décryptage est celui que par
leur décision Obama et son
administration ont voulu couper l'herbe
sous les pieds du Congrès américain
qu'ils savent opposé à ce rapprochement
irano-américain et s'apprêtait à prendre
d'autres sanctions contre Téhéran pour
marquer son désaccord avec l'accord de
Genève. Une seconde lecture consiste à
voir dans la décision de Washington un
geste tendant à montrer à Israël et aux
monarchies arabes, eux aussi opposés
autant qu'effrayés par les
«retrouvailles» irano-américaines
amorcées, que les Etats-Unis ne baissent
pas la garde devant Téhéran et disposent
d'une panoplie de pressions à son
encontre. Enfin, troisième regard, celui
d'une pression américaine sur Téhéran
pour tenter de contraindre ses autorités
à plus de souplesse et de concessions
que Washington n'en a déjà obtenues.
Il y a que jusqu'à preuve du contraire
les Iraniens qui ont été par avance
soupçonnés de l'intention de tenir leur
engagement pris à Genève n'ont rien fait
qui a apporté la preuve de la réalité du
soupçon. Jamais l'AIEA n'a eu plus
largement accès aux sites nucléaires
iraniens que depuis la signature de
l'accord de Genève. Le régime de Téhéran
a redoublé les gestes de bonne volonté
et de propositions pacifistes en
direction de toutes les parties
régionales que son programme nucléaire
inquiète. Une partie de l'establishment
américain chercherait-elle alors à
casser la dynamique du rapprochement
irano-américain en poussant Téhéran à
commettre le geste de la cassure ?
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