Affaire Molla Sali : La CEDH ouvre
la voie à l'islamisation du droit en
Europe
"par consentement mutuel"
Karine Bechet-Golovko
Samedi 29 décembre 2018
Avec l'arrêt de Grande Chambre Molla
Sali contre Grèce, la CEDH continue son
oeuvre de déstructuration des sociétés
européennes, en opposant l'individu au
groupe, la minorité à la majorité, en
consacrant par un raisonnement a
contratio le principe d'un possible
recours à la Charia en Europe contre le
droit national, se fondant sur le droit
de libre identification des individus à
une minorité - en l'occurrence
musulmane. Il suffit pour cela que les
parties soient d'accord pour écarter le
droit civil au profit de la Charia. A
quand le droit pénal ?
Nous avions déjà plusieurs fois écrit
sur le rôle déstructurant de la CEDH ces
dernières années et des attaques qu'elle
mène contre les institutions-pilliers de
nos sociétés européennes : les
frontières étatiques sont sous le feu
par l'assimilation de fait des immigrés
clandestins et de l'immigration légale,
or un Etat ne peut exister sans
frontières; la famille traditionnelle
est contestée par une lecture
extravagante de l'art. 8 obligeant la
reconnaissance du mariage homosexuel,
incitant à la légalisation de la
gestation pour autrui, ...; la religion
chrétienne, au fondement de nos sociétés
européennes, est battue en brèche (les
croix sous toutes leur forme, les Pussy
Riot en Russie, ...) alors que la
religion musulmane, minoritaire est
surprotégée (condamnation de la critique
de Mahomet au nom de la paix religieuse
... en Autriche, l'affaire de la crèche
baby loup en France, etc.).
Sur l'approche très
spécieuse de la CEDH dans sa régulation
de la liberté d'expression et de la
protection du sentiment religieux, vous
pouvez voir cette vidéo de mon
intervention au Conseil de l'Europe ce
13 décembre :
Dans son arrêt
de Grande Chambre du 19 décembre 2018,
Molla Sali contre Grèce, la
CEDH, dans un raisonnement a
contrario, non seulement
ne pose aucune condamnation de principe
du recours à la Charia dans les pays
européens, ni de son incompatibilité
foncière avec les principes et valeurs
européennes, mais pose le principe de
la possibilité du recours à la Charia et
donc la possibilité d'écarter à son
profit le droit national, dans la mesure
où les deux parties sont d'accord pour
cela.
En l'espèce, il
s'agit d'un testament qui a été écarté
au profit de
l'application de la Charia et d'une
répartition des biens faite par le
mufti, en conséquence de la protection
des minorités musulmanes de Thrace en
Grèce depuis les Traités de Sèvres
(1920) et de Lausanne (1923). Si les
juridictions inférieures grecques ont
condamné l'annulation du testament, la
Cour de cassation, elle, a confirmé la
possibilité d'écarter le droit civil au
profit de la Charia, lorsqu'il s'agit de
citoyens musulmans. En l'occurrence,
même contre leur volonté.
C'est justement sur
ce point, le manque de consentement,
que s'appuie la CEDH pour condamner la
Grèce, mais pas sur le principe :
155. La Cour
rappelle que, selon sa jurisprudence, la
liberté de religion n’astreint pas les
États contractants à créer un cadre
juridique déterminé pour accorder aux
communautés religieuses un statut
spécial impliquant des privilèges
particuliers. Néanmoins, un État qui a
créé un tel statut doit veiller à ce que
les critères pour que ce groupe
bénéficie de ce statut soient appliqués
d’une manière non discriminatoire (İzzettin
Doğan et autres, précité, § 164).
156. En outre, rien
ne permet de dire qu’un testateur de
confession musulmane ayant établi un
testament conformément au code civil
renonce automatiquement à son droit, ou
à celui de ses bénéficiaires, de ne pas
faire l’objet d’une discrimination
fondée sur sa religion. Les convictions
religieuses d’une personne ne peuvent
valablement valoir renonciation à
certains droits si pareille renonciation
se heurte à un intérêt public important
(Konstantin Markin,précité,
§ 150). L’État ne peut quant à lui
assumer le rôle de garant de l’identité
minoritaire d’un groupe spécifique de la
population au détriment du droit des
membres de ce groupe de choisir de ne
pas appartenir à ce groupe ou de ne pas
suivre les pratiques et les règles de
celui-ci.
157. Refuser aux
membres d’une minorité religieuse le
droit d’opter volontairement pour le
droit commun et d’en jouir non seulement
aboutit à un traitement discriminatoire,
mais constitue également une atteinte à
un droit d’importance capitale dans le
domaine de la protection des minorités,
à savoir le droit de libre
identification. L’aspect négatif du
droit de libre identification,
c’est-à-dire le droit de choisir de ne
pasêtre traité comme une
personne appartenant à une minorité,
n’est assorti d’aucune limite analogue à
celle prévue pour l’aspect positif de
celui-ci (...).
Autrement dit, les
Etats ne sont pas obligés de légiférer
pour octroyer des droits dérogatoires au
droit commun à des minorités
religieuses, mais lorsqu'ils le font,
ces dérogations deviennent obligatoires.
Pour autant, les membres d'une minorité
religieuse doivent avoir la possibilité
de rejeter ces dérogations pour se voir
appliquer le droit commun.
Il ressort de cette
décision de la CEDH la possibilité
même d'une "communautarisation du droit",
sans que des limites matérielles ne
soient posées. Quels droits, dans quel
domaine, quel contrôle ? Est-ce
que cela va également concerner la
matière pénale, car la Charia
particulièrement barbare dans ce domaine
... Pourquoi cela ne concerne que les
minorités religieuses ? Pourquoi
les membres des communautés religieuses
majoritaires en Europe, c'est-à-dire
chrétiennes, ne peuvent bénéficier d'un
régime juridique dérogatoire, si la
dérogation est liée au droit de
"s'identifier" ? Ou bien ce droit
n'existe-t-il que pour les minorités? Et
dans ce cas, sur quel fondement
juridique cette discrimination
est-elle fondée ? Silence de la CEDH
sur ces points.
Mais le plus
intéressant est encore à venir:
159. À cet égard,
la Cour note que dans les États membres
du Conseil de l’Europe la charia
s’applique en général comme une loi
étrangère dans le cadre du droit
international privé. En dehors de ce
cadre, seule la France appliquait la
charia à la population du territoire de
Mayotte mais cette pratique a pris fin
en 2011. Quant au Royaume-Uni,
l’application de la charia par les sharia
councils n’est acceptée que dans la
mesure où le recours à celle-ci reste
volontaire (paragraphe 83 ci-dessus).
160. La Cour note
avec satisfaction que le 15 janvier
2018, la loi visant à abolir le régime
spécifique imposant le recours à la
charia pour le règlement des affaires
familiales de la minorité musulmane est
entrée en vigueur. Le recours au mufti
en matière de mariages, de divorce ou
d’héritage ne devient désormais possible
qu’en cas d’accord de tous les
intéressés (...).
Autrement dit,
toute relation juridique est de l'ordre
privé, l'intérêt public est ici
totalement nié au profit d'une vision
contractuelle de la société, qui a
pour conséquence de laisser toute
latitude aux forts et de ne plus
protéger les faibles. La CEDH
développe ici une forme de nihilisme
juridique, puisque finalement,
elle revient au bon vieux temps du droit
du plus fort. Surtout, si l'on tient
compte de la place des femmes dans les
sociétés islamiques, dans quelle mesure
seront-elles en mesure d'exprimer
librement leur volonté ? Mais ici aussi,
la Cour se cache derrière le formalisme
pour éviter de traiter les questions au
fond.
Ainsi, le droit
national peut désormais légitimement en
Europe être écarté au profit de la
Charia, dès lors que les parties sont
d'accord. Et peu importe que les
principes de la Charia soient totalement
en opposition avec la culture
européenne, plus la communauté musulmane
sera importante et plus la Charia pourra
prendre légalement la place du droit
national.
La CEDH vient
d'ouvrir grand la porte à l'islamisation
juridique des pays européens.
Qu'attendons-nous pour quitter une telle
institution ?
Abonnement newsletter:
Quotidienne -
Hebdomadaire
Les avis reproduits dans les textes
contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs.
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance
du webmaster merci de le lui signaler. webmaster@palestine-solidarite.org