Russie politics
Le Conseil de l'Europe exige de la
Russie
qu'elle renonce à sa souveraineté
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 25 avril 2018
Suite à la mise à l'écart de la Russie
dans les organes de direction du Conseil
de l'Europe, en mesure de rétorsion face
au référendum de Crimée, la Russie a
décidé de suspendre sa contribution
financière à un organe, l'APCE, dont
elle est écartée. Ce qui commence à
poser des problèmes financiers, mais
surtout de légitimité à cette
institution, issue d'un autre temps.
Après le référendum de Crimée et son
rattachement à la Russie, le Conseil de
l'Europe a décidé de priver la Russie de
son droit de vote dans les instances
représentatives et directrices. En
conséquence, la Russie ne voulant
remettre en cause la volonté populaire
exprimée par la population de Crimée, a
décidé en été 2017 de suspendre sa
contribution au financement d'une
institution dont elle était écartée,
tant qu'elle ne serait pas pleinement
restaurée dans ses droits. En ce qui
concerne la CEDH, elle continue ses
versements.
Or, de sérieuses difficultés
apparaissent, tant sur le plan matériel
qu'idéologique.
Matériellement, le budget de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe se trouve en déficit de 18
millions d'euros, ce qui va obliger
l'institution à reconsidérer ses
priorités. L'intérêt réel présenté par
cette Assemblée d'un autre temps est
plus que discutable. Prévu comme un
instrument de soft power
européen, elle s'est transformée en
"organe du parti", en instance hautement
idéologisée, à la pointe de la guerre
latente contre la Russie.
Ce qui au départ
était considéré comme un "coup de
gueule" entre la Russie et le Conseil de
l'Europe, avec le temps, prend une tout
autre dimension. Justement en raison du
temps. car ce conflit ne s'efface pas,
il se cristallise. L'opposition
n'apparaît plus comme une divergence
conjoncturelle, mais stratégique. La
Russie remet en cause la dérive des
instances européennes: leur volonté de
remettre en cause la souveraineté des
Etats européens, leur volonté de les
soumettre à un diktat. Car finalement
sous couvert de défense "des valeurs
européennes", évolutives en fonction de
l'air du temps (pro-migrants,
radicalisation des droits des LGBT,
néoféminisme, etc), il s'agit de faire
renoncer les Etats à la maîtrise des
instruments de la souveraineté, à savoir
principalement la maîtrise des
frontières, la détermination de l'ordre
juridique interne en fonction des
valeurs nationales et la détermination
des intérêts stratégiques
internationaux.
La déclaration du
Secrétaire général
Jagland à l'égard de la Russie est
très significative de ces dérives
idéologiques:
In response to several
questions on the Russian Federation, Mr
Jagland said that although he had, in
common with many other leaders,
congratulated President Putin on his
election victory, he did not accept that
voting should have taken place in Crimea,
which had been illegally annexed by
Russia.
Autrement dit, le
Conseil de l'Europe, en ne reconnaissant
pas la légitimité des élections
présidentielles tenues en Crimée, sans
toutefois prendre le risque d'aller
jusqu'à la remise en cause de la
légitimité des élections présidentielles
russes en général, affirme simplement ne
pas reconnaître à la Russie le droit à
défendre ses intérêts stratégiques,
affirme les doubles standards du droit
international et toute la dimension
politique et idéologique de son
application.
Referring to Russia’s
non-payment of its budget contributions,
Mr Jagland pledged that if this
unacceptable behaviour continued for a
period of two years, due in mid-2019, he
would take the necessary action before
he finished his mandate, which expires
shortly afterwards. He also underlined
his opposition to the challenge posed to
the authority of the European Court of
Human Rights by the Russian
Constitutional Court. If any member
state used its constitution against the
supremacy of the ECHR said Mr Jagland,
then its membership was over.
Ici, Jagland s'en
prend à la souveraineté intérieure de
l'Etat russe, mais c'est un message pour
tout autre pays qui aurait la mauvaise
idée de vouloir se souvenir de sa
souveraineté. Non seulement la Russie ne
paie plus sa contribution à une
institution dont elle est écartée,
remettant donc ainsi en cause la
légitimité du bien-fondé a priori
des décisions européennes, mais en plus
elle affirme la supériorité de la
Constitution (acte suprême du système
juridique national, symbole de la
souveraineté de l'Etat) sur la
Convention européenne des droits de
l'homme.
Le Conseil de
l'Europe ne peut plus accepter cette
situation, même si classiquement, le
droit international se situe en-dessous
des normes constitutionnelles (puisqu'il
ne prend valeur dans l'ordre interne
qu'en référence aux normes
constitutionnelles), mais est souvent
supérieur aux lois nationales.
Désormais, le
Conseil de l'Europe veut la soumission
totale des Etats, dont les Constitutions
ne doivent plus être un acte de
souveraineté, doivent se transformer en
acte technique, inférieur au tout
puissant droit européen. Pour que le
message soit plus clair, Jagland menace
de réfléchir à des mesures de rétorsion
si la situation n'est pas réglée d'ici
la fin de son mandat.
Mr Jagland
semble oublier que les Etats ont existé
avant le Conseil de l'Europe et
existeront après. Qu'ils peuvent exister
sans le Conseil de l'Europe. En
revanche, le Conseil de l'Europe ne peut
pas exister sans les Etats.
Il pourrait y
réfléchir...
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