Russie politics
Billet d'humeur: La Russie "effacée"
du mouvement paralympique
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 24 août 2016
La Cour d'arbitrage du sport vient de
confirmer la décision prise le 7 août
par le Comité international paralympique
de suspendre sine die la Russie
du mouvement paralympique en raison du
fameux rapport ô combien indépendant
McLaren, qui n'a toujours pas apporté
les preuves de ses accusations. La
Russie est ainsi "rayée" de la carte
paralympique. La presse allemande salue
le courage exceptionnel de P.
Craven. En effet, combien faut-il de
courage pour détruire l'espoir de
milliers de sportifs invalides au nom
d'un parti-pris idéologique.
Félicitation messieurs, grande victoire.
L'attaque n'a pas
fonctionné aux JO, la Russie a eu de
trop bons résultats malgré les
tentatives pour "l'effacer", alors que
l'image des Etats Unis, qui ont forcé la
dose de russophobie, a subi des dommages
collatéraux (baisse de l'audience aux
Etats Unis, mise en garde à mots
couverts par le CIO). Il faut donc
réagir: le mouvement paralympique est
parfait pour cela. L'enjeu financier est
moindre, les sponsors ne broncheront pas
si la Russie est mise hors jeu. L'enjeu
n'est "que" humain, donc sans importance
à notre époque. Cela fait longtemps que
ce système ne défend plus les individus,
il défend des slogans. Et l'impact
idéologique est fondamental. Il faut
enfin effacer la Russie pour modifier
les coordonnées géopolitiques.
Rappelez-vous
Amélie Nothomb (Péplum):
-
A parler franc, il nous serait
impossible de préciser la raison
pour laquelle nous vous avons
convoquée.
-
"Convoquée"! Je vois que les
litotes n'ont pas perdu leur
pouvoir.
-
Vous provoquiez une incertitude.
Nous n'aimons pas l'incertitude.
-
Nous, nous! C'est un majestatif?
-
Je parle au nom des scientifiques
de la basilique.
-
Comment vous appelez-vous?
-
Celsius.
-
Vous êtes suédois?
-
Il n'y a plus de Suédois.
-
Cela m'étonne. Ce pays m'avait
l'air solide.
-
Il n'y a plus de pays. Il n'y a
plus que deux orientations: le
Levant et le Ponant. Je suis
Ponantais.
-
Et moi?
-
Vous, vous n'êtes rien. Vous
n'avez pas changé.
La Russie crée une
incertitude, elle n'est pas prévisible.
Ce n'est plus l'Union soviétique
déclinante et prévisible qui se cache
derrière le Lac des cignes lorsque
Eltsine monte sur le char devant les
caméras occidentales, ce n'est plus la
Russie des années 90 américano-soumise
en route vers le suicide. C'est un pays,
qui existe, et qui n'entre pas dans la
nouvelle répartition binaire du Monde:
"avec nous les démocrates", les autres,
"ceux que nous allons démocratiser". La
Russie doit donc être débarquée, par
étapes.
Et le processus est
simple. Au Conseil de l'Europe - exclue
de l'Assemblée parlementaire, exclue des
relations commerciales - et donc
politiques internationales - avec
l'adoption des sanctions, du mouvement
olympique avec la responsabilité
collective et enfin, la grande réussite,
celle de l'exclusion du mouvement
paralympique. Grâce à des
conclusions de "scientifiques de la
basiliques", donc incontestables, donc
objectives, donc qui n'ont pas besoin
d'être prouvées. D'où leur surprise et
leur refus hautain lorsqu'il leur a été
demandé d'apporter des preuves.
Mais malgré tout
ça, la Russie résiste. Elle s'impose sur
la scène internationale, le pays se
reconstruit à l'intérieur, se renforce,
la population fait bloc malgré les
attaques de la soi-disant société civile
"pro-européenne". Et elle a même des
alliés. S'en est horripilant.
Alors que le
Tribunal arbitral
du sport déclare que le Comité
international paralympique a eu raison
de suspendre la Russie, en raison du
dopage d'état mis en évidence par le
rapport McLaren, alors que d'une manière
on ne peut plus cynique des
fonctionnaires du sport se vengent sur
des athlètes pas tout à fait comme les
autres, car pour une grande partie
d'entre eux, ces entraînements sont une
motivation vitale, le président du
Comité paralympique biélorusse
annonce qu'ils porteront deux drapeaux:
le drapeau national et le drapeau russe.
Comment a-t-il osé?
Réaction immédiate du CIP: ceci est
un acte de contestation politique, si
tel est le cas, des mesures de
rétorsions seront prises contre les
athlètes biélorusses. C'est vrai
quand même, le sport n'a pas sa place
dans la politique. A moins que ce ne
soit l'inverse. On s'y perd. Peu
importe. PPas de drapeau russe. Le
drapeau russe est devenu un symbole
politique de contestation de l'ordre
établi. Il semblerait qu'il vienne de
détrôner le portrait du Che ...
Mais les
bielorusses tiennent bon. Certes les
athlères ne défileront pas avec des
drapeaux russes, mais le président du
Comité et les officiels biélorusses - ou
les supporters - depuis les tribunes ont
le droit de tenir le drapeau qu'ils
veulent.
Alors que la presse
française est assez retenue, à
l'exception du Monde félicitant le
"courage" du CIP, mais qui en douterait,
la
presse allemande se lache. Elle
avait été tellement frustrée avec la
résistance de T. Bach, maintenant elle
ne tarie pas d'éloge pour le courage du
mouvement paralympique, qui prend une
décision "juste et équitable".
Juste et
équitable. Surtout pour la
quasi-totalité des sportifs propres.
Juste et équitable pour ceux qui
pensaient utiliser l'argent de la
médaille pour se payer une opération
trop chère pour eux. Juste et équitable
pour ceux qui se sont reconstruits grâce
au sport. Juste et équitable pour ceux
qui donnent l'exemple, le courage de ne
pas se plaindre, de se relever et avec
le sourire. Juste et équitable.
Comme le déclare E.
Isinbaeva
«Chers athlètes
paralympiques, nous partageons cette
injustice flagrante avec vous. Soyez
forts ! Vous avez été, êtes et serez nos
héros !»
Bien sûr la Russie
va faire appel de cette décision devant
la Cour fédérale suisse, mais de toute
maière ce sera trop tard pour ces Jeux.
Des recours individuels devant la CEDH
sont attendus également. Le droit semble
bien loin des enjeux en cause. En
attendant, la suspension pose aussi la
question de la participation de la
Russie aux Jeux d'hiver. Mais d'un autre
côté, cela va faciliter les équipes des
pays "alignés", un gros concurrent est
sorti, ils pourront se partager les
médailles. Un peu comme avec
l'athlétisme à Rio.
Mesdames et
messieurs les sportifs inespérément
médaillés, vous êtes réellement fiers de
votre médaille? Lorque vos résultats
sont inférieurs à ceux des sportifs
russes écartés, que célébrez-vous? La
victoire de l'AMA ou la votre? Cette
victoire a un goût de fiel.
PS:
Résultats des Jeux Paralympiques de
Londres (2012):
La suspension de la Russie serait encore
plus intéressant au regard du
résultats des Jeux de 2014:
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