Russie politics
Résolution sur Jérusalem :
les Etats-Unis exigent le paiement de
leur "aide"
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 22 décembre 2017
A l'occasion de la résolution sur le
statut de Jérusalem, les Etats-Unis
menacent de ne plus aider ceux qui ne
soutiennent pas leur position à l'ONU.
Se comportant comme un petit seigneur
féodal qui rappelle à ses inféodés leurs
obligations: vous prenez l'argent, vous
voulez notre protection, vous payez vos
dettes. Ceux qui pensaient (encore) être
des alliés ne peuvent plus se masquer la
face. La reconnaissance
unilatérale du 6 décembre, ou plutôt la
déclaration, de Jérusalem comme capitale
d'Israël a provoqué des turbulences dans
le Moyen Orient, région déjà instable
sans cela. La volonté américaine de
faire passer en force et post factum
cet acte politique comme un fait acquis
n'a pas fonctionné.
Le 18 décembre, 14
des 15 membres du
Conseil de sécurité de l'ONU ont
voté pour une
résolution condamnant la
reconnaissance de Jérusalem comme
capitale d'Israël et toute tentative de
changer le statut de la ville. Seul le
veto américain a permis de bloquer
le texte, ce qu'ils ont fait comme un
chef qui n'accepte pas - et ne comprend
pas - que ses employers puissent non
seulement avoir une autre opinion, mais
puisse même avoir une opinion:
« C’est une
insulte et un camouflet que nous
n’oublierons pas », a lancé la
diplomate. Nikki Haley n’a pas précisé
si les Etats-Unis pourraient prendre des
mesures de rétorsion contre les pays
ayant voté le texte ou accentuer leur
volonté de moins participer au
financement de l’ONU, dont ils sont les
premiers contributeurs.
Elle a ensuite
précisé sa pensée:
«Quand nous faisons
des contributions généreuses à l'ONU,
nous avons un espoir légitime que notre
bonne volonté soit reconnue et respectée
[...] Les Etats-Unis se souviendront
de cette journée qui les a vus
cloués au pilori devant l'Assemblée
générale pour le seul fait d'exercer
notre droit de pays souverain.»
Trump a pour sa part clairement
menacé ceux qui ne suivent pas de leur
couper les vivres:
“All of these
nations that take our money and then
they vote against us at the Security
Council or they vote against us,
potentially, at the Assembly, they take
hundreds of millions of dollars and even
billions of dollars and then they vote
against us,” Mr. Trump said.“Well, we’re
watching those votes,” he added. “Let
them vote against us; we’ll save a lot.
We don’t care.”
En traduction,
le parent pauvre à table se sait
lorsqu'il mange sa soupe. Ces
déclarations n'ont toutefois pas pu
empêcher un vote de l'Assemblée générale
de l'ONU condamnant la reconnaissance
par les Etats-Unis de Jérusalem comme
capitale d'Israël et validant donc la
résolution du Conseil de sécurité à une
très large majorité le 21 décembre.
Dans ce vote, les
Etats-Unis se sont retrouvés en
compagnie du Guatemala, du Honduras, du
Togo, des Iles Marshall, de Palau, de
Nauru, de la Micronésie et évidemment
d'Israël. Courageusement, certains pays
de l'Est, comme la Pologne, se sont
abstenus. Il faut dire que leur position
est délicate: ils font bien partie de
l'UE car, malheureusement,
géographiquement ils sont plus proches
d'elle que des Etats-Unis, mais le chef
est bien à Washington.
Quelques remarques, évidentes et somme
toute banales.
1) La position des Etats-Unis
aujourd'hui n'est pas nouvelle sur le
fond: ils attendent toujours de toucher
en soutien politique inconditionnel les
"aides" diverses et variées qu'ils
fournissent aux différents pays dans le
monde. En géopolitique comme ailleurs
rien n'est gratuit, les "aides"
financières, militaires, politiques ne
servent qu'à asseoir leur hégémonie,
qu'à défendre leurs intérêts. Ce qui a
changé, c'est la forme. Avant, cela ne
se disait pas ouvertement, il fallait
garder les apparences et permettre aux
pays satellites de garder la tête haute.
Ce temps est révolu. Ce qui est une
aubaine pour les pays européens, qui
doivent réagir.
2) Le fait que les Etats-Unis utilisent
leur puissance dans leur intérêt propre
n'est pas en soi choquant, il serait
surprenant qu'il en soit autrement. Ce
qui est plus dérangeant est cette manie
de nier cette évidence de la part des
pays qui se mettent sous tutelle
américaine, sous protection, comme si
seule la grandeur d'âme rebaptisée
démocratie et droits de l'homme
expliquait les mouvements du monde. Un
peu comme une prostituée qui serait
surprise de voir son souteneur venir lui
réclammer son dû.
3) Le problème n'est pas que les
Etats-Unis défendent leurs intérêts, le
problème est que les autres pays aient
en général peur d'avancer la possibilité
même d'un intérêt national.
4) Le fait que la communauté
internationale n'ait pas suivi Trump sur
la question de Jérusalem est un bon
signe, un sursaut rassurant. Mais en
raison de la fracture politique interne
aux Etats-Unis, cela n'implique pas pour
autant que, par exemple, l'Union
européenne ne distancie des intérêts
américains, elle est simplement du côté
des adversaires de Trump, qui restent
majoritaires aux Etats-Unis.
Le sommaire de Karine Bechet-Golovko
Le
dossier Russie
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|