Russie politics
Les 75 ans de la libération du camp nazi
d'Auschwitz-Birkenau par l'armée
soviétique : un problème majeur dans ce
monde atlantiste
Karine Bechet-Golovko
Mardi 21 janvier 2020 Les 75 ans de la
libération du camp d'extermination nazi
d'Auschwitz-Birkenau par l'armée
soviétique sont célébrés de manière
surprenante. Pourtant, personne n'ose
remettre en cause l'horreur de
l'holocauste aujourd'hui. C'est même, en
Europe, quasiment le seul thème traité
lorsqu'il s'agit de la Seconde Guerre
mondiale, tant il est vrai que l'aspect
militaire ne fut pas très glorieux avant
l'intervention de l'URSS et des
Etats-Unis. Le problème vient d'ailleurs
: à l'heure où le camp atlantiste tente
une réécriture de l'histoire, faisant de
l'Allemagne nazie et de l'Union
soviétique les deux "agresseurs",
comment laisser à l'armée soviétique un
acte aussi symbolique ?
Différentes cérémonies sont organisées
en mémoire de cet évènement hautement
symbolique, la libération du camp
d'extermination d'Auschwitz-Birkenau par
l'Armée rouge, par les soldats
soviétiques, en Pologne. Et des
problèmes se posent alors que l'histoire
doit être réécrite en fonction des
intérêts politiques du moment.
Le 27 janvier 1945,
lors de la campagne de
libération de l'Europe en général et
de la Pologne en particulier par l'Armée
rouge, le camp de la mort d'Auschwitz a
été libéré. A la fin de l'année 1944,
quand l'armée soviétique s'approchait,
une marche forcée a été organisée par
les nazis pour envoyer en Allemagne des
prisonniers. Les corps jonchaient la
route, mais environ 60 000 personnes ont
ainsi été convoyées. Le 24 janvier,
comme l'Armée rouge était à proximité,
les nazis ont tenté de détruire le camp,
les infrastructures, les réserves de
nourriture et les vêtements des
prisonniers. L'accès au camp a été miné.
Le 26 janvier, alors que les troupes
soviétiques étaient à 60 km de Krakovie,
des soldats munis d'une carte ont été
envoyés en éclaireurs pour voir ce qu'il
y avait en avant, dans la forêt. C'est
ainsi qu'ils sont tombés sur ce camp de
la mort. Le 27 janvier, le camp a pu
être libéré. Il n'y restait qu'environ 7
500 personnes, les plus faibles. Des
millions de personnes ont été tuées à
Auschwitz. En 2010, le FSB a déclassifié
des documents, selon lesquels 4 millions
de personnes n'en seraient pas sorties
vivantes. Surtout des Polonais, des
Juifs, des Français, des Russes et des
Hongrois, de tout âge. Le commandant
nazi du camp, lors du procès de
Nuremberg, a déclaré ne pas savoir
combien de personnes ont été ainsi
assassinées dans ce camp, n'avoir jamais
eu connaissance des chiffres exacts.
Mais il est
évident, à l'époque où l'histoire doit
être reconstruite pour permettre aux
pays européens d'oublier une
collaboration étatique souvent très
active, de justifier l'injustifiable, de
faire allégeance aux Etats-Unis qui
doivent, dans un monde global, être les
seuls et uniques sauveurs de la planète,
que l'Armée rouge, soviétique, doit être
discrètement écartée, oubliée. Ne peut
plus être libératrice, puisqu'elle
doit être agresseur.
Ainsi, la Pologne refuse de
participer aux cérémonies organisées en
Israël au sujet des 75 ans de la
libération du camp d'extermination
d'Auschwitz-Birkenau par l'Armée rouge.
Car - par l'Armée rouge. Donc l'URSS.
Dont la Russie est le pays continuateur
sur la scène internationale,
conformément au droit international. Or,
évidemment, une place d'honneur sera
réservée à Vladimir Poutine, en tant que
Président de la Russie, donc du pays
continuateur de l'URSS, dont l'armée a
libéré la Pologne et le camp
d'Auschwitz. La Pologne, qui a payé très
cher pendant la guerre son pacte de
non-agression avec l'Allemagne nazie en
1934 et sa politique de complaisance,
avant d'être envahie et asservie par les
nazis. Mais tous les pays ne retiennent
pas les leçons de l'histoire. Quant à
l'Ukraine bandériste, son Président ne
sera pas invité à faire un discours.
L'on pourrait se
dire qu'il s'agit des complexes issus
des pays de l'Est envers leur puissant
voisin, voisin qui se renforce dans sa
souveraineté, quand eux ont du mal dans
le cadre européen (pour la Pologne), ou
des difficultés à courir derrière
l'Europe (pour l'Ukraine) les Etats-Unis
étant trop loin. Malheureusement le mal
est plus profond. L'UNESCO organise à
Paris une cérémonie, également pour ces
75 ans de la libération du camp
d'Auschwitz. Vous pouvez lire et relire
l'annonce, l'Armée rouge n'est
absolument pas citée, il semblerait que
l'URSS n'ait même pas existé. Auschwitz
et la Pologne se sont manifestement
libérés ... tout seuls, par opération du
Saint Esprit.
Bref, non seulement
il n'est pas indiqué par qui le camp a
été libéré, mais pas un spécialiste
russe n'a été invité parmi les
conférenciers (à la différence des
Etats-Unis) et pas un représentant
officiel de la Russie parmi les
personnalités ouvrant la cérémonie (à la
différence de l'Allemagne).
Il est regrettable
que nos pays n'aient pas l'intelligence
d'accepter leur passé. Ne serait-que
pour ne pas répéter les mêmes erreurs.
Le sommaire de Karine Bechet-Golovko
Le dossier
Russie
Les dernières mises à jour
|