Russie politics
Snowden, le nouvel instrument médiatique
lancé contre la Russie
Karine Bechet-Golovko
Mardi 17 septembre 2019 Réfugié en Russie
depuis 2013 après que tous les pays
aient refusé de lui offrir accueil et
protection, Snowden réitère sa demande
d'asile auprès la France, cette fois-ci
de Macron. Après tant d'années, il ne
présente plus de grand danger, tout a
déjà été révélé, diffusé, publié. La
France et "le Monde Libre" pourraient se
racheter une virginité à peu de frais.
Car laisser la Russie protéger un
lanceur d'alerte américain, c'est
le monde à l'envers pour la bonne
conscience mondiale. Il faut remettre
les choses à leur place ...
En 2013, après
avoir révélé le système de surveillance
illégale menée de manière systématique
par les Etats-Unis, Snowden, agent de la
NSA, est devenu l'ennemi numéro Un du
monde atlantiste. En fuite, bloqué en
transit à l'aéroport de Moscou (pour sa
chance) et sans passeport, Obama fera
pression sur tous les Etats pour qu'ils
lui refusent l'asile politique. Très
courageusement, le président français se
couchera encore plus bas que les autres
pays et
Hollande ira même jusqu'à provoquer
un incident diplomatique avec la
Bolivie, persuadé que Snowden était
à bord de l'avion présidentiel au retour
de Moscou.
Finalement, Snowden
a demandé l'asile à la Russie, qui fut
le seul pays à ne pas plier devant les
Etats-Unis et à le lui accorder, ainsi
qu'à garantir un minimum de sécurité
physique. En 2017, son titre de séjour a
été renouvelé et il expirera en 2020.
Dans une tournée médiatique virtuelle
pour des raisons évidentes de sécurité,
Snowden fait la promotion de son livre,
notamment en France et dans une
interview réitère sa demande d'asile
politique à la France :
"J'aimerais
beaucoup que Monsieur Macron m'accorde
le droit d'asile".
Ses déclarations
soulignent l'ambiguïté de la situation :
«Ce n'est pas
seulement la France qui est en question,
c'est le monde occidental, c'est le
système dans lequel on vit.
Protéger les lanceurs d'alerte,
accueillir quelqu'un comme moi, ce n'est
pas attaquer les Etats-Unis.»
Il est vrai que le
fameux "Monde Libre" s'est révélé un
monde soumis, vide, creux et
superficiel, ayant transformé en slogans
de série B les valeurs de liberté et
d'humanisme. Quand, sans faire de grands
discours, la Russie a simplement protégé
cet homme, par ailleurs sans pour autant
soutenir sur le fond le fait pour un
employé d'une agence de renseignements
de diffuser des informations sensibles
et ainsi trahir ses engagements. Mais la
décision a été prise de le protéger,
mettant en avant des considérations
humanistes.
Pour autant, même
Snowden, appartenant viscéralement à
cette frange du "Monde Libre", en "citoyen
du monde", a du mal, même s'il
déclare apprécier Moscou et la Russie, à
se représenter protégé en Russie et non
pas dans ce "Monde Libre". Question
de principe, quoi que puisse faire la
Russie.
«On ne veut pas que
la France devienne comme tous ces pays
que vous n'aimez pas. Le plus
triste de toute cette histoire, c'est
que le seul endroit où un lanceur
d'alerte américain a la possibilité de
parler, ce n'est pas en Europe, mais ici
[en Russie]»
Et cette situation
commence à être d'autant plus
inconvenante pour le Club atlantiste
que, d'une part objectivement Snowden ne
représente plus aucun danger si ce n'est
la vexation subie par les hérauts de la
liberté occidentale, d'autre part la
radicalisation du combat contre la
Russie oblige à désamorcer les symboles,
soit en leur faisant traverser le mur
idéologique, soit en les conduisant à
dénigrer leur choix, qui n'en était pas
un, plutôt le résultat d'une absence de
choix. Autrement dit, dans le jeu
occidental, soit Snowden doit être
"rapatrié" dans un pays atlantiste, soit
le discours médiatico-politique doit
insister sur le fait qu'il n'a pas
choisi d'aller en Russie, qu'il s'y
est retrouvé sans passeport et qu'il
demande à en partir.
La Russie ne
peut en aucun cas, dans le système de
communication global, être présentée
comme une alternative libérale au
système de plus en plus rigide et
liberticide qui s'installe dans l'espace
atlantiste.
Illustration :
Si, pour l'instant
l'Elysée ne se prononce pas, à titre
personnel, comme cela été souligné
officiellement, la ministre de la
Justice, elle, estime que la France
devrait répondre favorable à Snowden :
Snowden est entré,
bon gré mal gré, dans un combat pour
l'image du monde atlantique. Ce qui me
surprend toujours est l'attrait que
présentent les Etats-Unis, quoi qu'ils
fassent. Qu'il s'agisse des guerres dans
les pays étrangers pour l'accès aux
ressources naturelles, qu'il s'agisse de
l'espionnage généralisé même des
soi-disant pays amis, qu'il s'agisse de
la politisation de la justice pour
défendre les positions économiques
dominantes ou les pratiques étatiques
liberticides. Peu importe, c'est le
"Monde Libre", il attire car il brille.
Peu importe, aussi, ce que peut faire la
Russie, elle est toujours contenue dans
son rôle. A moins qu'il ne soit lancé
pour montrer la faille du "monde
ouvert". La suite le dira.
PS : Personne ne
retiendra évidemment Snowden de force,
mais soit il est inconscient en ce qui
concerne sa sécurité, soit celle-ci
n'est pas tant en danger que ça.
L'idéal, en termes de victoire
médiatique, serait qu'il soit livré lors
du Sommet Normandie. Mais espérons que
nous soyons dans un scénario fiction.
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