De la Ghouta à Londres: le club
Atlantiste
a déclaré la guerre à la
Russie
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 16 mars 2018
Près de 12 000
civils ont pu fuir la barbarie des
islamistes dans la Ghouta Orientale
grâce aux corridors humanitaires mis en
place et protégés par les armées
syrienne et russe, contre les menaces
occidentales. La réaction du bloc
atlantiste ne se fait pas attendre,
presses et institutions main dans la
main: il est urgent de faire tomber
Assad et la Russie doit se retirer "et
la fermer", pour citer les paroles du
ministre britannique de la Défense.
Pourquoi cette hystérie? Et s'il
s'agissait d'un projet beaucoup plus
profond: remettre en cause l'ordre
international issu de la Seconde Guerre
mondiale et garantir l'avènement de
l'Atlantisme, support politique du
globalisme. De la Ghouta à Londres, le
but final semble être le Conseil de
sécurité, qui entérinerait l'Atlantisme
triomphant.
De la Ghouta
Orientale
Après de longues et
difficiles négociations, la Russie et le
Gouvernement syrien légitime ont réussi
à convaincre les terroristes de la
Ghouta Orientale de laisser passer des
civils. Hier, un flot continu de
personnes harassées a pu s'enfuir de cet
enfer et venir se réfugier dans les
zones contrôlées par l'armée régulière.
Bref, ils ne fuient pas "le régime
d'Assad', ils viennent trouver sa
protection.
11 700 personnes. Qui
détaillaient devant les caméras les
traitements qu'ils avaient dû subir par
les "opposants modérés" de l'Occident,
la violence quotidienne, les menaces, le
régime de terreur. Plusieurs ont même
déclaré que sans être spécialistes en
armes chimiques, il n'y a eu aucune
attaque chimique de la part de l'armée
syrienne dans la Ghouta Orientale,
aucune brûlure, aucun étouffement. Tout
cela, selon leurs dires, n'est que de la
propagande anti-Assad.
Il faut dire que
l'armée syrienne continue à avancer, et
fait des découvertes intéressantes. Par
exemple, un
atelier clandestin de production de
substances chimiques a été retrouvé dans
le village de Cheïfounia, dans la Ghouta
Orientale.
Cela explique
peut-être la réaction tant de la presse,
que des Etats-Unis, qui voient leurs
plans dévoilés.
Ainsi, la presse
française semble particulièrement
désespérée de voir ces citoyens quitter
les terroristes pro-occidentaux pour
venir se réfugier "chez le tyran
sanguinaire soutenu par un
Etat-terroriste". A la Une sur Google:
Une "fin
tragique". Pour qui? Le "régime"
avance, les civils fuient ... vers les
terres contrôlées par Assad. Passons. La
presse ne fait que soutenir la position
officielle de la France, qui n'a plus de
politique étrangère et suit bêtement et
aveuglément les Anglo-saxons. Les
déclarations plus radicales les unes que
les autres de la porte-parole du
Département d'Etat américain expliquent
la position des médias "indépendants":
La position
américaine est totalement décalée de la
réalité. Comme un scénario qui a déjà
été écrit et qu'il faut mener à son but.
Par ce discours, ils veulent réécrire la
"réalité", une réalité augmentée à
laquelle la dimension idéologique a été
ajoutée. Dans cette réalité, la Russie
est le mal, donc elle ne peut faire que
le mal comme ceux qu'elle soutient, donc
les civils les fuient, donc elle utilise
des moyens inhumains - est-elle
encore "humaine"?
Au scandale
de Skripal
Ce décalage est
aussi parfaitement visible au sujet du
scandale, qui ne fait que monter en
puissance, de l'empoisonnement de
l'ancien espion retourné Skripal et de
sa fille à Londres, on ne sait par qui,
et finalement on ne sait comment - tous
les jours de nouvelles versions plus
fantaisistes les unes que les autres
sont diffusées (dans la valise de la
fille, par la future belle-mère non
contente du mariage, etc). La séance au
Conseil de sécurité a été très
significative. Le représentant russe,
Nebenzia, a un discours parfaitement
logique:
Si la
Grande-Bretagne accuse d'avoir utilisé
le produit chimique Novichok, cela
signifie qu'elle en possède la formule,
ce qui a permis son identification; 2)
L'usine soviétique de production des
substances chimiques se trouvait dans la
république soviétique d'Ouzbékistan et a
été démontée par les Etats-Unis dans les
années 90, qui donc sont en mesure de
produire cette substance toxique.
La
Grande-Bretagne refuse de
transmettre un échantillon à Moscou,
comme l'y oblige la Convention
internationale sur les armes chimiques,
mais a directement saisi l'organe de
contrôle des armes chimiques, en
contournant Moscou, cet organe qui
refuse de se déplacer en Syrie et suit
les conclusions des Casques blancs. Les
résultats promettent d'être sans
surprise.
La réaction des
Etats-Unis, elle, montre le degré de
conflit qui a été atteint.
Et
Nikki Haley de déclarer en plein
Conseil de sécurité de l'ONU, comme si
le représentant russe n'avait pas
expliqué que tant les Etats-Unis que
l'Angleterre elle-même pouvaient
produire cette substance, comme s'il
était prouvé qu'Assad, aidé par la
Russie, utilisait les armes chimiques
contre son peuple:
"If we don't take
immediate concrete measures to address
this now, Salisbury will not be the last
place we see chemical weapons used,"
said Haley. "They could be used here in
New York or in cities of any country
that sits on this council."
Les
hostilités sont ouvertes contre la
Russie
La Russie est
l'ennemi, la Russie est le mal. Tant que
l'affaire restait au niveau de Londres,
il était possible de penser que les buts
poursuivis étaient plus ciblés. De
nouvelles sanctions, pour protéger
l'hégémonie politico-économique
atlantiste et attaquer l'unité du
pouvoir en Russie. Conduire à boycotter
le Mondial, afin que les citoyens ne
puissent saisir la différence entre la
propagande médiatique et la vie réelle
en Russie. Réduire les relations
diplomatiques, pour limiter les espaces
de frictions et libérer l'espace de
propagande, mais tout en gardant le lien
- un lien de pression.
L'attaque prend une
tout autre dimension, le but final ne
peut être aussi précis.
Nous avons tendance
à penser le droit international comme un
élément stable. Celui que nous
connaissons n'est que le résultat de la
Seconde Guerre mondiale, qui a posé un
rapport de forces stabilisées entre les
Etats-Unis (avec le boc occidental) et
l'URSS (avec le bloc socialiste). Le
second n'existe plus, les Etats-Unis ne
voient plus pour quelles raisons ils
doivent partager le pouvoir. Tant que la
Russie faisait profil bas, il n'y avait
pas de problème. Maintenant, elle n'est
plus tolérable.
La Russie se trouve
dans une situation délicate, comme nous
l'avons plusieurs fois écrit, elle
refuse de reconnaître le conflit, hésite
à réagir et se confine dans une position
légaliste accompagnée de réactions
mesurées et asymétriques. Oui, les
Etats-Unis violent le droit
international et ils ne vont pas arrêter
de le faire parce qu'on leur dit. Ils
sont en position de force, ils utilisent
cette force à leurs fins.
Inviter les enfants
des diplomates américains à l'arbre de
Noel, s'excuser pour le dopage,
continuer à rester dans le Conseil de
l'Europe et justifier l'application des
décisions de la CEDH, participer aux JO
sous drapeau neutre, et je dois en
oublier, est certes une preuve de
grandeur d'âme. Mais qui est interprétée
comme de la faiblesse par le clan
Atlantiste. Insister à chaque fois sur
la violation des règles est juste,
cetes: il faut montrer la différence
entre ce qui devrait être et ce qui est.
Mais ce n'est pas suffisant. Et chaque
nouvelle portion va plus loin. Frappe
plus fort. cette position légaliste est
un piège.
Le droit,
surtout international, ne fonctionne que
lorsque le rapport des forces est
stabilisé. Ce n'est pas le cas
aujourd'hui. Il faut reconquérir
le terrain et ce ne sont pas les appels
récurrents au droit qui sauvera la
situation. Une réponse systématique,
symétrique et plus forte est le seul
moyen de mettre un terme à cette
escalade. Seule la force arrête la
force.
Il serait naïf de
penser que les guerres ne se mènent
qu'avec des chars, entre deux armées
étatiques. La guerre est déjà déclarée
contre la Russie: soit elle se plie aux
exigences atlantistes et pourra
continuer à profiter de la
globalisation, des nouvelles
technologies et de tous les fantasmes du
monde post-moderne, soit elle résiste
mais ramasse le gant et cesse de le
regarder avec un étonnement toujours
renouvelé.
Si dès le
départ la Russie était sortie, par
exemple, du Conseil de l'Europe,
ils seraient venus à plas ventre
implorer son retour. La Russie est un
Etat fort, elle a existé et elle
existera sans cette structure. L'on ne
plie pas genoux devant plus faible que
soi. Le Conseil de l'Europe ne peut
exister sans les Etats, c'est sa
faiblesse. Nier son importance, c'est le
conduire à sa perte. De même pour le
reste, tous les pions de ce système,
qu'il s'agisse du CIO ou les pions
étatiques de l'Atlantisme ont besoin que
la Russie reste dans le jeu, sinon ils
vont se transformer en club privé. Et ne
pourront plus être globaux. C'est la
faiblesse fondamentale de ce nouvel
ordre totalitaire.
C'est en acceptant
le conflit, ce conflit qui de toute
manière existe en dehors de sa volonté,
que la Russie pourra éviter le pire. Et
le pire est à venir.
Ce qui s'est passé
avec le Conseil de l'Europe ressemble à
s'y méprendre à une répétition pour le
Conseil de sécurité de l'ONU. L'URSS a
payé sa place de 25 millions de morts.
La position de la Russie est contestée,
car objectivement plus faible que ne
l'était l'URSS. Elle n'a pas de "clan"
comme l'avait l'URSS et ses alliances
sont conjoncturelles, plus
qu'idéologiques puisqu'en tant que tel,
elle ne remet pas en cause l'économie
globalisée, elle y participe.
Selon les règles
actuelles, il est impossible de retirer
à la Russie son droit de véto, son siège
permanent au Conseil de sécurité.
Si la Russie devient l'incarnation du
mal absolu, ne deviendrait-il pas
légitime de modifier les règles du jeu?
Et ainsi de réécrire le droit
international. Il existerait toujours,
mais serait autre. Résultat de la
nouvelle situation des rapports de
forces, entériné par le Conseil de
sécurité. Ce n'est pas pour rien que
cette coalition autour de l'affaire
Skripal concerne essentiellement les
membres du Conseil de sécurité.
Cette décision
conduirait à une nouvelle période de
déstabilisation majeure de l'équilibre
mondial, déjà très mal en point, la
Russie étant l'un des rares pays à
éviter l'interventionnisme à tout crin
des pays de la coalition atlantiste. Et
c'est justement pourquoi la guerre est
ouverte. Contre la Russie. Sur tous les
fronts. Seul l'affrontement militaire
direct fait encore peur.
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