Russie politics
La Russie contre "le monde libre" :
la nouvelle vague propagandiste du New
York Times
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 10 octobre 2019
Chaque jour apporte
sa part de fantasme et de pitrerie. La
dernière en date nous est offerte par le
très sérieux (du moins le fut-il) New
York Times, qui a enfin trouvé le lien
entre tous les maux inexpliqués de la
planète dans lesquels, n'ayons aucun
doute, la Russie est impliquée. Une
responsabilité tellement évidente
qu'elle n'a pas besoin d'être prouvée,
et elle ne l'a pas été, pourtant ce
n'est pas faute d'avoir essayé.
Maintenant on comprend pourquoi : une
section hyper secrète du très
secret GRU est à l'origine de tout ce
programme de "déstabilisation de
l'Occident", lancé par le méchant
Poutine et la non moins méchante Russie.
Chers Gentils, ayez peur et tremblez! Bouh!
Eh oui, nous en
sommes là.
L'article du
New York Times est sans appel: la
Russie a lancé depuis des années un
programme de déstabilisation de
l'Occident, qui s'est manifesté en
Moldavie, au Monténégro, avec les
Skripal et certainement encore dans un
grand nombre cas inconnus :
First came a
destabilization campaign in Moldova,
followed by the poisoning of an arms
dealer in Bulgaria and then a thwarted
coup in Montenegro. Last year, there was
an attempt
to assassinate a former Russian spy in
Britain using a nerve agent. Though the
operations bore the fingerprints of
Russia’s intelligence services, the
authorities initially saw them as
isolated, unconnected attacks.Western security
officials have now concluded that these
operations, and potentially many others,
are part of a coordinated and ongoing
campaign to destabilize Europe, executed
by an elite unit inside the Russian
intelligence system skilled in
subversion, sabotage and assassination.
N'oublions pas la
fameuse ingérence dans les élections
américaines, sans laquelle - les
Démocrates en sont persuadés donc c'est
vrai - Trump n'aurait jamais pu gagner
contre Hillary, quelle idée! Ca,
c'est un peu plus en bas dans l'article.
Bref, pour réaliser
ce travail de titan (ce n'est pas si
facile d'attaquer le monde, même libre),
une section d'élite hyper secrète a été
fondée, l'Unité 29155, que même les
autres sections du GRU (renseignement
militaire) ne connaissent pas. Mais les
services secrets occidentaux, eux, en
ont trouvé la trace, le numéro,
l'adresse, le chef, etc. Ils sont
vraiment trop forts! Et tout est dans
l'article. C'est merveilleux.
Hidden behind
concrete walls at the headquarters of
the 161st Special Purpose Specialist
Training Center in eastern Moscow, the
unit sits within the command hierarchy
of the Russian military intelligence
agency, widely known as the G.R.U. (...)Its
operations are so secret, according to
assessments by Western intelligence
services, that the unit’s
existence is most likely unknown even to
other G.R.U. operatives.
Car il faut bien
que le message passe : l'Occident ne
doit pas sous-estimer la guerre hybride
menée par Poutine contre les pauvres
démocraties. Il est jaloux,
certainement, face à tant de respect en
Occident de l'expression du vote
populaire (référendum contre le traité
européen dépassé par un vote des députés
en France, vote pour le Brexit toujours
pas mis en oeuvre, ...), face à la
maîtrise des forces de l'ordre lors des
manifestations - notamment interdites (Occupy
Walt Street, Gilets jaunes, etc), face à
l'indépendance de la justice (trop
d'exemples en France avec Macron et ses
proches, je vais m'y perdre), face à
tant de tolérance (la dictature LGBT,
l'impunité des immigrés musulmans,
etc.). Donc, par jalousie, je ne
vois pas d'autres explications, la
Russie mène la guerre à l'Occident. Une
guerre hybride. Car c'est bien connu,
c'est la Russie qui a commencé à
déplacer les bases de l'OTAN à ses
frontières, c'est elle qui a adopté des
sanctions contre elle-même, c'est elle
qui dénonce en dernier les traités
internationaux sur l'armement, etc.
Bref, faites attention à l'ours qui dort
:
The purpose of Unit
29155, which has not been previously
reported, underscores the degree to
which the Russian president, Vladimir V.
Putin, is actively fighting the West with
his brand of so-called hybrid warfare —
a blend of propaganda, hacking attacks
and disinformation — as well as open
military confrontation.“I think we had
forgotten how organically ruthless the
Russians could be,” said Peter Zwack, a
retired military intelligence officer
and former defense attaché at the United
States Embassy in Moscow, who said he
was not aware of the unit’s existence.
Et la composition
de ce groupe doit faire trembler dans
les chaumières :
By contrast,
officers from Unit 29155 travel to and
from European countries. Some are
decorated veterans of Russia’s bloodiest
wars, including in Afghanistan, Chechnya
and Ukraine.
Vraiment, cet
article est une oeuvre majeure. Non pas
de journalisme, il est difficile de
qualifier ce texte ainsi, mais de
propagande, oui, certainement. Ce qui
illustre parfaitement les dérives de
notre monde. Le journalisme est
combattant, au service d'une idée
politique, d'une vision du monde, qu'il
construit, explique, complète et impose.
Cela n'a plus rien à voir avec le
journalisme. Il est dommage de remarquer
à quel point les grands titres sont
devenus des organes de propagande et ce
n'est pas l'apanage des Etats-Unis en
Occident. Adieu le pluralisme.
Simplement parce qu'il ne peut y avoir
de place pour ce qui sort de l'espace
idéologiquement ainsi balisé. La Russie
est hors de cet espace, elle ne peut
qu'être combattue. Toute attitude
différente sera considérée par les
tenants de cette idéologie comme une
trahison, comme un pacte avec l'ennemi.
La figure de l'ennemi est ici
fondamentale pour maintenir la cohésion
d'un groupe qui s'effrite. Donc, plus
les fissures apparaissent, plus l'ennemi
doit être démonisé, pour remplacer
l'adhésion positive en perdition par les
instincts de regroupement par la peur.
PS : Dans ce
contexte, l'on ne peut que saluer la
raisonnable
décision de la Douma, chambre basse
du Parlement russe, d'interrompre tous
les voyages officiels des députés russes
aux Etats-Unis, tant que ceux-ci
n'auront pas sanctionné les agents du
FBI qui ont interpellé et interrogé
pendant plus d'une heure la députée
russe Inga Iumacheva à l'aéroport de New
York (voir
votre texte à ce sujet ici) et
présenté des excuses officielles.
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