Russie politics
Billet en Macronie : l'affaire
Legay
et le procureur de la République
bananière
Karine Bechet-Golovko
Mardi 9 avril 2019
Il y a vraiment
quelque chose de pourri dans notre bonne
veille République ! Le mépris
institutionnel dont Geneviève Legay est
l'objet, femme de 73 ans blessée lors
d'une manifestation des Gilets Jaunes à
Nice le 23 mars, est révélateur d'une
crise politique profonde dans le système
macronien, qui contamine toutes les
institutions républicaines, détruit
l'éthique policière, tente de mettre à
bas la justice. Du "l'on ne va pas
manifester lorsqu'on est faible" à la
reconnaissance forcée de l'implication
d'un policier, tout a été fait pour
minimiser l'affaire Legay, pour qu'il
n'y ait pas d'affaire Legay. Même
confier l'enquête à la compagne du
commissaire impliqué. Que reste-t-il
de l'Etat de droit ? La République
macronienne est une République
bananière. L'on se souvient de
cette image qui a choqué, d'une femme de
73 ans avec un drapeau de paix, à terre,
entourée des forces de l'ordre, du sang
sur la tête lors de la manifestation des
Gilets Jaunes du 23 mars à Nice. Elle
fut hospitalisée pour des fractures
multiples au crâne et aux côtes. Mais
silence, rien ne doit filtrer, aucune
responsabilité ne doit être mise en
cause, sauf celle de la victime
elle-même. C'est en tout cas la position
de Macron. Rappelons ces
déclarations, on ne peut plus
méprisantes et cyniques, appelant
Geneviève Legay à plus de "sagesse" si
elle veut une vie tranquille :
« Quand on est
fragile, qu’on peut se faire bousculer,
on ne se rend pas dans des lieux qui
sont définis comme interdits et on ne se
met pas dans des situations comme
celle-ci »
Immédiatement
aussi, le procureur de la République de
Nice avait alors blanchi a priori
les policiers. D'ailleurs, ce serait
peut-être même un caméraman qui serait
impliqué ... Ah, ces journalistes, mais
que font-ils ici, franchement?
La
victime « n’avait eu aucun
contact avec les forces de sécurité ». « On
ne voit pas qui la pousse. Si ce n’est
que ce n’est pas un [des] agent[s] de
sécurité, qui sont reconnaissables.
C’est quelqu’un qui était devant elle,
j’en connais trois », avait-il
répété lundi. Il avait aussi laissé
planer le doute sur l’identité de la
personne qui aurait pu la pousser,
citant notamment « un cameraman » et « un
homme avec une casquette marron »
Au cas où, les
street médics, qui interviennent sur
place pour aider les blessés, sont mis
de côté, puis placés en garde à vue.
Pour être certain que rien ne filtre. Au
centre de ce scandale, le commissaire R.
Souchi de la police nationale. Le site
profession-gendarme donne plus de
détails :
« Les gendarmes,
qui n’obéissent pas à R. SOUCHI ont dit
aux medics « y a un blessé, venez,
mettez vous sur le côté, on va vous
faire passer, on a besoin de vous » ils
nous ont protégé et se préparaient à
nous faire traverser la barrière des
flics.
R. SOUCHI arrive et cri : « embarquez
moi ça !» en parlant de nous. Il appelle
la BAC alors que nous souhaitions
intervenir pour les premiers soins de
Geneviève. Il nous a empêché de y’aller
! D’aller porter secours à cette femme
qu’avait le crâne en sang !
Nous on était neutre, on venait aider
les gens. Les mecs qui nous ont mis les
menottes avaient honte ! Les gendarmes
étaient dépités, et nous ont dit « c’est
Souchi… on peut rien dire mais faites le
nécessaire, vous avez son nom ». Tous
les flics avec qui on a parlé en GAV
nous ont supplié de faire quelque chose
contre R. Souchi : « on peut rien dire
mais vous, vous pouvez ». Même eux en
ont marre, et veulent qu’on le dénonce,
qu’on agisse. »
Dans la logique du
procureur de Nice, les policiers n'y
sont pour rien, personne n'y est pour
rien, ce n'est pas du pénal. Une femme
de 73 ans a des fractures multiples aux
côtes et au crâne, juste parce qu'elle a
été un peu bousculée ? Elle est
"fragile". Donc, mémé, à la maison !
Bref, une véritable enquête n'est pas
nécessaire, puisqu'avant même de mener
l'enquête l'on sait qu'il n'y a pas de
responsables. Et qu'il ne doit pas y en
avoir. Pour être certain que rien de
dérangeant ne fasse surface, comme le
révèle
Médiapart, le procureur, sciemment,
confie à la compagne du fameux
commissaire Rabah Souchi, en charge des
opérations de l'ordre ce 23 mars,
l'enquête technique devant déterminer
les faits. Or, depuis, la vidéo de
surveillance a bien montré l'implication
d'un policier et Geneviève Legay a porté
plainte pour violence en réunion contre
les forces de l'ordre. Mais le
procureur continuée à rejeter
l'implication des forces de l'ordre :
plusieurs médias,
dont Le Monde, le service
CheckNews de Libération, l’Agence
France-Presse et Arrêt sur images avaient
analysé les images à leur disposition et
avaient conclu qu’un policier était
sorti du cordon au début de la charge et
avait volontairement poussé Mme Legay,
entraînant sa chute puis ses blessures.
Contacté par Le Monde, jeudi,
dans la journée, Jean-Michel Prêtre
avait affirmé « qu’il restait sur sa
position de lundi » et avait assuré
que la justice détenait « des images
de très près qui ne laissent aucun
doute ».
Ensuite, devant
l'inévitable et le scandale, le policier
a reconnu les faits, les minimise et,
n'ayant plus le choix, affirme regretter
- même s'il estime ne pas être en faute
et n'avoir que respecté les ordres (que
regretter alors?). Dans un exercice
de gymnastique politique digne des Jeux
Olympiques, le procureur nous fait le
grand écart, retourne ses pantalons
après sa veste, et tente de justifier
l'injustifiable, la nomination de la
compagne du commissaire responsable, ce
qui n'aurait absolument pas influencé
l'enquête Vous avez un doute ? C'est que
vous avez vraiment l'esprit mal tourné.
Les
déclarations du procureur sont
simplement ubuesques :
"C'est une
situation qui ne m'était absolument pas
inconnue dès le départ,
expliquait ainsi le procureur de la
République de Nice, le 29 mars. C'est
une décision que j'ai prise en toute
connaissance de cause parce qu'il ne
s'agit pas d'une enquête pénale au sens
classique du terme." "Il s'agit d'une
enquête technique en recherche
des causes de blessures qui ne
mettait en cause absolument personne
pour une faute quelconque,
justifie-t-il. La recherche ne
mettait pas en cause les responsables
des manifestants, de ceux qui
encadraient les manifestants, des
responsables des forces de sécurité
présentes"
Or, il y a bien eu
implication d'un policier, sous les
ordres du commissaire Rabah Souchi, qui
a été à l'origine des fractures
multiples, notamment au crâne, qu'a
subies G. Legay et l'enquête a été
confiée à la compagne de ce commissaire.
Sciemment. Car l'on cherche surtout à ne
mettre personne en cause ...
Si les procureurs,
dans le système français, sont
hiérarchiquement dépendants du ministre
de la Justice, ils sont formés,
normalement, pour ne pas confondre, dans
l'exercice de leur fonction, le service
d'Etat avec l'asservissement politique.
Rappelons, par ailleurs, que les
enquêtes préliminaires ne sont pas
ouvertes par les procureurs dans le
vide, mais lorsqu'il y a un délit ou un
crime potentiel. A la suite de quoi, ce
délit ou ce crime sera ou non
factuellement confirmé. Autrement dit,
confier une enquête préliminaire à la
compagne de la personne directement
impliquée est le meilleur moyen de faire
semblant de garder les apparences de la
justice (qui sait qu'ils sont en union
libre ?) tout en mettant en place toutes
les conditions favorables pour clore
l'affaire faute d'éléments factuels
concluants ou, si cela n'est pas
possible, pour minimiser l'affaire
autant que possible.
Cette République
macronienne est vraiment devenue une
République bananière, qui entraîne dans
sa chute toutes les institutions
républicaines.
Le sommaire de Karine Bechet-Golovko
Le
dossier politique
Les dernières mises à jour
|