Russie politics
Etats Unis: remise en cause de la
politique de "l'occupation amie" au
Japon
Karine Bechet-Golovko
Mardi 8 août 2017
Quelle population peut être heureuse de
voir sur son sol des soldats étrangers?
De voir ses villes survolées par des
avions de guerre étranger? De les y voir
de manière permanente, à tel point
qu'ils en sont chez eux? La domination
physique américaine qui passe par ses
bases militaires arrive à la limite des
possibilités données par la
géopolitique. Le Japon en est un
exemple.
Deux types de populations peuvent
accepter de voir à domicile et en
permanence une armée étrangère sur son
sol:
-
lorsque le pays a perdu la guerre et
que le sentiment de culpabilité a
été correctement implanté
dans la population, qui, de cette
manière, accepte de "racheter" les
fautes commises; il est ici
nécessaire d'entretenir ce sentiment
de culpabilité.
-
lorsque le pays est face à une
menace - réelle ou imaginaire -
qu'il ne peut affronter, la
population appelle alors de ses
voeux cette "occupation amie" pour
éviter une "occupation ennemie"; il
est ici nécessaire d'entretenir le
sentiment de menace.
Dans les deux cas,
la propagande justifiant "l'occupation
amie" est nécessaire, la population doit
être consentente, puisque le pays qui y
est soumis est - au minimum -
formellement souverain et la présence
d'une armée étrangère ne va pas de soi.
Il en fut ainsi du Japon et de
l'Allemagne après la Seconde guerre
mondiale ou des Pays Baltes aujourd'hui.
L'occupation
militaire "amie" est une technologie
politique permettant d'étendre l'emprise
politico-idéologique d'une puissance sur
d'autres pays. Elle n'est possible que
lorsque certaines conditions nationales
et internationales sont réunies. En ce
qui concerne l'Allemagne, la présence de
ces bases est de plus en plus discutée,
surtout que leur rôle avec le
développement de l'OTAN n'est pas de
protéger la population allemande, mais
bien de servir les intérêts américains
dans le monde, comme cela est déjà
affirmé à
voix haute.
Les pays baltes,
pour leur part, font partie de la partie
qui se mène entre les Etats Unis et la
Russie, ceux-ci devant garder le
contrôle sur les pays européens, amenés
dans cette configuration radicalisée à
faire un choix stricte entre l'Est et
l'Ouest. Les pays d'Europe de l'Est
(principalement les Pays Baltes et la
Pologne), étatiquement faibles, sont
utilisés à ces fins, sur fond
d'idéologie anti-russe.
Le
Japon, pourtant jusqu'à ce jour
considéré comme un élément soumis de la
politique américaine depuis les
bombardements atomiques, semble évoluer
vers une recherche d'autonomie, qui
pourrait faire bouger le rapport de
forces Etats Unis / Russie. De plus en
plus de voix dans la population (ce qui
n'est pas nouveau), mais également au
Gouvernement, se lèvent pour une
renégociation des bases militaires
américaines, qui ont de plus en plus
mauvaise presse dans les populations
environnantes. Il est vrai que le Japon
se rapproche de la Russie, lance divers
grands programmes de coopération dans
différents domaines économiques et a
relancé un dialogue constructif pour
régler la question territoriale en
suspend depuis la fin de la Seconde
guerre mondiale. Les tensions avec les
Etats Unis touchent surtout
Okinawa, où le Pentagone s'est vu
obligé par la Cour suprême du Japon à
rendre une partie du territoire
"occupé". Le
ministre japonais de la défense a
également jugé "regrettable" que les
Etats Unis continuent à effectuer des
manoeuvres, alors que Tokyo avait
expressément demandé qu'il y soit mis un
terme. Cette opposition ne peut que se
renforcer au fur et à mesure de la
reprise par le Japon de son
indépendance. Car plus le Japon
s'occupera de ses intérêts nationaux,
plus l'omniprésence militaire américaine
sera dérangeante, et donc se
radicalisera en réponse.
L'occupation amie
du Japon ne se justifie plus, elle doit
être transformée en accord
technico-militaire ... ce qui serait un
véritable coup dur pour les Etats Unis,
surtout aujourd'hui.
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