Russie politics
Impasse de l'OTAN et
impossibilité d'un
réel dialogue avec la Russie
Karine Bechet-Golovko
Samedi 7 décembre 2019 Macron propose un
"dialogue stratégique" avec la Russie,
alors que celle-ci est mise au même rang
que le terrorisme dans la déclaration
finale de Stoltenberg. De quelle
stratégie s'agit-il dans ce cas ? En
fait, l'OTAN continue à faire ce qu'il a
toujours fait : défendre une idéologie.
Avant c'était le libéralisme contre le
socialisme, donc contre l'URSS,
aujourd'hui c'est l'atlantisme, donc
contre la Russie, qui, en ce sens, oui,
présente (heureusement) une menace.
La dualité du
discours au sujet de la Russie continue.
D'une part Macron joue le rôle de
l'ouverture au dialogue avec la Russie,
un dialogue qu'il qualifie de
responsable et de stratégique, ce qui
finalement ne signifie rien. Macron
incarne ici l'Auberge espagnole
politique, où vous trouverez ce que vous
apporterez. D'autre part, Stoltenberg,
dans la déclaration finale, range la
Russie, avec son "comportement
agressif", au même rang que le
terrorisme comme un des dangers
principaux pour la sécurité
euro-atlantique. Terrorisme contre
lequel§ pourtant, il devrait être
possible de coopérer avec la Russie.
Russie qui, dixit
Macron, n'est plus un ennemi, mais reste
une menace. L'ennemi est le terrorisme
islamiste.
Pourquoi cette
déclaration est une triple hypocrisie ?
Tout d'abord, la
Russie n'est plus un ennemi. Autrement
dit, l'OTAN n'envisage "plus" d'attaquer
la Russie? Puisque rappelons qu'il
s'agit non pas d'une oeuvre caritative,
mais d'une organisation militaire. Or,
quelqu'un pense-t-il vraiment qu'un pays
de l'OTAN, car ce sont bien les pays et
leurs hommes qui font la guerre, l'OTAN
n'est qu'une fiction juridique, bref
qu'un pays de l'OTAN va envoyer ses
armées contre la Russie ? Non
évidemment. Donc, la Russie, en ce sens,
n'a jamais été l'ennemie. Et comme il
faut bien une explication officielle à
l'existence de l'OTAN, il a fallu en
trouver un autre.
Donc, l'ennemi est
le terrorisme islamiste. Traduction : il
faut combattre le terrorisme et non pas
la Russie. Soit. Et, quel est le rapport
entre la Russie et le terrorisme? La
Russie combat déjà le terrorisme,
indépendamment de l'OTAN, notamment en
Syrie, et elle ne cesse de proposer aux
Etats satellites du clan atlantiste de
s'allier réellement à elle pour
réellement combattre le terrorisme - et
non pas le faire prospérer comme ce fut
le cas en Syrie avant l'intervention
russe. Le problème ici n'est pas lié à
la Russie, mais au manque de volonté
politique des Etats atlantistes. Et à
l'inadaptation d'une structure comme
l'OTAN pour combattre le terrorisme
islamique. A l'intérieur des Etats
membres, vous n'allez pas envoyer une
armée étrangère. Et pour intervenir
militairement dans un pays étranger, il
faut - théoriquement - une décision du
Conseil de sécurité de l'ONU ou
l'invitation du pays concerné.
Enfin, la Russie
est une menace. Ceci est le principe de
base, qui doit permettre de déchiffrer
les discours, divers et variés au
premier abord, concernant la Russie.
Discours qui se terminent toujours de la
même manière. Et ne peuvent se terminer
autrement. Car la Russie, oui, est une
menace pour l'activité centrale de
l'OTAN, qui est la défense armée d'une
idéologie, avant il s'agissait du
libéralisme contre le socialisme,
aujourd'hui du globalisme atlantique.
Contre la position russe d'un monde
multipolaire. Sauf que vous ne pouvez
pas dire aux Etats membres qu'ils
envoient combattre leurs soldats contre
la Russie pour défendre les intérêts
atlantiques. Sans oublier que, ici
aussi, l'efficacité potentielle de
l'OTAN, c'est-à-dire d'une structure
militaire, est très relative. Nombre
d'autres institutions existent pour
défendre et implanter l'idéologie
globaliste-atlantiste, qui obtiennent
des résultats tangibles, qu'il s'agisse
du Conseil de l'Europe en général (avec
les sanctions et les recommandations -
soft power) et de la CEDH en
particulier (imposant des modifications
du droit interne et sanctionnant la
Russie), du CIO (fin progressive de
l'existence de la Russie comme "Etat"
dans le sport international et
déstabilisation du rapport interne entre
la société, les milieux sportifs et les
sphères gouvernantes), de l'OMC
(modification de la législation
interne), OCDE (influence sur les
politiques intérieures, comme celle de
l'enseignement par exemple), FMI
(influence sur les politiques
financières et économiques internes),
les différentes structures de l'ONU,
etc.
En ce sens, le
"dialogue stratégique" proposé par
Macron, avant la réunion du 9 décembre à
Paris pour le Format Normandie, place
bien la Russie comme une menace. S'il
parle de coopération avec elle, il
estime qu'elle est un danger pour ses
voisins, impliquée dans des affaires
d'empoisonnement, qu'elle doit régler
ses conflits avec l'Ukraine. Ce que
d'ailleurs, il pose comme condition
préalable au fumeux "dialogue
stratégique". Avant la réunion du Format
Normandie, ce qui montre dans quel camp
se met la France. Surtout que, dans le
même temps, l'Ukraine annonce refuser
tout dialogue direct avec le Donbass
(afin que le conflit soit bien présenté
comme entre l'Ukraine et la Russie - ce
que sousentend Macron - et non pas comme
une guerre civile, ainsi que toute
modification de la Constitution quant au
statut particulier du Donbass, ce qui
ôte toute illusion sur leurs
intentions). Rappelons également qu'à
l'OTAN, dans les couloirs, l'Ukraine
avait déclaré la Russie comme
Etat-terroriste (ce qui promet un
dialogue très stratégique ce 9
décembre), et que l'équivalence Russie -
terrorisme a été reprise dans la
déclaration finale de l'OTAN.
Puisqu'il faut bien
créer la "menace russe", nous avons
droit aux "agents du GRU" (renseignement
militaire russe, qui porte un autre nom
aujourd'hui, mais peu importe les faits,
ça sonne mieux que "Direction centrale
de l'état-major général des forces
armées") qui n'ont manifestement rien
d'autre à faire que de se ballader en
Europe pour y déposer des agents
chimiques (Skripal, l'histoire d'un
survivant et la cure de rajeunissement
de sa nièce), tuer des Géorgiens (cette
fois, il paraît que des agents du fameux
GRU, pour des raisons inconnues et sans
savoir qui, mais passons, ont tué un
Géorgien cet été en Allemagne), etc. Et
afin de pouvoir passer agréablement le
temps en Europe, ils auraient une
base dans les Alpes, c'est vrai que
Chamonix est sympa. Avis aux Russes
venant faire du sky dans les Alpes,
portez un tee-shirt précisant que vous
n'êtes pas du GRU, ici un Russe est a
priori un agent potentiel, que
faire, c'est la Russie. Et dans ce
fourbi généralisé, Merkel a déclaré
qu'elle allait discuter de l'expulsion
de diplomates russes suite à
l'assassinat du Géorgien avec Poutine à
Paris, justement ce 9 décembre. Quel
rapport avec le Format Normandie ? Il
semblerait que la paix en Ukraine ne
soit plus l'objet de cette formule,
certes décalée, mais qu'il s'agisse bien
de la Russie. Rappelons que justement la
question des sanctions sportives contre
la Russie sera discutée, hasard
évidemment du calendrier, ce 9 décembre,
et cette fois-ci hasard de la
géographie, à Paris.
Evidemment, dans
cette configuration aucun dialogue réel,
qui suppose l'écoute et le respect de
l'autre, n'est possible. Seules les
apparences peuvent, un temps, en cas de
propension à l'amnésie, être préservées.
Mais cela est-il finalement nécessaire ?
Parce que tout a un coût et le clan
atlantiste n'est pas prêt à payer sa
part, mais à présenter la facture à la
Russie, pour qu'elle ait la "chance" de
se désintégrer en son sein. Pour autant,
que Macron se rassure, l'absence de
naïveté est partagée.
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