Russie politics
Poutine/Trump au G20 : premier
test
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 7 juillet 2017
Aujourd'hui, lors du sommet du G20 se
produira la première rencontre entre
Trump et Poutine. Si cet évènement ne va
pas radicalement changer le cours de la
politique internationale,
l'administration américaine étant trop
idéologiquement marquée pour pouvoir
radicalement changer de politique en
fonction des présidents, il est présenté
comme l'évènement majeur de ce G20,
Trump ayant fait savoir que c'est, par
ailleurs, le seul qui présente pour lui
un réel intérêt.
Les Etats Unis ont décidé de placer la
rencontre Trump / Poutine sous le signe
du rapport de force, ce qui, est somme
toute dans la droite ligne de la
psychologie du Président américain.
Celui-ci se comporte ici à la fois en
business man et en politique: il a
intérêt à occuper le marché énergétique
européen avec son gaz de schiste et
politiquement, à l'américaine, en
renforçant sa position militaire. Aspect
qui comporte aussi une dimension
commerciale. Très logiquement, la
politique est mise au service des
intérêts économiques américains.
Le contexte
général, très tendu dans les médias, ne
s'arrange pas.
CNN parle notamment de
l'augmentation de l'activité
d'espionnage de la Russie à l'intérieur
des Etats Unis depuis les dernières
élections. Celle-ci aurait, selon les
services spéciaux US, au moins 150
agents actifs sur place, ce qui est plus
que dans les autres pays. Politiquement,
le
Sénat américain "conseille" à Trump
de ne pas revenir sur les sanctions
prises par Obama à la fin de son mandat
à l'égard des diplomates russes en
poste. Sanctions auxquelles la Russie
avait décidé de ne pas répondre, pour ne
pas mettre Trump en difficulté dès son
début de mandat.
Trump, lui-même, a
fait monter la tension lors de son
séjour en
Pologne. Economiquement, il a conclu
un accord à long terme avec la Pologne
sur le gaz de schiste, plus cher que le
gaz russe, mais idéologiquement plus
compatible. Surtout que la Russie
continue a être présentée comme l'ennemi
de l'Europe, son plus grand danger. Les
Etats Unis veulent, évidemment, aider
les petits pays européens contre ce
facteur de destabilisation de la région.
C'est la raison pour laquelle des
soldats américains doivent être en
Pologne, qui est très heureuse, car elle
estime que sa position internationale
sera mécaniquement renforcée par leur
simple présence. L'ombre du Maître,
rien de tel ... pour garantir
l'indépendance. Toujours dans ce
but, la Pologne achète des systèmes
sol-air de défense aérienne Patriotes
aux Etats Unis - pour se protéger d'une
potentielle agression russe. Décidément,
la Russie est un bon argument
commercial.
En plus du
business, Trump a rappelé la
domination américaine et le monde
unipolaire. Lorsqu'il parle de
l'incroyable degré de
domination occidentale dans le
monde, et du rôle perturbateur de la
Russie en Ukraine notamment, il ne fait
qu'imposer et défendre le système
géopolitique qui est de l'intérêt des
Etats Unis, le modèle atlantiste. Il n'y
a aucune raison pour qu'un Président
américain, quel qu'il soit, ne décide de
lui-même d'abandonner le fondement de la
politique de son pays. C'est cet
américano-centrisme qui permet la
domination de la culture américaine
(vente de films, musiques, spectacles
etc), de la manière de vie US
(fast-food, produits alimentaires,
vêtements), du rêve américain (rachat
des cerveaux européens que le système
scolaire US est incapable de former),
etc. Sans oublier que la domination US
permet aussi la prospérité du lobby
militaire, énergétique, etc. Bref, c'est
une machine bien huilée, rentable, qui
fonctionne à merveille. Qu'elle soit
appréciée ou non n'a que peu
d'importance, elle produit de bons
résultats et n'a, à ce jour, pas de
modèle concurrent réel, ni à
l'intérieur, ni à l'extérieur.
Souverainté
énergétique de l'Europe et monde
unipolaire, ces problèmes fondamentaux
de la rencontre US / Russie, qui ne
seront pas réglés à Hambourg,
s'amplifient de l'ambigüité du rapport
des présidents au modèle global.
La Russie est moins opposée au
globalisme qu'au monopole exercé par les
Etats Unis dans ce modèle.
Paradoxalement, Trump prône une certaine
"rationnalisation" de la globalisation
et le retour à une dose de souverainisme
économique. Il est également beaucoup
plus distant par rapport aux dogmes de
cette idéologie dominante que ne l'est
la Russie. Si les deux présidents
refusent de faire de l'homosexualité une
politique d'Etat et ne rejettent pas
l'Eglise en dehors du système
politico-social, pour le reste,
notamment la reconnaissance d'une
justice surpa-nationale, la lutte contre
le réchauffement climatique ou la lutte
contre la corruption, la Russie est
particulièrement très intégrée dans les
mécanismes globaux. Sans même parler de
son, pour le moins, étroite
collaboration avec le FMI, qu'elle
informe régulièrement de la conduite de
sa politique financière et économique et
qui continue à la conseiller, alors que
ses dettes sont remboursées.
C'est dans ce
contexte particulièrement comlexe
qu'aura lieu la première rencontre face
à face entre Trump et Poutine. Trump a
déjà réussi à imposer au président russe
de modifier son agenda et de déplacer
cette entrevue à l'après-midi ... au
moment des discussions sur le climat.
Trump ainsi marqué d'entrée de jeu des
points contre A. Merkel et a aussi testé
la souplesse du Président russe.
La souplesse
est bien l'objet principal de cette
rencontre. Il sera certainement
question de la Syrie, de l'Ukraine et
des autres questions intéressant les
deux pays, mais si de grandes - ou
petites délcarations - s'en suivront, il
s'agit surtout pour chacun des
présidents de "tester" l'autre. Une
rencontre de deux présidents au style de
gouvernance très différents, à
l'expérience différenciée, ayant
beaucoup de divergences sur le fond des
affaires et des intérêts concurrents.
Mais des présidents qui doivent réussir
à "cohabiter", au minimum pour la
tranquillité de l'Europe.
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