La crise au Venezuela et la
cristallisation de
la crise du système
globaliste-atlantiste
Karine Bechet-Golovko
En soutien
à Maduro
Mardi 5 février 2019
La crise au
Venezuela s'intensifie, non sans l'aide
particulière apportée par les pays
européens et surtout la France aux
Etats-Unis pour se débarrasser (enfin)
de Maduro, qui avec sa politique
socialiste pose des problèmes.
Evidemment en matière de droits de
l'homme. Rappelons que les réserves de
pétrole au Venezuela sont parmi les plus
grandes au monde. Le coup d'Etat contre
Maduro se met en place, Trump aux
manettes, Macron en première ligne.
Reste la Russie, pleine de bon sens, qui
tente de sauver l'institution des
élections, avant que nos sociétés ne
sombrent dans une nouvelle phase de
chaos dictatorial, seule apte à
préserver les intérêts du clan
atlantiste, trop éloignés des
aspirations des populations pour
maintenir le masque démocratique. Le
Venezuela révèle toute l'ampleur de la
crise idéologique qui s'empare de nos
sociétés.
L'arrivée de Maduro
au pouvoir en 2014, après Chavez, s'est
accompagnée d'une montée en puissance
des sanctions adoptées contre le pays,
au nom de la sacro-sainte démocratie, de
la lutte contre la corruption (qui ne
dérangeait pas avant), pour une
meilleure répartition (dite libérale)
des richesses, etc. Bref, une
guerre économique menée contre un
pays et un peuple. Un combat qui se
livre de l'extérieur (Etats-Unis,
Canada, avec l'aide de
UE) contre le Venezuela, avec
l'appui de certaines structures à
l'intérieur et qui permet ainsi
d'appauvrir le pays, de provoquer et
entretenir une crise socio-économique,
ensuite utilisée dans les discours
internationaux pour discréditer un
Président déclaré incompétent, voire
criminel. Rappelons qu'au-delà de la
question des droits de l'homme, qui
n'intéresse personne lorsque la "bonne"
personne est aux commandes, la "voix
populaire" devient à nouveau un argument
dès lors qu'il s'agit d'un pays dont les
réserves de pétrole sont les plus
importantes au monde et qui n'est pas
dirigé dans le sens exigé de la
mondialisation atlantiste. La question
des droits de l'homme est évidemment
centrale ...
C'est pourquoi le
"peuple" vénézuélien sorti dans la rue
contre Maduro est soutenu par
l'étranger, c'est pourquoi le peuple
vénézuélien soutenant Maduro est ignoré,
autant que les Gilets Jaunes en France.
C'est pour ça que Macron soutient ce
"peuple" demandant le départ d'un
président dit "illégitime" (car ne
mettant pas en place une "juste"
répartition des richesses - dans la
foulée globaliste) et que ce même Macron
gaze et combat son "peuple" des Gilets
Jaunes, qui demandent son départ en
raison d'une politique de répartition
des richesses qu'ils ne considèrent pas
comme juste, en raison d'une politique
qui oublie l'intérêt national.
Tous les peuples
ne sont pas égaux, tous les Présidents
non plus.
Les élections
présidentielles se tenant en mai 2018,
Guaido, sachant très bien que
l'opposition minoritaire, va perdre dans
les urnes, commence des négociations
secrètes avec Washington, pour préparer
des manifestations et obtenir par la
contrainte dans la rue ce qu'il ne peut
gagner librement par les urnes. Il
obtiendra, ainsi, le soutien de la
Colombie et du Brésil, avant même les
élections, en plus de celui des
Etats-Unis. Ce que révèle l'AP
dans un article très détaillé. Et le
plan fonctionne à merveille, non sans le
soutien de l'UE, dont l'indépendance à
l'égard des Etats-Unis est une farce
grotesque.
Le scénario n'a,
par ailleurs, rien de nouveau. il a déjà
été testé en Ukraine en 2004, lors de la
révolution orange, où un troisième tour
des présidentielles a été obtenu de
force, après d'énormes pressions de la
part des Etats-Unis, de l'UE et de
l'OSCE. Ce qui a permis de détruire le
système électoral ukrainien et de
conduire le pays dans la crise qu'il
connaît aujourd'hui : la légitimité ne
venant plus du peuple, de l'intérieur,
mais de la volonté et des intérêts
changeants de puissances extérieures. Et
les personnages au pouvoir servent alors
non plus les intérêts d'un peuple dont
ils n'ont plus besoin pour se maintenir
au pouvoir, mais de leurs véritables
maîtres.
Avec le Venezuela,
nous sommes passés à la vitesse
supérieure et les pays du bloc
atlantiste n'attendent pas qu'un
troisième tour soit organisé pour déjà
déclarer qui est "leur" président. Les
Etats-Unis, le Canada, le Brésil, la
Colombie (ces pays qui ont organisé le
coup d'Etat) ont évidemment reconnu
Guaido. Mais pour que l'affaire prenne
toute son ampleur, il faut aussi le
soutien formel des pays européens. C'est
pourquoi, après que le Parlement
européen, sans en avoir la compétence,
ait lui aussi reconnu Guaido,
trois pays européens (la France,
l'Allemagne et la Grande-Bretagne), pour
tenter de donner un léger vernis de
légitimité à ce coup d'Etat, ont lancé
un absurde ultimatum de 8 jours, afin
que Maduro organise de nouvelles
élections "libres", qu'il doit
évidemment perdre. Pour être
"libres". Or, il a réellement un soutien
important au sein de la population,
quand le soutien de Guaido est très
faible à l'intérieur. Maduro refuse
évidemment cette farce aux relents
impérialistes, il a déjà été élu par le
peuple vénézuélien, que sa politique
plaise ou non aux pays du bloc
atlantiste ne leur donne pas le droit de
décider d'un nouveau président, qui leur
serait soumis.
Sans attendre cette
fois-ci la tenue d'une nouvelle
élection, les pays
européens, la France en tête, se
lancent dans une étrange reconnaissance
d'un individu qui n'a pas été élu, mais
est simplement monté sur des barricades
après une tournée internationale. Dans
la forme, il s'agit de déclarations à la
presse ou sur twitter. Les mécanismes
juridiques sont laissés de côté, il est
vrai que le droit n'a ici pas sa place,
c'est de la comm et de la politique.
L'on notera l'étrange tweet de Macron:
Ce texte appelle
plusieurs questions. Tout d'abord,
pourrait-on m'expliquer ce que,
juridiquement, signifie "président en
charge" ? Absolument rien, ça n'existe
pas et c'est d'ailleurs la raison pour
laquelle l'expression est entre
guillemets dans le texte. C'est, en
fait, une sorte de manager qui, n'ayant
aucune légitimité intérieure pour avoir
une quelconque chance d'être élu (même
avec l'aide étrangère), doit organiser
la mise sous tutelle du pays. Ainsi,
l'on appréciera le lien entre la volonté
du peuple et finalement le "Groupe de
contact créé avec l'UE", qui va se
charger de déterminer ce que veut
le peuple vénézuélien. Et le meilleur
reste à venir avec ce Groupe de contact
:
Un groupe de
contact international constitué par
l’UE pour favoriser l’organisation
d’élections présidentielles « libres,
transparentes et crédibles » doit se
réunir le 7 février à Montevideo,
ont annoncé dimanche la cheffe de la
diplomatie européenne Federica Mogherini
et le président uruguayen Tabare Vazquez.
L’UE et huit de
ses États membres (Allemagne, Espagne,
France, Italie, Portugal, Pays-Bas,
Royaume-Uni et Suède) en font partie,
ainsi que la Bolivie, le Costa Rica,
l’Équateur et l’Uruguay pour les pays
d’Amérique latine.
Donc, pour ne pas
se salir les mains, les Etats-Unis
refilent le bébé à l'UE, qui va être en
charge de s'occuper de la finalisation
du coup d'Etat. En plus, pour revenir à
la question de la "volonté populaire",
ce fameux Groupe ne va pas se réunir au
Venezuela, où il pourrait notamment
discuter avec la population. Non. Il va
se réunir dans un autre pays ... en
Uruguay. Aucun effort n'est fait, ne
serait-ce que pour protéger les
apparences. Le but est de placer le pays
sous tutelle, il y a trop de ressources
naturelles, l'on ne plaisante pas avec
ça. En matière de transparence et de
crédibilité, on ne fait pas mieux
...
Dans ce chaos mal
odorant, reste la Russie, droite dans
ses bottes. Rappelant que le Venezuela
n'est pas une question internationale à
discuter au Conseil de sécurité de
l'ONU, mais un problème intérieur - sauf
à considérer l'intervention du clan
atlantiste. Que dans ce cas, la Russie
pourrait aussi soulever la question des
Gilets Jaunes en France ... mais (dommage)
elle ne le fera pas. Voir ici les
paroles du représentant de la Russie,
Nebenzia :
La crise
vénézuélienne est caractéristique non
pas d'une crise socio-politique dans ce
pays, mais de la crise du système
idéologique globaliste et atlantiste qui
se joue aujourd'hui. Le décalage
entre les objectifs des élites et les
aspirations des peuples atteint un tel
niveau, que l'institution des élections,
comme modalité légitime d'accession au
pouvoir de dirigeants (mêmes factices),
devient inefficace, puisqu'elle ne
permet plus de maîtriser la
prévisibilité du résultat. Par ailleurs,
une fois en place, le mécontentement
populaire gonfle et met en péril les
représentants de ces systèmes, qui ne
sont plus rééligibles, mais doivent être
sacrifiés à chaque tour. Ce qui met en
danger le système idéologique lui-même -
la pénurie de cadres éligibles se
préparant. Les élections, comme
mécanismes de légitimité intérieure (ce
qui fait la démocratie), doivent donc
être remplacées par des mécanismes de
légitimité extérieure (comme dans le cas
de l'Ukraine ou du Venezuela),
permettant un contrôle total des
résultats, pour ensuite être importés
dans les autres pays. Et l'UE devient le
bras armé de ce système
anti-démocratique.
En ce sens, le
conflit avec la Russie ne peut que
s'intensifier, car en protégeant de
toutes ses forces le système électoral,
les autorités russes s'opposent
frontalement au mouvement de
radicalisation de la gouvernance
atlantiste que nous observons. Or, ce
système idéologique ne peut plus se
permettre même l'illusion électorale, il
doit maîtriser et contrôler les peuples
et les paroles. Ce que nous voyons
parfaitement se profiler en France avec
la farce électorale qui a conduit Macron
à l'Elysée et les dernières évolutions
législatives liberticides et
anti-nationales.
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