Russie politics
Nouvelles sanctions américaines
contre la Russie :
quelle place pour la
dissidence internationale ?
Karine Bechet-Golovko
Samedi 4 août 2018
Les Etats-Unis
viennent d'adopter de nouvelles
sanctions contre la Russie, ou plutôt
contre une petite banque russe qui
aurait offert ses services au
représentant d'une banque nord-coréenne
- basé à Moscou. Le département
américain du Trésor porte haut le
drapeau du gendarme international,
question de principe, qui oblige à
s'interroger à la marge de manoeuvre de
la Russie dans ce Concert des Nations. Nous étions
habitués aux sanctions liées à la guerre
civile ukrainienne, aux accusations non
prouvées d'ingérence dans les affaires
intérieures américaines par la Russie,
aux préoccupations américaines de lutte
contre la corruption ... en Russie, etc.
Le
Trésor américain vient d'élargir la
palette et d'adopter des sanctions
contre une banque privée russe, la
Agrosyuz Commercial Bank, pour avoir
effectué une importante transaction pour
le compte du représentant à Moscou de la
Banque nord-coréenne du commerce
extérieur, qui se trouve - et c'est là
l'élément-clé - sous
sanctions américaines. Ainsi que
contre les sanctions adoptées par l'ONU:
“The United States
will continue to enforce UN and U.S.
sanctions and shut down illicit revenue
streams to North Korea. Our
sanctions will remain in place until we
have achieved the final, fully-verified
denuclearization of North Korea,” said
Treasury Secretary Steven Mnuchin.
Il faut rappeler
que les relations commerciales entre ces
banques russe et nord-coréenne durent
depuis 2009 et le volume des
transactions pèse plusieurs millions de
dollars. Mais entre-temps, la Russie a
voté la résolution de l'ONU contre la
Corée du Nord, faisant l'espace d'un
instant partie du clan du "Bien".
Donc, il faut
l'appliquer. Et respecter les sanctions
américaines. Comment la Russie
aurait-elle osé ne pas respecter les
sanctions adoptées par les Etats-Unis à
l'égard de personnes ressortissant d'un
Etat tiers? Alors que les autres pays
sont tellement dociles, même si parfois
ils s'offusquent un instant, ils
finissent toujours par s'aplatir
respectueusement, c'est-à-dire
revenir à la place que le Gendarme du
monde laisse à ses "partenaires".
Regardez la manière dont les pays
européens perdent poliment le marché
iranien. Aucune exception ne peut être
acceptée, car s'il est une seule fois
possible de passer outre aux sanctions
américaines, le système de contraintes
unilatérales va s'écrouler.
En plus de cela, la
représentante des Etats-Unis à l'ONU
s'insurge contre la politique russe à
l'égard de la Corée du Nord, puisque
celle-ci continue à accorder des visas
de travail à ses ressortissants, en
violation des sanctions adoptées dans le
cadre de l'ONU.
Si le vice-ministre
russe des affaires étrangères,
Riabkov, souligne avec raison que
cette politique de sanctions américaines
n'aura pas pour effet de remettre en
cause la ligne politique russe, qu'elle
ne pourra que détériorer les relations
russo-américaines déjà à leur plus bas
niveau historique, il faut s'interroger
sur la ligne politique à tenir par la
Russie dans les organes internationaux.
Voter les sanctions contre la Corée du
Nord n'entrait pas directement dans les
intérêts russes, surtout que le pays ne
présente en réalité aucun danger
particulier, que la possession d'armes,
même atomiques, est sa seule condition
de survie - physique. C'est-à-dire de ne
pas être rasé de la surface de la Terre.
Le régime n'est pas démocratique? Soit,
ils sont de plus en plus nombreux à ne
pas (plus) l'être. Et à la différence de
l'Arabie Saoudite, il ne finance pas de
groupes terroristes qui viennent nous
attaquer. La Russie a voté cette
résolution en pensant faire ainsi partie
intégrante du Concert des Nations. Cette
résolution se retourne contre elle. A la
différence des Etats-Unis ou des autres
pays occidetaux du Conseil de sécurité,
la Russie avait quelque chose à perdre.
C'est un détail,
mais symbolique, un détail qui doit
faire réfléchir à la possibilité pour la
Russie aujourd'hui d'être acceptée dans
la communauté internationale sans avoir
à payer le prix fort, c'est-à-dire celui
de sa souveraineté, le droit d'avoir et
de défendre ses intérêts propres,
nationaux et extérieurs. Ce système
globalisé et américano-centré ne laisse
aucune place pour la dissidence
internationale. Sinon, il ne serait plus
global.
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