Russie politics
"Dopage russe": Le TAS brise la
politisation du CIO
et de l'AMA
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 2 février 2018
Le Tribunal d'arbitrage sportif (TAS)
vient de mettre le CIO et l'Agence
mondiale antidopage (AMA) face au
caractère politique de leur décision, en
cassant systématiquement les
disqualifications prononcées par le
mouvement olympique sur le fondement du
rapport McLaren: la culpabilité n'a pas
été prouvée et la présomption
d'innocence n'a pas à être renversée.
42 sportifs se sont adressés au
Tribunal sportif suite à leur
disqualification à vie par le CIO, qui
se fondait sur le rapport McLaren,
autrement dit sur le journal intime de
Rodchenkov. Le TAS vient de rendre sa
décision concernant 39 d'entre eux. Or,
28 ont été totalement réhabilités et 11
ont vu leur disqualification à vie
cassée, pour être remplacée par une
interdiction de participer à ces JO.
Dans tous les cas, le Tribunal sportif,
qui doit quand même un minimum suivre
les règles de droit, n'a pas trouvé de
fondements suffisants aux sanctions
prononcées. Aucune des sanctions
prononcées par le CIO n'a été maintenue.
Autrement dit, le
CIO et l'AMA n'ont pas juridiquement
prouvé la culpabilité des sportifs
russes et ont pris une décision
politique.
C'est un choc pour
la
presse anglosaxonne, qui n'ose
accepter que 'leur' verdict ne soit
remis en cause par une juridiction.
Le CIO lui emboîte
le pas et monte le véritable visage de
ce qui n'a plus grand-chose à voir avec
le mouvement olympique. Non seulement,
ils ne sont pas prêts à appliquer la
décision et à en tirer les conséquences
juridiques, à savoir restaurer de ces
sportifs dans leur droit de participer
aux JO, s'ils le veulent, au nom de la
présomption d'innocence, que personne
n'a encore suspendue. Mais l'on apprend
que la participation aux JO n'est plus
"un droit", elle serait devenue un "privilège":
« Ne pas être
sanctionné ne confère pas le privilège
d’une invitation », a réagi
l’instance olympique.
Ils ont totalement
perdu le sens des réalités. Adieu la
présomption d'innocence: le fait de ne
pas être condamné ne signifie pas que
vous soyez innocent, et manifestement ce
n'est pas au tribunal d'en décider en
fonction du droit, mais à eux, instance
politique, en fonction d'autres
considérations.
L'Agence
mondiale antidopage n'a pas mieux
digéré la situation, puisque son
communiqué commence ainsi, en regrettant
cette décision:
The World
Anti-Doping Agency (WADA) notes with
serious concern the decisions by the
Court of Arbitration for Sport (CAS),
relating to the 2014 Sochi Olympic
Winter Games, to uphold the appeals of
28 Russian athletes while also
essentially rejecting the appeals of 11
others against suspensions issued by the
International Olympic Committee (IOC)
for anti-doping rule violations when all
39 athletes were part of Russia’s
systemic doping program.
Car finalement le
problème est là: le TAS n'a pas
reconnu le dopage d'Etat par sa décision.
Afin de faire prévaloir sa conviction
sur le droit, l'AMA envisage de
continuer et de s'adresser au Tribunal
fédéral suisse en appel.
Dans le même temps,
l'on sent une fracture au sein de
l'institution, entre ceux qui
s'inquiètent du mouvement olympique et
de la légitimité de ses institutions et
les jusqu'auboutistes. Ainsi, le numéro
2 de
l'AMA demande une enquête
indépendante sur le fonctionnement des
instances antidopages, car cette
décision du TAS n'est rien moins qu'un
désaveu frontal du fonctionnement de ces
instances devant lutter contre le
dopage et non contre les sportifs:
"En tant que
vice-présidente de l'AMA, je vais
prendre une initiative pour que soit
lancée une enquête indépendante sur le
fonctionnement de la communauté
antidopage", a déclaré Linda Hofstad
Helleland dans un courrier électronique.Les conclusions de
l'enquête "permettront de nous assurer
que les droits des athlètes propres sont
protégés", a-t-elle ajouté.
Faute de
"transparence et d'intégrité", les
instances responsables du contrôle et de
la lutte antidopage "risquent de perdre
toute crédibilité" tandis que les
gouvernements qui financent ces
organismes "vont finir par se demander
comment les fonds sont dépensés"
La douche est
glacée. La Russie récupère 9 de ses
médailles de Sotchi et reprend sa
première place au classement, le dopage
d'Etat n'est pas reconnu par l'instance
judiciaire, le rapport McLaren est
montré comme faible en preuves.
Attendons la suite.
Peut-être le drapeau russe pourra-t-il
flotter finalement aux JO ...
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