Amérique latine
Associated Press
et le mythe
de "l'opposition muselée au Venezuela"
Joe Emersberger
Une
conférence de presse du leader de la
droite vénézuélienne Henrique Capriles
Radonski (2013)
Vendredi 13 décembre 2013
(NdT : pour
comprendre quatorze ans de
désinformation dans Libération, le
Monde, les Échos, le Figaro, l’AFP, TF1,
RFI, France-Inter, RTL, etc…, on gagne à
remonter à la “matrice”. Les
français ne font en général que traduire
avec un jour de décalage ce que disent
les médias privés
dominants du Venezuela ou des
États-Unis.)
Par Joe Emersberger-
ZNet
Un des mensonges que martèle
sans relâche la presse internationale
est que “l’opposition est muselée au
Venezuela”. Il est certain que le
gouvernement, depuis le coup d’État qui
l’a renversé brièvement en 2002, a
fortement travaillé pour modifier le
paysage médiatique. On est passé d’une
situation où un média appartenant à un
oligarque avait tellement de pouvoir
qu’il était capable d’organiser un coup
d’État, au paysage actuel où – si on lit
attentivement
l’étude détaillée des médias télévisés
du Centre Carter – ces médias conservent
un avantage, qui n‘a plus rien de commun
cependant avec ce qu’il était il y a dix
ans.
Une analyse attentive montre que
la facilité avec laquelle, en mai
dernier, l’opposition a diffusé
l’enregistrement de Mario Silva dans
l’ensemble des médias, est aux antipodes
d’un quelconque baillonnement..
Par ailleurs le rejet public
généralisé des médias privés a modifié
la donne sur les dix dernières années,
et cela n‘incombe pas simplement à
l’action du gouvernement.
Les médias privés n’ont pas
seulement été le fer de lance du coup
d’État de 2002. Ils ont aussi appuyé un
sabotage économique massif. La presse
internationale a usé d’un langage
apocalyptique pour décrire les malheurs
économiques actuels du Venezuela en
omettant de dire que l’économie a crû en
2013 (1). Par
contraste, lors du coup d’État
médiatique du début des années 90,
l’économie s’est contractée de 30%
sous l’effet combiné du putsch
militaire-patronal et du sabotage
économique. Ces destructions appuyées
par les médias privés ont valu à leurs
propriétaires et journalistes une forte
hostilité de la part des millions de
personnes gravement touchées.
Cet article d’AP est donc “typique”
dans sa manière de dépeindre un
gouvernement “resserrant son emprise”
sur les médias (2). Cependant une
phrase très curieuse y apparaît :
“Les propriétaires-fondateurs
de la chaîne Capriles ne sont pas
directement liés au politicien dont ils
partagent le nom.”
Ce qui revient à dire que les
fondateurs du plus grand conglomérat de
presse écrite du Venezuela ont “un
lien” avec Henrique Capriles, le
leader de la droite vénézuélienne.
L’auteur de l’article, Fabiola
Sanchez, est obligée de mentionner ce
fait embarrassant. Il serait difficile
en effet, même pour AP, de ne rien dire
de l’homonymie du géant médiatique et du
leader de l’opposition. Des
lecteurs, mêmes occasionnels et pas très
bien informés, pourraient se gratter le
crâne. Sanchez pourrait
aussi mentir en disant qu’il n’y a “pas
de lien”, elle a donc écrit “pas
de lien direct” dans une faible
tentative d’éviter de parler de la vraie
nature des médias vénézuéliens.
Au lendemain des élections
municipales du 8 décembre, la mise à
jour d’Associated Press
prolonge le mensonge : l’article
d’AP admet à contrecœur que
l’opposition n’a pas réussi à faire une
percée significative aux élections
municipales de dimanche, le
gouvernement et ses alliés ayant
remporté la majorité des mairies et du
suffrage populaire global.
Mais une vraie dépêche
d’AP sur le Venezuela ne saurait se
passer de « bourdes ». Par exemple,
l’article prétend que "les
difficultés économiques du Venezuela se
sont approfondies, avec une inflation
qui atteint un sommet, sur les deux
dernières décennies, de 54 pour cent…"
En 1996 (c’est à dire il y a deux
décennies), le taux d’inflation au
Venezuela était de 99,9%
selon les données du FMI. Ainsi,
contrairement à ce qu’affirme AP,
l’inflation actuelle n’est pas « la
plus forte en deux décennies ». En
outre, un examen des données du FMI
citées ci-dessus montre que l’inflation
moyenne était d’environ 40% au cours des
15 ans qui ont précédé l’élection de
Hugo Chavez à la présidence. A partir de
là, le taux d’inflation a été en moyenne
d’environ 25% (même si l’on inclut la
pointe de 2013 qui n’est pas encore
reprise dans les données du FMI)…
Bonne chance si vous voulez
trouver ces chiffres, pourtant faciles à
vérifier, dans un média privé ! Les
mensonges par omission facilitent la
malhonnêteté d’airain de AP.
Joe Emersberger-
ZNet, 13 décembre 2013
Traduction de l’anglais : Thierry
Deronne
Notes :
(1) Lire
"L’apocalypse tant espérée n’aura pas
lieu",
http://venezuelainfos.wordpress.com/2013/11/10/venezuela-lapocalypse-tant-esperee-naura-pas-lieu/
(2) Voir
"Noam Chomsky, Greg Grandin,
Michael Moore, Oliver Stone et une
douzaine d’experts états-uniens
demandent au New York Times d’enquêter
sur sa désinformation quotidienne au
sujet du Venezuela",
http://wp.me/p2ahp2-TZ
Le cinéaste Oliver
Stone a rencontré ce mercredi 11
décembre 2013 le président Maduro, à qui
il a offert une copie et une affiche de
son récent documentaire “L’histoire
non contée des États-Unis”.
En août 2009, à l’occasion de la
projection de “South of the border” à la
Mostra de Venise, Stone expliquait : “Les
médias
mainstream aux États-Unis font campagne
contre les gouvernements progressistes
d’Amérique Latine. Or, le manque de
liberté d´expression que dénoncent les
médias et l´opposition vénézuélienne est
un mensonge. Celui qui va au Venezuela
se rend compte que 80, 90 % des médias
sont contre Chavez. Ils disent des
choses trés
dures sur lui et il le tolère. Il ne
punit pas ces personnes, elles sont
toujours en place. Aux États- Unis cela
ne se passerait pas ainsi.”
Reçu de Thierry
Deronne pour publication
Le dossier Amérique latine
Les dernières mises à jour
|