Opinion
Daech, le pire est à venir
Jacques Marie Bourget
Photo:
D.R.
Vendredi 22 mai 2015
Les terroristes de l'Etat islamique se
sont emparés, jeudi 21 mais, de la ville
stratégique de Palmyre, point de passage
à la frontière syro-irakienne sans que
les forces de la coalition contre Daceh
n'effectuent la moindre frappe aérienne.
De bien mauvais présages.
L’excellent Al-Baghdadi, le fou furieux
qui règne sur l’État Islamique, ne doit
plus n’y rien comprendre, voilà qu’à
l’ouest de son « Califat » on lui laisse
libre champ pout avancer vers Damas et
prendre la Syrie, alors qu’à l’est, à
Ramadi, en Irak, on le combat. Comme si
du côté syrien Daech était l’avenir du
Moyen Orient, mais sur les rives
irakiennes, la peste et le choléra. Les
vaillants soldats d’E.I. se sont donc
installés dans Palmyre sans que du ciel
ne leur tombe dessus la moindre « frappe
» issue de Rafales, de F16 ou autres
appareils de la Coalition occidentale.
Bizarre.
C’est vrai que sur la supposée
efficacité d’une guerre faite rien que
du ciel, nos lecteurs sont déjà avertis
: le plus souvent les couteux missiles à
un million de dollar ne tuent que des
ânes, des bergers, des enfants ou une
noce en fête. Mais quand même, alors que
Da’esh en colonne blindée par deux,
avançait en terrain totalement
découvert, il ne s’est pas trouvé un
politicien pour commander quelques tirs
de baroud contre ceux que nos journaux
qualifient pourtant de « barbares ». Il
faut croire que, cette fois, puisqu’ils
annoncent que la fin de Bachar est
programmée, les jihadistes de Baghadi
sont devenus de braves garçons.
L’or noir, propriété de Washington
Vous objecterez que les Américains ne se
sont pas montrés timorés quand ils sont
allés, à pied, flinguer le ministre des
finances de Da’ech et son secrétariat.
Bien sûr, voilà un beau courage. Mais
pourquoi ? Parce qu’en tuant cet homme
clé, Washington tente de reprendre le
contrôle du pétrole. Depuis des mois,
Abou Sayyaf, le susdit grand argentier
des « barbares », était devenu un roi du
pétrole, un roi de trop. Puisque les
troupes du Califat contrôlent
pratiquement les puits de Syrie, et une
partie de ceux d’Irak, Abou Sayyaf
devenait un acteur important sur le
marché international du « brut », lui
qui l’était lui-même. Il fallait donc
que ce nouveau riche disparaisse du club
des pétroliers, et la force Delta l’a
exécuté. Constatez que personne, pas un
témoin mal élevé, pas un journaliste du
genre Langlet, l’économiste en chef de
France 2, n’a posé la question qui brûle
les dents : « mais qui donc, au bout du
tuyau, a bien pu acheter ce pétrole à
couleur de sang ? ». En fouillant dans
les relevés bancaires de quelques
magnats turcs et d’autres de Wall
Street, on doit pouvoir facilement en
savoir plus. La mort d’Abou Sayyef est
donc un message à caractère
politico-économique : « Faites la guerre
comme vous le voulez mais pour le
pétrole, c’est nous les chefs ». Cette
propriété putative de l’or noir celui de
toute la planète, est une constante de
la politique américaine et
anglo-saxonne. Par exemple, en 1916 lors
des accords Sykes-Picot, qui dépeçaient
l’empire ottoman, la France a été «
convaincue » de céder le riche sous-sol
du Kurdistan à ses amis parlant la
langue de Shakespeare. Contre le
paiement d’une rente issue du pétrole
exploité… rente qui n’a jamais été
correctement versée puis oubliée.
Il y a un demi-siècle, sur l’antenne de
Radio Luxembourg, une étrange dame à
chapeau et voilette, régnait sur la
rubrique de politique internationale,
Geneviève Tabouis. Son slogan était
simple, elle claironnait « Attendez-vous
à savoir… ». Aujourd’hui j’ai envie de
reprendre la voilette de Geneviève.
Attendez-vous à savoir que, dans
quelques mois, si rien n’y fait, Da-ech
aura réunifié le vieux royaume
hachémite, réunissant Syrie et Irak sous
le même Califat. Et Al-Baghadi pourra se
prendre pour le nouveau prince des
Omeyades.
Faute de faire la guerre, que prépare
donc l’Occident pour la suite de ce
Lawrence d’Arabie en 4 D ? Le plan
secret de Washington, approuvé par
Paris, est un escabeau à plusieurs
marches. Première hypothèse. Finalement
après une étape d’apaisement, The
Washington Post et Le Monde décideront
demain que Da’ech est devenu
fréquentable. Hollande n’a t-il pas
rendu cinq visites à l’Arabie Saoudite
qui, en ce moment, cherche à embaucher
une équipe de coupeurs de têtes, de
bourreaux.
Si Da’ech est ingérable, on va demander
au nouveaux démocrates d’Al-Qaïda de lui
faire la peau. Laurent Fabius estime
déjà « qu’Al Nostra fait du bon boulot
», il parle là d’une branche de fidèles
de Ben Laden. Et le ministre des
Affaires étrangères du Qatar, dans un
entretien avec Le Monde, vient de
demander à ce que nous collaborions avec
ces démocrates, façon 11 septembre.
Bush et son gang ont brisé l’Irak, pour
« redistribuer les cartes du Moyen
Orient », ce qui veut dire prendre en
main ses ressources. Le même chantier
continue avec la Syrie. Un moyen Orient
qui ne serait plus constitué d’États
mais de califats, d’émirats est une
aubaine pour les affaires, donc pour
Washington. Plus simple de dicter les
consignes à un équivalent Tamim, le
gentil garçon qui règne sur le Qatar,
qu’à un Bachar, un Saddam, un Nasser ou
un Mossadegh bref un « nationaliste ».
En plus on trouvera bien, entre ses
nouveaux califes, des dirigeants assez
raisonnables pour entériner la politique
d’Israël.
Attendez-vous à savoir… que le pire est
à venir.
Jacques Marie Bourget
Grand reporter et écrivain: Il
commence sa carrière chez Gallimard à la
NRF puis enchaine l’ORTF, L’Aurore, Le
Canard Enchainé, L’Express, VSD, le
Sunday Times, Paris-Match et Bakchich.
En 1986 a obtenu le Prix Scoop pour
avoir révélé l’affaire Greenpeace.
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|