Iran
Accord sur le nucléaire ou pas,
le conflit entre USA et Iran durera !
Issam Nouman
Jeudi 9 avril 2015
Au bout 12 ans de
discussions et de 16 mois de pourparlers
intensifs ayant démarré suite à la
conclusion d’un accord intérimaire entre
l'Iran et le groupe 5+1 [les 5 membres
permanents du Conseil de sécurité (USA,
Grande Bretagne, France, Russie, Chine)
+ Allemagne] en novembre 2013, les sept,
réunis à Lausanne, sont parvenus à
l’accord-cadre [du 2 avril 2015]
prévoyant la pleine levée des sanctions
imposées à l’Iran en échange de
contrôles internationaux très stricts de
son programme nucléaire pacifique ; les
détails de leur mise en œuvre
nécessitant des négociations
supplémentaires avant d’aboutir à la
signature d’un « accord définitif »
annoncée pour le 30 juin prochain.
Première question :
Est-ce que la simple signature de cet
accord, tant souhaité, mettra fin au
conflit entre les USA, avec en arrière
plan Israël, et l’Iran ?
La réponse est NON !
NON, parce que le conflit n’est pas
centré sur la capacité de l'Iran à
fabriquer une arme nucléaire qu’il
faudrait interdire à tout prix, mais sur
ses capacités croissantes dans
absolument tous les domaines ; ce qui,
selon les États de l’OTAN et Israël, lui
permettrait de menacer leur sécurité et
leurs intérêts, notamment au
Moyen-Orient.
Ceci, car ils sont
convaincus que l’Iran est devenu l’hyper
puissance régionale avant même
d’acquérir la capacité de fabrication
d’une arme nucléaire, la possession
d’une telle arme stratégique ne pouvant
que doubler sa puissance. D’où la
nécessité de lui faire signer un accord
qui ne consisterait pas à juste
l’empêcher d’en arriver à ce stade, mais
à garantir à ses adversaires et
concurrents un ensemble de mécanismes
qui limiteraient ses avancées
technologiques et son influence
croissante avec des clauses punitives,
si nécessaire.
L'Iran a parfaitement
intégré ce raisonnement de base. C’est
pourquoi il a manifesté sa volonté
d’accorder des concessions d’ordre
technologique aux Occidentaux, étant
donné qu’il n’est vraiment pas intéressé
par la fabrication d’une bombe
nucléaire, sans rien céder sur la levée
des sanctions internationales,
étatsuniennes et européennes, qui ont
nui à son économie et épuisé son peuple.
Cette réponse
négative devient plus claire si l’on
examine les trois points essentiels sur
lesquels se sont focalisés les
négociateurs à Lausanne : la durée de
l'accord, le rythme de la levée des
sanctions économiques, et les mécanismes
de reprise des sanctions au cas où
l’Iran violerait les obligations
imposées par la signature de l’accord
définitif :
-
Les pays
occidentaux veulent une levée
progressive des sanctions sur une
période de cinq années ; des mécanismes
d’une reprise des sanctions, en cas de
violation de l’accord, ne passant pas
par le Conseil de sécurité des Nations
Unies ; une durée de l’accord d'au moins
15 ans.
-
L'Iran insiste sur
la levée totale et immédiate des
sanctions en cours, dès la signature de
l'accord définitif ; ne veut pas d'un
accord à très long terme ; refuse aux
pays occidentaux la possibilité de
revenir aux sanctions sans passer par le
Conseil de sécurité, sous prétexte d’une
quelconque violation de l’accord.
Par ailleurs, même
s’il devenait possible de trouver un
accord définitif qui dissiperait les
angoisses de certaines parties
prenantes, les pays déterminés à limiter
l’influence iranienne, notamment les
États-Unis, la France et Israël, ne
cesseront pas pour autant d’exercer
leurs pressions politiques, économiques
et militaires, dans ce but. Tout comme
l’Iran ne cessera pas d’exercer des
pressions similaires pour les empêcher
de continuer à l’éreinter :
-
Les pays
occidentaux chercheront probablement à
persévérer dans la fragilisation des
alliés régionaux de l’Iran : la Syrie,
les forces de la Résistance
palestinienne, le Hezbollah libanais, et
les forces yéménites anti-saoudienne qui
ne comptent pas uniquement des Houthis
dans leur rang.
-
Les pressions
contraires de l’Iran consisteront, tout
aussi probablement, à persévérer dans le
soutien de ces mêmes alliés régionaux,
ainsi que de toutes les forces qui
combattent Daech, Jabhat al-Nosra et
autres forces islamistes extrémistes,
notamment celles qui sont alimentées par
la Turquie et certains pays du Golfe.
Deuxième question :
En dépit de ce qui précède, est-ce que
l’accord sur le nucléaire entre l’Iran
et les Pays occidentaux pourrait
conduire à un règlement qui atténuerait
l’intensité des combats faisant rage en
Syrie, en Irak, au Yémen et en Libye ?
La réponse est NON à
plus ou moins courte échéance, parce que
la situation dépend de cinq facteurs
étroitement mêlés et contradictoires :
1.
Le niveau de satisfaction des États qui
signeront cet accord quant à leurs
propres intérêts et préoccupations, dont
les USA et l’Iran en premier lieu.
2.
La position des alliés régionaux des
USA,
en particulier l'Arabie saoudite
et Israël, quant aux répercussions de
l’accord sur leur politique et leurs
intérêts dans les différents pays et
marchés de la région.
3.
Les conséquences de l'accord sur les
intérêts d’acteurs régionaux de poids,
dont essentiellement la Turquie qui rêve
d’une expansion « ottomane » dans les
Pays du Levant et en Mésopotamie, et
l’Égypte qui cherche à se reconstruire
économiquement en plus de vouloir
restaurer son rôle stratégique dans le
monde arabe et la région.
4.
Les réactions des forces de la
Résistance arabe d’une part et des
forces islamistes extrémistes d’autre
part, chacune selon ses propres intérêts
et objectifs.
5.
La position de la Russie et de la Chine
qui ont toutes deux des intérêts et des
alliances dans la région, ce qui les
amènera à participer au conflit,
positivement ou négativement, selon ce
que l’accord définitif pourrait
engendrer comme opportunités ou menaces
à l’encontre de leurs intérêts et des
intérêts de leurs alliés respectifs.
Finalement, à ce
stade, Barack Obama peut bien dire que
ce qui a été réalisé à Lausanne est une
« entente historique», tout comme Hassan
Rohani peut bien déclarer qu’il a été
possible de parvenir à un accord
« gagnant-gagnant » ; tant que les USA
et l’Iran n’abandonneront pas leurs
objectifs stratégiques contradictoires
ou refuseront de les réduire,
cet accord tant souhaité par les
deux parties n’éteindra pas le feu qui
s’étend, mais inaugurera un nouvelle
étape de violence dans une région
suffisamment incendiée dans des
batailles sans fin.
Issam Nouman
Homme politique
libanais et ex-ministre
07/04/2015
Source : Al-Binaa
http://www.al-binaa.com/?article=35840
Article traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Le sommaire de Mouna Alna-Nakhal
Le
dossier Iran
Les dernières mises à jour
|