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Opinion

Le spectre du Phanar

Israël Adam Shamir


Israël Adam Shamir

Lundi 26 novembre 2018

Le schisme de l’orthodoxie en Ukraine

Le monde russe se retrouve pris dans un drame. Son Eglise orthodoxe dirigeante affronte un schisme dans le cadre d'une recherche d’indépendance religieuse. Si le régime de Kiev atteint son but, le fossé entre la Russie proprement dite et sa partie occidentale rétive, l’Ukraine, va s’élargir. L’Eglise russe va souffrir une lourde perte, comparable à l’émergence de l’église anglicane pour les catholiques. Il y a pourtant là une occasion pour les Russes d’y gagner énormément, d’y gagner plus qu’ils n’y perdront. De fait l’Ukraine a sa propre église, et il s’agit de l’Eglise autonome orthodoxe ukrainienne qui a sa propre administration, au sein de l’orthodoxie russe. C’est une autonomie fort large ; elle peut être considérée comme une indépendance, dans la pratique, sauf en ce qui concerne la reconnaissance nominale de la suprématie moscovite. L’Eglise ukrainienne ne paie pas de tribut à Moscou, elle élit ses propres évêques, et n’a aucune raison pour exiger plus de marge de manoeuvre encore. Du moins, pas de raison tangible. Certes, en Ukraine, on a affaire à une tendance séparatiste forte, qui a des ressorts romantiques et nationalistes, comparables à celle des Ecossais ou au séparatisme languedocien. On peut en suivre la trace depuis le XVIII° siècle, lorsque le gouverneur nommé par la Russie Hetman Mazeppa  se dressa contre Pierre le Grand et conclut une alliance avec le roi guerrier suédois Charles XII. Cent ans après la révolte, Alexandre Pouchkine, le plus important des poètes russes, composa son poème romantique « Poltava » (à partir du « Mazeppa » de Byron), et il attribue, dans ce texte magnifique, ces paroles à Mazeppa : « Nous avons trop longtemps baissé la tête, sans respect pour la liberté, sous le joug patronal de la Pologne, sous le joug despotique de Moscou. Mais maintenant l’heure est venue pour l’Ukraine de grandir pour devenir une puissance indépendante. »

Ce drame romantique d’une Ukraine indépendante est devenu réel après la révolution de 1917, sous l’occupation allemande à l’issue de la Première Guerre mondiale. En un an ou deux, alors que l’Allemagne vaincue battait en retraite, l’Ukraine indépendante se retrouva soviétique et rejoignit l’Union soviétique dans l’Union des Républiques soviétiques égales. Et même incluse dans l’Union, l’Ukraine restait indépendante, elle avait son siège comme telle à l’ONU. Lorsque le président Elstine déclara l’Union dissoute, elle le redevint pleinement. En 1991, et le divorce d’avec la Russie délabrée (après des siècles d’intégration), l’Ukraine prit avec elle une importante portion des ressources physiques et humaines de l’ex-Union. Ce pays spacieux, avec ses travailleurs durs à la tâche, sa lourde terre noire, et la fleur de l’industrie soviétique, produisant des avions, des missiles, des tracteurs et des trains, avec la plus grosse et la meilleure armée à l’intérieur du Pacte de Varsovie, avec ses universités, son bon réseau routier, sa proximité avec l’Europe, ses infrastructures chères reliant l’Est à l’Ouest, l’Ukraine, donc, avait bien plus de chances de s’en sortir que la Russie putrescente. Mais les choses tournèrent autrement, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons à une autre occasion. Etat failli parmi tous, l’Ukraine se retrouva rapidement désertée par ses habitants les plus précieux, qui filèrent vers la Pologne ou la Russie ; ses industries furent démantelées, et vendues au prix de la ferraille. La seule compensation que l’Etat offre à partir de là, c’est un nationalisme fervent, et encore plus de déclarations d’indépendance. Mais la quête d’une pleine indépendance a connu encore moins de succès que les mesures économiques ou militaires. Le régime de Kiev a eu beau jeu de couper les ponts avec Moscou, c’était pour se mettre à la botte de l’Occident.  Ses finances sont supervisées par le FMI, son armée par l’OTAN, sa politique étrangère par le Département ‘Etat US. Une véritable indépendance relevait du mirage, hors d’atteinte pour l’Ukraine. Une rupture complète de l’Eglise ukrainienne avec l’autorité moscovite est alors apparue au président Petro Poroshenko comme un substitut tout indiqué de l’indépendance effective, surtout à l’horizon des élections proches. Il s’est tourné vers le patriarche de Constantinople, sa Sainteté œcuménique Bartholomé, en lui demandant de promettre à son église une pleine indépendance, ce qu’on appelle en langage ecclésiastique l’autocéphalie.

Fort bien, mais que pouvait-il appeler « son église » ?  La vaste majorité des chrétiens orthodoxes d’Ukraine et leurs évêques se satisfait de leur statut au sein de l’église russe. Ils ont leur propre chef, Sa Béatitude métropolitaine Onophrius, qui ne se plaint pas non plus de sa position. Ils n’éprouvent aucun besoin d’autocéphalie. Seulement voilà, l’Ukraine a aussi deux phénomènes épineux à gérer, deux petites églises dissidentes, l’une gérée par l’ambitieux évêque Filaret, et l’autre par Macarius ; toutes deux sont hautement nationalistes et anti-russes, toutes deux soutiennent le régime et réclament leur autonomie, toutes deux sont considérées comme illégitimes par le reste du monde orthodoxe.  Ces deux petites églises sont les embryons potentiels de la future église ukrainienne du président Poroshenko.

Revenons maintenant à Bartholomé. De par son titre, il est patriarche de Constantinople, mais on chercherait en vain cette ville sur la carte. Constantinople, la capitale chrétienne de l’Empire romain d’Orient, la plus grosse cité de son temps, le siège des empereurs romains, fut prise par les Turcs ottomans en 1452, et devint l’islamique Istanbul, capitale de l’empire ottoman et du dernier califat musulman ; depuis 1920, c’est une métropole appartenant à la Turquie. Le patriarcat de Constantinople est le spectre fossile d’un passé grandiose ; il garde quelques églises, un monastère et une poignée de moines ambitieux basés au Phanar, le vieux quartier grec d’Istanbul.

Le gouvernement turc considère Bartholomé comme un évêque des Grecs du lieu, et lui dénie son titre datant du VI° siècle de  patriarche œcuménique. Il n’y a guère que trois mille Grecs dans la ville, ce qui allège d’autant l’empreinte de Bartholomé localement. Son patriarcat est un spectre parmi des spectres, comme les Chevaliers de Malte ou l’Ordre de Malte, les rois de Grèce, de Bulgarie et de Serbie, les empereurs du Brésil et du  saint empire romain… Spectre n’est pas un gros mot, d’ailleurs. C’est un terme qu’adorent les romantiques, amoureux des vieux rituels et des uniformes avec des aiguillettes dorées. Ces gentilshommes fort honorables ne représentent personne, n’ont aucune autorité, mais ils peuvent vous fournir des certificats très impressionnants de magnificence, et le font effectivement.

L’Eglise orthodoxe diffère de sa sœur catholique romaine en ce qu’elle n’a pas de personnage central comparable au pape de Rome. Les orthodoxes ont une assemblée de représentants des églises nationales, appelés patriarches ou popes. Le patriarche de Constantinople est l’un de ces quatorze dirigeants, même si c’est le plus semblable à un pape de Rome pour l’Eglise occidentale. De fait, le patriarche "œcuménique" jouit d’un respect particulier indu, en vertu de la tradition. Maintenant, le spectre du Phanar cherche à rendre sa position beaucoup plus puissante, et prétend que le patriarche œcuménique a droit à un rang supérieur dans l’orthodoxie, en tant que « seule église qui puisse établir des églises autocéphales et autonomes ». Tout cela, l’église russe le rejette, et c’est de loin l’église la plus importante au monde. Comme l’église ukrainienne fait partie intégrante de l’église russe, elle pourrait réclamer sa pleine indépendance (autocéphalie) à Moscou, mais elle ne le souhaite nullement. Mais les deux petites églises dérangeantes se sont tournées vers le Phanar, et le dirigeant du Phanar était plus qu’heureux de rentrer dans le jeu. Il a envoyé deux de ses évêques à Kiev, et il a entrepris d'instaurer une église ukrainienne unifiée. Cette église ne serait pas indépendante ou autocéphale ; ce serait une église sous contrôle direct du Phanar, une église stavropegial,  juste autonome. Pour les nationalistes ukrainiens, ce serait un triste rappel du passé: ils n'ont le choix qu'entre rejoindre Moscou ou Istanbul, aujourd’hui comme au temps de leurs aïeux, il y a quatre cents ans. L’indépendance complète n’est pas à l’ordre du jour.

Pour le Phanar, ce n’est pas la première incursion en territoire russe : Bartholomé s’est aussi servi des sentiments anti-russes de Tallin et a pris une partie des églises estoniennes, et de leurs paroissiens, sous sa férule. Cependant, à l’époque les Russes avaient bien pris la chose, et ce pour deux raisons. L’Estonie, c’est petit, il n’y a pas trop d’églises ni de congrégations ; et d’ailleurs, le Phanar avait conquis certaines positions en Estonie entre les deux guerres, à l’époque où la Russie soviétique ne se souciait guère de l’Eglise. L’Ukraine, c’est autre chose : c’est immense, c’est le cœur de l’Eglise russe, et Constantinople n’y revendique rien de solide.

Les Russes disent que le président Poroshenko a acheté Bartholomé. C’est une absurdité primaire, même si le patriarche ne rechigne pas à accepter les cadeaux. Bartholomé avait une raison tout-à-fait valable pour accepter l’offre de Poroshenko. S’il réalisait son plan et fondait une église d’Ukraine sous son commandement, qu’on l’appelle autonome ou stavropegial, ou même autocéphale, il cesserait d’appartenir au monde spectral, et deviendrait le chef bien réel d’une église avec des millions de fidèles. L’Ukraine est seconde seulement par rapport à la Russie dans le monde orthodoxe, et son arrivée dans le giron de Constantinople permettrait à Bartholomé de devenir le plus puissant dirigeant de l’orthodoxie.

Les Russes ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes pour une bonne part de ces tracas. Ils ont été trop pressés d’accepter le spectre du Phanar comme une réalité dans leur obsession de la reconnaissance et de l’approbation de l’étranger. Ils auraient pu l’oublier trois cents ans plus tôt au lieu de rechercher une confirmation de sa part, aujourd’hui comme hier. Il est dangereux de se soumettre aux faibles ; c’est peut-être plus risqué que de se soumettre aux forts.

Cela me rappelle un roman bien oublié de H. G. Wells, La Nourriture des dieux ou Place aux géants. C’est l’histoire d’un aliment qui permet aux enfants de grandir jusqu’à quarante pieds. La société maltraite les jeunes titans. Dans un épisode particulièrement puissant, une horrible vieille sorcière gronde les immenses enfants, qui sont trois fois plus grands qu’elle, et ils acceptent timidement ses ordres niais. Mais à la fin, les géants réussissent à s’imposer, envoient promener le joug et déploient leur stature.  Wells évoque « ces jeunes géants colossaux et magnifiques, scintillant de tous leurs feux, au milieu des préparatifs pour le lendemain. Cette vision le réconfortait. Ils étaient devenus si facilement des puissants ! Ils étaient si élancés et gracieux ! Si rapides dans leurs mouvements ! » La Russie est un jeune géant qui tente d’observer des règles établies par des pygmées. L’organisation internationale PACE (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe) où la Russie se fait rudement maltraiter et n’est même pas autorisée à se défendre elle-même en est une bonne illustration. Les tribunaux internationaux où la Russie a très peu de chances de se faire entendre en est une autre. Le président Trump a retiré les US d’un certain nombre d’organisations internationales, alors que les US jouissent d’un poids énorme dans les affaires internationales, et que tous les Etats s’aplatissent devant les positions US.  La voix de la Russie ne parvient même pas à se faire entendre  et c’est seulement maintenant que les Russes commencent à soupeser les avantages d’un Ruxit.

Les règles ecclésiastiques sont tout aussi biaisées, du fait qu’elles placent le plus grand des Etats orthodoxes avec des millions de fidèles chrétiens sur un pied d’égalité avec les spectres orientaux. A l’époque de l’empire ottoman, le patriarche de Constantinople avait un poids bien réel : le sultan défendait sa position, ses décisions avaient des implications juridiques pour les sujets orthodoxes de l’empire. Il causa bien des ennuis à l’Eglise russe, mais les Russes étaient obligés de respecter ses décrets, par ce que c’était un agent de l’empire. Après la révolution d’Ataturk, le patriarche perdit son statut, mais l’église russe, le jeune géant, continua à le révérer et à le soutenir. Après 1991, quand la Russie revint à son église négligée auparavant, l’église russe redoubla de générosité envers le Phanar et se tourna vers lui comme guide, parce que l’Eglise moscovite se retrouvait en pleine confusion et sans préparation pour faire face à sa nouvelle position. Dans le doute, elle revint à la tradition. On peut comparer cela avec les « cités déliquescentes » des romans de Dickens, des villes qui envoyaient traditionnellement leurs représentants au Parlement malgré le fait qu’elles n’avaient plus guère d’habitants.

Dans cette recherche de la tradition, l’église russe s’était unie avec l’église russe à l’étranger, la structure des émigrés avec son histoire en dents de scie qui incluait le soutien à Hitler. Sa principale contribution fut un anticommunisme féroce, et le rejet de la période soviétique du passé russe. Malgré tout, cela pouvait se justifier par le désir des Russes de célébrer les blancs face aux rouges, et de faire revenir les émigrés au sein du peuple russe. Mais honorer le spectre du Phanar comme la direction honoraire du monde orthodoxe n’avait pas la moindre justification.

Le Phanar devait tenir compte de l’appui du Département d’Etat. La diplomatie US a eu la main heureuse dans sa gestion des spectres : depuis des années Washington soutenait des gouvernements fantoches en exil dans les Etats baltes, et ce soutien leur avait été rendu au centuple en 1991. Maintenant, le soutien des US au Phanar leur rapporte aussi, dans cette nouvelle attaque contre la Russie.

Le patriarche du Phanar avait peut-être sous-estimé l’éventuelle riposte russe face à son ingérence en Ukraine. Il était habitué à être bien traité par les Russes ; il se souvenait que les Russes avaient mollement accepté sa mainmise sur l’église estonienne. Se voyant encouragé par les US, et porté par ses propres ambitions, il prit la décision historique d’annuler l’accord de Constantinople datant du XVII° siècle concernant le transfert du siège métropolitain de Kiev à Moscou, il envoya ses propres évêques, et s’empara de l’Ukraine à titre personnel.

L’Eglise de Moscou décréta brusquement le bannissement de Bartholomé, et interdit à ses prêtres de participer aux services liturgiques avec des prêtres du Phanar, et aussi avec les prêtres qui accepteraient les prêtres du Phanar. Mettre fin à la communion avec les prêtres du Phanar n’est pas douloureux du tout, mais l’étape suivante, consistant à interdire  toute communion avec les églises qui refuseraient d’excommunier les prêtres du Phanar, voilà qui est tout-à-fait radical. Il y a d’autres  églises orthodoxes qui n’apprécient pas les menées du Phanar. Ils ont bien compris que les nouvelles lois dictées par le Phanar peuvent également les menacer. Ils n’ont aucune envie d’introniser un pape au-dessus d’eux. Mais je doute qu’ils soient prêts à excommunier les prêtres du Phanar pour autant. L’église russe pourrait adopter une approche moins radicale et plus profitable.

L’unité du monde orthodoxe se base sur deux principes séparés. L’un est l’Eucharistie. Toutes les églises orthodoxes sont unies dans la communion. Leurs prêtres peuvent célébrer ensemble et recevoir la communion dans toute église reconnue. Deuxièmement, le principe du territoire canonique. Aucune église ne devrait nommer d’évêques sur le territoire d’une autre église. Le Phanar a transgressé le principe territorial. En réponse, il est interdit aux Russes, par leur propre église, de recevoir la communion si des prêtres excommuniés participent à la célébration. Mais les prêtres de l’Eglise de Jérusalem ne chassent personne, ni Russes ni Phanariotes. Dans les faits, les contre-sanctions russes font surtout du tort et de la peine aux Russes eux-mêmes. Il y a peu de pèlerins orthodoxes pour visiter la Russie, tandis qu’il y a beaucoup de pèlerins russes qui visitent la Terre sainte, le Mont Athos et d’autres sites importants en Grèce, en Turquie et en Palestine, Jérusalem et Bethléem par-dessus tout. Désormais ces pèlerins ne pourront plus recevoir la sainte communion au Saint Sépulcre ni dans la cathédrale de la Nativité, tandis que les prêtres russes ne vont plus pouvoir célébrer la messe dans ces églises.

Les prêtres russes vont probablement souffrir et se soumettre, mais les pèlerins laïcs vont probablement s’asseoir sur l’interdit et aller recevoir l’Eucharistie dans l’église de Jérusalem. Il serait préférable que l’église russe puisse gérer la tricherie de Phanar sur une base de réciprocité. Phanar n’excommunie pas les Russes, et les Russes peuvent revenir à une entière communion avec les Phanariotes.

Le Phanar a rompu avec le principe territorial, et les Russes pourraient décider d’ignorer le principe territorial à son tour. Depuis le XX° siècle, le territoire canonique est devenu un principe de la loi canonique de plus en plus souvent bafoué, dit OrthodoxWiki.

A une telle transgression majeure, les Russes pourraient riposter en renonçant complètement au  principe territorial et envoyer leurs évêques à Jérusalem et à Constantinople, à Rome et à Washington, et en même temps maintenir tous les orthodoxes en totale communion.

L’église russe sera capable de répandre la foi orthodoxe dans le monde entier, parmi les Français en France, parmi les Italiens en Italie, parmi les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens. L’église russe n’admet pas les femmes à la prêtrise, ne permet pas les unions gay, ne considère pas les juifs comme des frères aînés, ne tolèrent pas l’homosexualité chez les prêtres, mais permet à ses prêtres de se marier. Elle a toutes ses chances pour entrer en compétition avec d’autres églises, pour le troupeau des fidèles comme pour le clergé.

Si elle le veut, l’église de Moscou sera libérée de ses attaches volontairement acceptées. En ce qui concerne la communion, l’église russe peut valider la communion avec le Phanar et avec Jérusalem, ainsi qu’avec d’autres églises orthodoxes, et même avec des églises dissidentes, sur la base de la réciprocité. Et surtout, l’Eglise russe pourrait autoriser la communion avec les catholiques. Pour l’instant, les catholiques autorisent les Russes à recevoir la communion, mais l’Eglise russe ne permet pas à ses troupes de recevoir la communion catholique, et ne permet pas aux catholiques de recevoir la communion dans les églises russes. Malgré toutes les différences entre églises diverses, nous les chrétiens pouvons partager la communion par le  sang et la chair de notre Sauveur, et c’est tout ce dont nous avons besoin.

Tout cela est extrêmement pertinent pour la Terre sainte. Le patriarche de Jérusalem, Sa Béatitude Theophilos, ne veut pas se quereller avec Constantinople ni avec Moscou. Il ne va pas excommunier les prêtres du Phanar, malgré les demandes réitérées des Russes, et je pense qu’il a raison. L’interdiction de communier au Saint Sépulcre de Jérusalem ou à l’église de la Nativité à Bethléem deviendrait une punition lourde et inopérante infligée aux pèlerins russes. C’est pourquoi il est sensé de maintenir la communion unitaire et de liquider le principe territorial.

L’Eglise russe peut nommer ses évêques à Jérusalem, à Bethléem ou à Nazareth afin d’attirer les fidèles actuellement négligés par le patriarcat traditionnel de Jérusalem, je veux dire les chrétiens palestiniens et les chrétiens israéliens, qui sont des centaines de milliers.

L’Eglise de Jérusalem est gouvernée par les Grecs ethniques depuis que la ville avait été conquise par les Ottomans au XVI° siècle. Les Turcs avaient chassé le clergé arabe local orthodoxe, et confirmé leurs Grecs loyaux. Les siècles passant, les Turcs sont repartis, les Grecs ne sont loyaux qu’entre eux et ne s’intéressent pas beaucoup aux locaux. Ils ne permettent pas aux moines chrétiens palestiniens de rejoindre les monastères, ils les empêchent d’avoir accès à la chaire épiscopale, et ne leur font pas de place dans le Synode, le conseil ecclésiastique. Cette discrimination flagrante irrite les chrétiens palestiniens, beaucoup d’entre eux se sont tournés vers les églises catholiques, voire protestantes. Le peuple des fidèles est en colère et prêt à se soulever contre les Grecs, comme l’avaient fait les orthodoxes syriens en 1898, lorsqu’ils avaient chassé les évêques et élu un patriarche arabe d’Antioche, avec le soutien russe…… Jusqu’alors, le patriarche d’Antioche avait été élu à Istanbul par les moines du Phanar seulement parmi les « Grecs de race », comme ils disaient à l’époque, et comme c’est l’usage du siège de Jérusalem maintenant. A Noël, l’année dernière, le patriarche de Jérusalem avait  été empêché de pénétrer dans l’église de la Nativité à Bethléem par des chrétiens locaux furieux, et seule l’armée israélienne avait pu leur frayer un passage.

Si l’église russe devait établir ses évêques en Terre sainte, ou même choisir son propre Patriarche de Roum (le nom traditionnel de l’église) bien des églises de Terre sainte leur ouvriraient leurs portes, et bien des fidèles trouveraient le chemin de l’église à laquelle ils se sentent reliés. Car la direction grecque de l’église de Jérusalem ne s’intéresse qu’aux églises de pèlerinage ; ils ne s’occupent que des pèlerins qui viennent de Grèce et des Grecs en Terre sainte.

Il y a beaucoup de Russes orthodoxes en Israël ; les Grecs de l’église ne pourvoient pas à leurs besoins. Depuis 1948, pas une seule église neuve n’a été édifiée par les orthodoxes en Israël. De grandes villes peuplées de nombreux chrétiens, telles Beersheba, Afula, Eilat la touristique, n’ont pas d’églises du tout. Certes c’est en partie la faute des autorités israéliennes et de leur haine du christianisme. Il n’en reste pas moins que l’Eglise de Jérusalem ne met pas beaucoup d’énergie à ériger de nouvelles églises.

Il y a un million d’immigrants en provenance de Russie, en Israël. Certains sont chrétiens à l’origine, certains veulent entrer dans l’église, parce que brutalement rejetés par le judaïsme hostile. Ils arrivent avec une image quelque peu romantique de la foi juive, parce qu’ils ont grandi dans l’URSS athée, mais la réalité ne ressemble en rien à leurs rêves. Il ne s’agit pas seulement d’eux; les Israéliens de toute origine se désolent du judaïsme qui règne maintenant en Israël. Ils sont prêts pour rencontrer le Christ. Une nouvelle église de Terre sainte instaurée par les Russes peut amener au Christ les Israéliens, juifs et non-juifs, palestiniens natifs tout comme immigrants.

Aussi le rejet du territorialisme par le Phanar peut être utilisé pour la plus grande gloire de l’Eglise. Oui, l’église russe changerait de caractère et assumerait une dimension locale œcuménique. C’est un gros défi ; je ne sais pas si les Russes sont prêts pour cela, si le patriarche Kirill de Moscou a l’audace requise. Son église est plutôt timide ; les évêques n’expriment pas leurs points de vue en public. Cependant, un prêtre de Moscou, frère Vsevolod Chaplin, qui était très proche du patriarche jusqu’à une date récente, a appelé publiquement à un reformatage complet de la chrétienté orthodoxe, à se débarrasser des parties pourries et des spectres, à instaurer des liens solides entre laïcs et patriarcat. Sans la grande poussée du patriarche étourdi Bartholomé, ces idées seraient restées en gestation pendant des années ; et voilà qu’elles peuvent faire un pas de géant, et changer la face de la foi.

Joindre l’auteur: adam@israelshamir.net

Traduction: Maria Poumier

Source: The Unz Review.

 

 

   

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Source : Entre la Plume et l'Enclume
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