Analyse
L'attentat de Christchurch revisité
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Vendredi 22 mars 2019
Pas la peine d'être
un nationaliste blanc pour commettre un
meurtre de masse dans un lieu de culte
comme à Christchurch, quoique, si vous
ne lisez que les médias officiels, vous
soyez probablement tenté de les
associer, les nationalistes blancs, avec
ce genre de dépravation. Je n'ai aucune
intention de chercher des excuses pour
ce crime, et tout en rejetant les
théories conspirationnistes, je voudrais
contextualiser l'évènement, enquêter sur
les forces politiques à qui profitent la
chose, et sur l'assignation de la
culpabilité que les libéraux ont mis en
œuvre. Les nationalistes
blancs ne sont pas des gens à part. Un
musulman aurait pu en faire autant. En
Egypte, des extrémistes musulmans ont
massacré, en avril 2017, 45 chrétiens
dans deux églises coptes. Il y a une
longue liste d'attaques contre des
églises en Egypte, en Syrie et en Irak,
par des extrémistes islamiques. Ils
tuent également des musulmans pas
assez dévots à leur goût: 300 fidèles
musulmans furent massacrés par des
extrémistes musulmans (voir
wikipedia) dans une mosquée du
Sinaï en novembre 2017. Les atrocités de
Daech se situent à un autre niveau
(pire) dans l'ensemble, même si les
médias les sous-évaluent parce qu'ils
préfèrent diaboliser Assad avec ses
alliés russes et iraniens. Il y a
beaucoup d'attaques musulmanes contre
des chrétiens qui ne sont pas diffusées,
parce que les médias obéissent à la
règle visant à maintenir les
nationalistes locaux de souche sous
pression, et que des reportages complets
leur feraient rater leur cible. En
septembre 2018, un individu a répandu du
pétrole et tenté de mettre le feu à une
rame de métro à Stockholm. Il en a été
empêché par des passagers, arrêté, et
condamné à quatre ans de prison. Mais on
n'en a pas vu trace dans les médias, à
une exception près, et on n'a pas
communiqué son nom pour une bonne
raison: c'est un nom musulman. En même
temps, les crimes dits de haine sont
très abondamment commentés.
Et dans le cas d'un
juif, ça peut aller encore plus loin. Le
dr. Benjamin Goldstein (ah, ces
benjamins, vous savez...) avait envoyé
ad patres d'une seule main
environ 50 fidèles à la mosquée
d'Halil/Hébron, en Palestine, à la
veille de Pourim en 1994. Il avait aussi
causé des blessures à environ 150
fidèles de plus, à cette réserve près
que des soldats israéliens présents sur
les lieux lui auraient prêté main forte.
Ils avaient peut-être pensé que la
chasse était ouverte pour tous.
Ce Benajmin (dit
Baruch) Goldstein est considéré comme un
héros sanctifié par le martyre dans sa
communauté, celle des chauvinistes juifs
féroces de Hébron. Il vont sur sa tombe
et lui demandent d'intercéder pour eux
après du Tout-puissant. Les jeunes
filles s'adressent à lui pour trouver un
prétendant. On allume des bougies
constamment renouvelées à sa mémoire. Un
livre a été publié en son honneur, et
son nom est fréquemment mentionné par
les colons. Ils prétendent (sans la
moindre preuve ni base factuelle)
que ce carnage a sauvé les juifs d'un
massacre par des musulmans.
Tandis que les
vidéos des nationalistes blancs ont été
retirées des plateformes, Youtube ne
voit rien à redire à celle qui disculpe
et glorifie le massacreur juif. Le
premier ministre Netanyahou (encore un
Benjamin!) a décidé de faire rentrer
dans sa coalition gouvernementale le
parti des fans de Goldstein, Otzma
Yehudit, ce qui n'a en rien interféré
dans ses démarches triomphales en vue de
la conférence de l'AIPAC devant se tenir
le 24 mars, juste après Pourim.
Goldstein avait eu
des prédécesseurs. Le 26 juillet 1983,
un groupe terroriste juif s'en était
pris à un collège islamique avec des
grenades et des mitraillettes; trois
élèves avaient été tués et trente autres
blessés. Les assaillants furent
appréhendés par hasard, jugés et
rapidement pardonnés par le président
israélien après une grande campagne
publique: plus de 70% des juifs
israéliens avaient demandé leur grâce.
A l'approche de
Pourim, l'activité autour de la tombe de
Goldstein atteint des sommets. Un
mystique pourrait penser que le tonton
flingueur néo-zélandais était passé à
l'acte dans le cadre de l'effervescence
que suscite la fête de Pourim. En même
temps, on évite toujours de mentionner
le nom du Benjamin tueur juif dans les
médias occidentaux, et les officiels
juifs américains, tout en exprimant leur
horreur (justifiée) et leur indignation
à l'égard des tueurs de Christchurch, ne
font jamais allusion à leurs
coreligionnaires qui ont précédé et
inspiré Brenton Tarrant. Certains vont
jusqu'à affirmer que rien de semblabe au
carnage de Christchurch n'avait jamais
eu lieu.
Or donc, les
nationalistes blancs ne sont pas des
exceptions. Ce qui est peu banal, dans
le cas de Tarrant, c'est que la
composante haineuse était faible, dans
son crime; c'était essentiellement un
crime de gamer. Apparemment, on éprouve
des envies, à partir des jeux vidéo, de
faire pleuvoir les balles sur "la
vermine". Si vous êtes amateur de jeux
vidéo, vous voyez ce que je veux dire.
Une sorte de FPS (ces jeux à qui tirera
le premier First Person Shooter Games)
où vous remplacez un zombie par votre
ennemi préféré.
Et maintenant,
passons à l'étape suivante, considérons
les gens bien réels comme des zombies.
aucun besoin de haine pour cela, et
Tarrant ne haïssait pas ses victimes,
d'après ce qu'il avait écrit. Il avait
même écrit sur les grands amis qu'il
s'était faits en Turquie.
La frontière entre
le jeu vidéo et la réalité est devenue
floue, avec les techniques de guerre
modernes. La vidéo
Collateral Murder, première
révélation sensationnelle de Julian
Assange et Wikileaks, nous donne le FPS
d'un pilote américain qui tue des
innocents et des gens sans armes dans
les rues de Bagdad. Les filles soldates
israéliennes actionnent un système de
tuage par télécommande, par-desus les
barbelés de Gaza. Cela s'appelle le
système
Spot and Shoot. Elles font
exactement ce qu'a fait Tarrant, c'est
leur boulot de tous les jours. De même
pour les opérateurs de drones, rivés à
leurs fauteuils, qui tuent de très loin
des enfants: pour rendre la chose plus
facile, ils appellent leurs victimes des
"terroristes rigolos" ("Fun size
terrorists").
Les jeux vidéo qui
vous entraînent à tirer sans ressentir
de haine sont un substitut de ce genre
de tueries. J'ai participé à des
guerres, j'ai vu et j'ai éprouvé ces
choses-là en vrai. Pas besoin de haïr
pour tuer l'ennemi. Si vous savez qui
est votre ennemi, vous pouvez le
descendre sans haine, et c'est ce que
font la plupart des soldats la plupart
du temps.
Pas de quoi être
horrifié. Il nous faut reconnaître
l'agressivité comme un élément
nécessaire, dans notre mental. Ce n'est
ni bien ni mal, c'est ce que nous
sommes, selon l'expression favorite de
Mrs. Pelosi. Nous avons un sens inné de
la chasse et de la guerre, et c'est ce
qui pousse un petit garçon à faire "pan!
pan!" avant même de savoir parler.
Nous sommes câblés.
Les gens aiment en flinguer de'autres;
s'ils n'ont pas le droit de le faire
dans la vraie vie, il le font dans les
jeux. Mais ils rêvent de le faire pour
de vrai, de se battre, de tuer, et
peut-être d'y rester. Cette pulsion,
comme d'autres tendances destructrices,
se voit normalement canalisée, voire
sublimée. L'instinct de chasse et de
guerre d'un garçon se voit transformé en
actions héroïques, en défense de son
foyer ou de sa patrie, ou en exploits
herculéens. Sans cela, nous en serions
encore à partager des bananes dans la
jugle africaine.
Seulement voilà,
nous vivons dans une société féminisée
où les exploits sont hors la loi. Ce ne
sont pas seulement les vêtements et les
toilettes qui sont devenus unisexes,
mais aussi l'endoctrinement. La
propagande sur la fluidité de genre vise
à éradiquer la masculinité à la racine.
Un jeune homme de la classe ouvrière a
très peu d'options dans sa vie. Il peut
tout au plus trouver un job temporaire
mal payé et sans assurance pour le
lendemain. Et il peut déverser son
indignation et tout ce qui le démange
dans une salle de jeux vidéo ou dans des
fight clubs. Ou bien consommer encore
plus de drogues et d'alcool.
Les jeux, et les
jeux de guerre en particulier, sont très
populaires parce qu'ils servent à
satisfaire des besoins de base, tout
comme la pornographie. Ils sont
tellement populaires que le gamer
suédois mentionné par Tarrant a 90
millions de followers: infiniment plus
que ne peut rêver d'en toucher un
journaliste pour un article. Il y a donc
beaucoup d'hommes frustrés et
insatisfaits. Les jeux suffiront-ils à
évacuer ces tensions exacerbées et
refoulées? Peut-être; le porno a
certainement pesé sur les
relations sexuelles, au point que bien
des hommes sont moins intéressés par la
pratique en situation réelle.
Ce n'est pas dans
l'intérêt de l'humanité, tout ça. Pour
le genre humain, il vaut mieux que les
hommes soient intéressés par les femmes
et fassent preuve de bravoure au service
de l'humanité pour gagner l'amour de
celles-ci. Mais pour les gens qui se
considèrent comme nos maîtres, il y a
d'autres priorités. Ils veulent avoir
des troupeaux calmes, de vaches et de
boeufs, car les taureaux sont des
fauteurs de troubles. Cette comparaison
est cependant biaisée, parce que nous
les humains ne sommes pas des
herbivores, nous sommes plus rebelles,
plus intelligents, et nous avons de la
suite dans les idées.
Pour étouffer notre
esprit d'insoumission, nos aspirants à
la domination inventent des pièges et
des dérivatifs frelatés.
Greta Thunberg et ses
rassemblements contre le réchauffement
climatique fournissent ainsi des
exutoires bidon pour la révolte. Les
Gilets jaunes en France eux sont en
train de fomenter une rébellion réelle,
et c'est la raison pour laquelle les
médias les diabolisent.
Notre société
devrait être réorganisée de façon à ce
que les hommes jeunes puissent réaliser
des exploits bien réels. Ils veulent
sauver le monde, et tout ce qu'on leur
offre, c'est des hamburgers à faire
sauter ou des manettes pour jouer.
Ce désir de sauver
le monde est évident, dans le Manifeste
de Tarrant. il décrit le monde dans
lequel avec d'autres jeunes travailleurs
ils se retrouvent écartés, et même si la
solution qu'il propose (le terrorisme)
n'est pas la bonne, le problème, lui,
est bien réel. Il voit les gens se faire
remplacer par les immigrants, et il
cherche quoi faire avec. Le remplacement
est bien réel, mais les coupables ne
sont pas les immigrants qu'on lui
substitue à son poste. Ce sont les gens
qui organisent le remplacement, qui
bombardent les pays musulmans de façon à
rendre la vie impossible aux habitants
du Moyen Orient et de l'Afrique du nord,
régions jadis propères, ceux qui amènent
les réfugiés en Europe (et dans
l'extrême Europe que sont l'Australie et
la Nouvelle-Zélande), ceux qui vous
endocctrinent sur le thème de la
xénophobie au lieu de dénoncer le moteur
que constitue la rapacité.
De fait, Tarrant en
est bien conscient. Il avait écrit dans
son Manifeste:
"Le plus gros
facteur pour l'importation de non
Européens en Europe est cet appel d'air
et cette volonté d'acquérir de la force
de travail bon marché. Rien n'attire
plus l'invasion et rien n'est plus
urgent à bloquer que cette rapacité qui
exige des travailleurs bon marché... Au
final, la rapacité humaine et le besoin
d'augmenter leurs marges de profit chez
les tenants du capital, c'est ce qu'il
faut combattre et briser."
Il a parfaitement
raison sur ce coup-là. L'avarice du
capital, toujours avide, devrait être
réduite à néant afin de sauver
l'humanité, mais tuer des musulmans
n'est certes pas le bon moyen pour y
parvenir.
On peut très bien
comprendre que Tarrant se fasse du souci
à propos de la faible natalité des
Européens, mais cela pour une seule
raison: il considère incontournable la
demande de main d'œuvre bon marché, et
la course au chiffre d'affaires. Or cela
ne constitue nullement des nécessités
devant absolument être satisfaites. Si
la rapacité est fermement contrôlée et
vaincue, et que l'immigration est
bloquée, la population peut décliner
doucement jusqu'à ce qu'un nouvel
équilibre durable soit trouvé. Pendant
un certain temps, la population va
vieillir, c'est vrai; mais c'est là un
effet temporaire. Nous ne sommes pas
condamnés à avoir une population en
croissance constante, ni des profits et
des chiffres d'affaires toujours en
augmentation, ni des actions toujours à
la hausse, ni une expansion sans fin.
Tout cela peut être modifié.
Et nous devrions
nous y atteler, parce qu'autrement, nos
supposés "maîtres" vont organiser une
effusion de sang géante, une nouvelle
grande guerre afin de faire de millions
de jeunes gens subissant des privations
autant de Tarrant à leur service, comme
ils l'ont fait en 1914 et en 1930.
L'humanité va
devoir tordre le cou à l'avarice et
mettre en chantier un avenir meilleur,
sans quoi elle se retournera contre
elle-même: elle est là, la principale
leçon à tirer du massacre de
Christchurch.
Joindre Israel
Shamir :
adam@israelshamir.net
Source:
The Unz Review
Traduction:
Maria Poumier.
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