Opinion
Vladimir Ilitch Trump ?
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Jeudi 18 mai 2017
Que dieu bénisse Donald Trump pour
s’être débarrassé de James Comey!
Quelques jours avant ce pas décisif,
Justin Raimondo avait qualifié James
Comey d’homme « le plus puissant de
l’Amérique ». C’est Comey qui poussait
les US à une guerre innécessaire avec
une Russie réticente. Répondant à une
question de Lindsey Graham, belliciste
notoire, il avait dit que les Russes
constituent « la plus grande menace pour
n’importe quelle nation, étant données
leurs intentions et leurs capacités. »
Ce qui déborde quelque peu de l’agenda
du FBI, certes. Il revendiquait le droit
de décider de la politique étrangère des
US, et de décider qui sont les médias
légitimes, les MSM (main stream), par
opposition à Wikileaks. Il avait vu trop
grand, et il a pris une déculottée.
En saquant Comey, Trump a franchi une
première étape pour regagner le terrain
perdu. Nous l’avions vu reculer
précédemment : il avait viré Bannon,
bombardé la Syrie, promu sa bêtasse de
fille et son coquin de mari, les hissant
presque à un statut présidentiel. Les
résultats étaient bien tristes. Il se
retrouvait traité comme un canard
boiteux, pas seulement une cible à
abattre. Le comportement de Comey était
particulièrement insultant. Si la
politique extérieure doit être décidée
par le FBI et le New York Times,
nul besoin d’avoir un président.
J’applaudirais
encore si Trump lâchait quelques drones
tueurs, dans le style Obama, pour en
finir avec John McCain et Lindsey
Graham. J’imagine le spectacle
géant : au-dessus d’un superbe gâteau au
chocolat, regarder les drones foncer
droit sur ces deux salopards. Mais
Trump n’est peut-être pas de cette
trempe-là, il n’a qu’à inventer un moyen
moins spectaculaire pour se débarrasser
des traîtres.
L’initiative
suivante, consistant à inviter M.
Serguëi Lavrov à la Maison Blanche,
était tout à fait justifiée aussi et
utile, singulièrement dans le contexte
du cri de ralliement de Comey : Sus à la
Russie menace universelle ! De sages
cerveaux ont cru bon de suggérer qu’il
avait choisi un mauvais moment pour ce
faire, et qu’il risquait de prendre des
coups. Elle est bien bonne ! Il se
serait fait attaquer de toute façon, tôt
ou tard. En faisant ce qu’il a fait au
moment où il l’a fait, Trump a prouvé
qu’il en était capable, c'est tout.
Malgré l’incroyable diabolisation de la
Russie, malgré la stupide accusation
d’être à la botte de Poutine, il a
rencontré le Premier Ministre russe. Un
geste viril, oui, « il en a », et a tout
lieu d’en être fier.
Les va-t-en-guerre
ont riposté avec l’accusation ridicule
« il livre des secrets stratégiques à
Lavrov. »
Ridicule, mais qui
en dit long: l’idée est d’installer un
réflexe conditionné chez les politiques
et les hommes d’Etat, le genre de choses
que faisait Pavlov avec les chiens. Ses
chiens commençaient à saliver en
entendant la cloche habituellement
associée avec le repas, ou bien
prenaient la fuite au son qu’ils avaient
associé avec une raclée. Un politicien
bien conditionné devrait changer de
trottoir chaque fois qu’un diplomate
russe est en vue, ce qui mettrait fin au
danger de paix.
Jusqu’à maintenant,
les schémas pavloviens les plus épurés,
c’était le lobby israélien qui les
produisait. Les juifs sont excellents
pour vous conditionner. Tellement de
journalistes et de politiques ont été
formatés pour jurer allégeance au dogme
juif. Au moindre haussement de sourcils,
ils rampent à quatre pattes et clament
leur amour pour Israël et/ou les juifs.
Feu Joe Sobran, spirituel journaliste de
Washington, les comparait aux vaches qui
broutent dans un pré entouré d’une
clôture légèrement électrifiée. Si elles
essaient de s’en approcher, elles
reçoivent une petite décharge très
désagréable. Il n’en faut pas plus pour
que la majorité du troupeau reste
prudemment à sa place.
Et quand un
politicien est formaté, on peut le mener
partout où cela convient au berger. De
fait, le premier à avoir murmuré que
Trump « passait des secrets » à Lavrov,
c’est Alan Dershowitz, le sioniste
adorateur de la torture, qui a su former
tellement de politiciens à l’amour
d’Israël ou de ses avatars.
C’est pour cela que
je préfère les hommes politiques qui
prouvent qu’ils n’ont pas été
effarouchés ou conditionnés par les
juifs. Telle la merveilleuse Cynthia
McKinney, qui a perdu son poste de
députée sur la colline du Capitole, mais
ne s’est pas rendue. C’est ce que
j’appellerais le premier test pour un
homme politique. Si les juifs peuvent
vous faire plier, ils le feront.
J’ajouterai, pour vous réconforter : il
n’est pas nécessaire de combattre les
juifs, il suffit de ne leur faire aucune
concession, vous obtiendrez qu’ils
fassent ce que vous voulez. C’est
pratiquement la même chose que lorsqu’on
promène un gros chien. Laissez-le
choisir son chemin une fois, et c’est
lui va vous tirer sur des kilomètres;
tenez-lui la laisse courte, et il
obéira.
J’ai vu cette
qualité chez le président Trump,
justement. Il a rejeté l’appel juif à
s’excuser pour l’étoile à six branches
collée à l’image d’Hillary, il a envoyé
promener ceux qui insistaient pour qu’il
mentionne l’Holocauste, et même quand il
l’a fait, il n’a pas même mentionné les
juifs, ce qui les a consternés. Après il
a filé doux pour un temps, bombardé la
Syrie et fait quelques bruitages
pro-israéliens, il a envoyé son Ivanka
en faire plus selon la routine
pro-juive, et on l’a cru en déroute. Et
puis il a invité Lavrov, espérons que
cette fois-ci il va garder les rênes
bien en main.
Je suis quelque peu
embarrassé d’encenser le président US
pour des gestes aussi minimes comme de
renvoyer un directeur du FBI ou de
rencontrer le ministre des
Affaires étrangères d’un Etat important.
La prochaine fois, il va falloir que je
chante ses louanges pour avoir croqué
une pomme ou s’être lavé les mains (“ah,
le bon garçon!”). Mais c’est qu’on sent
bien qu’il a besoin de nos
encouragements pour faire quelque chose
de bien. En tant que père de trois
garçons, je le sais : les garçons ont
besoin d’être encouragés. Et s’il n’y a
pas de grands exploits à fêter, qu’ils
se lavent les mains avant de passer à
table, c’est déjà ça.
Ce qui attend
Trump, c’est une tâche herculéenne :
dérouter le navire de guerre America
pour éviter la collision alors que tous
les gens importants se trouvant à des
postes importants veulent absolument
mettre les gaz et foncer tout droit. Ils
s’imaginent que l’autre, en face, se
déviera le premier ; mais le « vaisseau
ennemi » est un phare signalant un
écueil. C’est le rocher de l’île-monde
et de son cœur battant. Pourquoi est-ce
que tellement d’Américains, de
Britanniques et d’Européens voudraient
tenter le diable en allant au-devant de
la guerre et de ses désastres ?
Il y a cent ans
exactement, Vladimir Ilitch Lénine avait
découvert que le système auquel nous
avons affaire produit nécessairement des
guerres mondiales. Ce n’est pas une
question de gentillesse ou de
méchanceté, un affrontement entre des
méchants et des gentils, c’est le
système qui veut ça. Il l’a expliqué
dans un ouvrage concis,
L’impérialisme, stade suprême du
capitalisme [de 1916, publié en
1917] mettant radicalement Marx à jour.
L’idée c’est que le capitalisme évolue
depuis la production dynamique et
compétitive vers la mainmise du capital
financier, alors que le capital
financier mène inévitablement aux
guerres. Si ce sont les financiers qui
commandent, la guerre est inévitable,
disait-il, parce qu’ils sont
insatiables.
Industriels,
bâtisseurs, fermiers peuvent s’arrêter
aux limites de leur territoire, et le
souhaiter, tandis que les financiers en
veulent toujours plus, parce qu’il n’y a
pas de limite naturelle à leur
expansion. Ils veulent coloniser encore
plus de pays, soumettre plus de nations
et pomper leur substance. La seule façon
de sauver le monde des horreurs de la
guerre (souvenez-vous que Lénine
écrivait après Verdun et la bataille
d’Ypres), c’est de se débarrasser de la
domination par le capital financier
(exactement la conclusion à laquelle
était arrivé Jésus quand Il avait chassé
les marchands du Temple).
La même année,
Lénine réalisait sa grande expérience
pour délivrer la Russie, son pays,des
banquiers et autres exploiteurs, ce qui
le vouait à subir leur haine éternelle
(et des tonnes d’histoires mensongères
sur sa cruauté sanguinaire, en
supplément). L’histoire a démontré qu’il
avait partiellement raison : les pays
qui ont suivi la voie ouverte par Lénine
n’ont jamais déclenché de guerre, n’ont
jamais colonisé d’autres pays, mais ont
prêté main-forte à d’autres qui
voulaient chasser les sangsues et
l’interférence occidentale. La Russie
soviétique est un exemple : c’est un
pays donateur pour tous les autres Etats
socialistes, de la Géorgie à
l’Afghanistan. Peut-être que les
communistes étaient trop bons pour ce
monde. Après la décommunisation de la
Russie, les revenus de la Russie ont
grimpé, tandis que ceux de presque tous
les Etats ex-soviétiques dégringolaient,
s’ils n’étaient pas soutenus par
l’Europe. Et ils n’ont pas connu de
guerre.
De l’autre côté,
les Etats qui sont restés sous la férule
des banquiers sont entrés en guerre de
plus en plus fréquemment. Ils ont
colonisé ou ont été colonisés.
Probablement aucun plus que les US, la
patrie de la Réserve Fédérale, du dollar
et de tant de grandes sociétés
financières.
Pour l’Amérique, la
prochaine guerre mondiale est
inévitable, à moins que les Américains
se débarrassent de leurs financiers, et
de leurs domestiques dans les médias et
autres institutions d’Etat. Ma sympathie
pour le président Trump se base sur son
antipathie envers les hommes d’argent. A
partir du moment où il a attaqué la
Réserve Fédérale et Wall Street, j’ai
été conquis, et vous aussi peut-être.
Seulement je ne
suis pas un vrai marxiste. Je
m’explique. Les marxistes considèrent
les capitalistes de la finance comme une
sorte d’exploiteurs progressistes.
« Progressiste » n’est pas synonyme de
meilleur ; c’est juste plus avancé,
comme lorsqu’on parle d’une maladie à un
stade avancé. Les marxistes classiques
croient que le bonheur de l’humanité
arrivera après la victoire totale du
capitalisme financier progressiste.
Lénine, lui, arrivait à la conclusion
qu’il n’y avait pas de raison d’attendre
leur victoire : les ouvriers peuvent
tout faire en mieux. Tout dépend de ceux
qui décident de s’y mettre, et comment,
pour combattre le capital financier.
Le capitalisme
financier a deux sortes d’ennemis : les
progressistes et les réactionnaires ;
les progressistes sont ceux qui veulent
aller plus loin, éliminer le règne de
l’argent, instaurer une joyeuse
fraternité entre tous les hommes, le
travail libéré, le développement humain,
dans un monde sans maîtres et sans
esclaves. Ces gens sont les
travailleurs, et ils sont heureux de
travailler à condition de ne pas être
escroqués. Ils ne veulent ni exploiter
ni être exploités. Julius Evola et
Guénon, les penseurs phare de la droite
extrême détestaient la modernité et
croyaient qu’on pouvait revenir en
arrière. Ils souhaitaient le retour du
féodalisme ou de formations encore plus
anciennes.
Nous ne réalisons
pas complètement que le capitalisme
industriel des années 1950, avec ses
capitaines d’industrie et les gens qui
ont fait l’économie réelle, celui des
magnats du pétrole et des grands
bâtisseurs, appartient aussi désormais
au passé. Ils sont encore riches et
puissants, mais les ducs et les rois
aussi, et ils ont été battus aussi par
des hommes d’argent très élégants.
Les marxistes
croient que les progressistes vont
gagner, tandis que les réactionnaires
sont condamnés à la défaite. Lénine
n’était pas un marxiste classique, parce
qu’il croyait au grand potentiel des
« réactionnaires », autrement dit des
paysans. Il ne pensait pas que les gens
doivent attendre que les banquiers
mettent le grappin sur le monde entier.
Il y a des raccourcis possibles, et les
exploiteurs, on peut et on doit les
battre.
Pour ma part,
toujours optimiste et d’un caractère
sujet à l’espérance, je ne suis pas même
un vrai léniniste, dans la mesure où
j’ai de la sympathie pour tous les
ennemis des banquiers, révolutionnaires
ou réactionnaires, d’extrême gauche ou
d’extrême droite, qu’ils soient
ouvriers, fermiers, aristos ou
fondamentalistes religieux, gens à
l’esprit libre, magnats du pétrole ou
promoteurs immobiliers comme Trump. Je
ne peux pas exclure la possibilité que
Trump lui-même réussisse là où la gauche
a échoué : réussisse à détruire la
Réserve Fédérale, à tenir les banquiers
en laisse, à donner aux Américains du
travail productif, à les conduire vers
la prospérité universelle et à les
sauver d’une guerre horrible. L’idée du
déterminisme historique est une idée
fausse qui renie notre liberté de
vouloir.
Trump comme vous
peut voir que le monde peut être
amélioré si les énormes ressources
drainées vers la guerre sont redirigées
vers la paix. Justement maintenant, la
Chine vient de tenir une conférence
internationale pour la Route de la Soie
(OBOR) avec la participation active de
la Russie, de la Chine, de la Turquie.
Ils ont en tête un grand projet
d’infrastructures qui permettra à de
nombreux pays de se développer à côté
les uns des autres. Les US n’y ont
aucunement pris part, tandis que les
Allemands objectaient que les Chinois
ne leur avaient pas permis d’acheter des
firmes chinoises « comme eux le font en
Allemagne ». Les Chinois ont bien
raison ; il n’y a aucune raison de
vendre ses propres firmes qui
produisent. Qu’elles produisent dans
l’intérêt de la nation. Cela devrait
constituer une solution recevable pour
Trump.
Dans bien des pays,
les gens sont en train de chercher une
issue à l’impasse actuelle. C’est ce que
fait Jeremy Corbyn, le dirigeant des
travaillistes anglais. Son problème est
semblable à celui de Trump. Dans son
parti, même si les organisations de base
soutiennent Corbyn, les chefs ont été
mis en place et promus par Tony
Blair. Deux fois, Corbyn a su déjouer
leurs tentatives de putsch. Et pourtant,
les médias, surtout le Guardian,
journal du parti dirigeant
travailliste-libéral, veulent sa peau.
Chaque jour, ils publient des oraisons
funèbres pour la politique de Corbyn, en
espérant, par quelque œuvre de magie
noire, causer sa démission. Ils viennent
de pré-publier un Manifeste travailliste
de Corbyn révélant ce qu’il projette de
faire après la victoire. Ils pensaient
que cette publication serait le coup de
grâce, et c’est tout le contraire qui
s’est produit : les gens sont tout à
fait favorables à son plan de dépenser
des milliards pour revenir sur les
privatisations de Thatcher et Blair. Le
peuple anglais retrouverait son NHS
(Service national de santé) qui était le
meilleur au monde. Ils reprendraient en
main leurs chemins de fer qui se
détériorent, parce que les propriétaires
privés écrèment les bénéfices et
demandent aux contribuables de payer les
charges.
Au demeurant, ces
plans coûteront toujours moins cher que
l’alternative conservatrice, parce que
Corbyn veut éliminer l’arsenal nucléaire
britannique et en finir avec l’argent
jeté par les fenêtres pour l’armement,
alors que les conservateurs veulent en
dépenser encore plus en nouvelles armes.
Mon petit doigt me dit que s’il gagne
contre toute attente, les Russes seront
accusés d’interférence en sa faveur. Ces
accusations ne font pas mouche avec les
candidats, mais encore moins avec les
Russes, qui sont fiers d’être considérés
comme aussi puissants.
Gardant à l’esprit
que les travaux de Lénine ne sont pas
populaires aujourd’hui, et comme son nom
a été outrageusement sali, je vous
recommande un nouveau livre qui vient de
sortir en Russie, une biographie
gigantesque rédigée par Lev Danilkine.
C’est très bien écrit, ce n’est pas trop
révérenciel, mais respectueux, et c’est
écrit pour les lecteurs modernes, avec
une radiographie de la vie de Lénine
depuis son enfance sur les bords de la
Volga et ses errances dans les villes
d’Europe, jusqu’à sa mort à Moscou. Ce
n’est pas encore traduit, mais je suis
sûr que ce livre aura un grand
retentissement dès que ce sera fait.
Joindre Israel
Shamir :
adam@israelshamir.net
Traduction :
Maria Poumier
Original publié
par The
Unz Review.
Le sommaire d'Israël Shamir
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|