Opinion
Les Russes n'en reviennent pas
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Jeudi 12 avril 2018
Les Russes sont
sidérés. Le président Trump est
tellement hors de lui, après l’affaire
Stormy Daniels, qu’il en est à préférer
une bonne vieille guerre à une
humiliation supplémentaire. Et ceci
arrange parfaitement tant ses amis que
ses ennemis (ce qui ne veut pas dire
ceux qui ont voté pour lui). Il a le
choix, il doit faire un geste viril mais
difficile, qui requiert tout son
courage, oui, mais lequel ? Doit il
mettre en péril le confortable niveau de
vie de son pays et braver les missiles
russes, ou risquer de déplaire aux
élites et chasser le procureur Mueller ?
Il est bien tenté par la facilité. Et
voilà comment il a été manipulé et
entraîné en eaux profondes par une
puissante coalition de Britanniques et
de juifs, les mêmes qui nous ont
gratifiés des deux dernières guerres
mondiales. Sa tentative pour
revenir à la raison et refiler à
d’autres la patate chaude de
la Syrie (« Je souhaite de toutes mes
forces le retrait de nos forces de
Syrie », avait-il touité) a été
repoussée par l’indomptable Mr
Netanyahou. Ne t’avise surtout pas d’y
penser sérieusement, a dit le grand
homme de Tel Aviv à Donny dans une
conversation tendue au téléphone. Ne
quitte pas la Syrie, il faut encore que
tu fasses la peau aux Russes et aux
Iraniens. Et n’oublie pas les gosses
syriens, s’est permis d’ajouter celui
qui patauge dans le sang de 2000
Palestiniens abattus sous ses ordres la
semaine dernière. Le Pentagone et les
agences de renseignement US prennent
directement leurs ordres à Tel Aviv, ou
via l’AIPAC ; ils sont déjà en train de
se préparer pour un long séjour en
Syrie, en dépit des déclarations de
Donny.
Les juifs ont piqué
une crise quand il ont vu que Trump
avait l’intention de lâcher la Syrie.
Les scribouillards du Washington Post
et du New York Times ont condamné
ce pas en avant comme faisant le jeu de
la Russie. « Catherine Rampell, qui
écrit dans le WaPo et fait ses
commentaires sur CNN, a proféré :
‘Poutine doit être aux anges’, avec les
instructions de Trump pour commencer à
organiser le retrait de la région.
Passons sur le fait qu’il serait bizarre
pour un président de baser toute
sa politique étrangère sur ce qui
pourrait ennuyer la Russie ; mais
pourquoi Rampell ne se demande-t-elle
pas combien cela serait merveilleux pour
les soldats américains de retrouver
enfin leurs familles, ou bien de se
demander comment les ressources que le
pays a gaspillées au-delà des mers vont
pouvoir être mises à profit maintenant
sur le front intérieur » a fait
remarquer un journaliste. C’était le
signal pour la descente de Mueller dans
le bureau de Cohen. Il faut bousculer le
vieux fou, s’il ne veut pas y aller de
son plein gré, ont-ils décidé.
L’Amérique avec
son arrière fond puritain est le seul
pays où les mœurs sexuelles sont assez
strictes pour suffire à déclencher une
guerre. Clinton est parti en guerre
contre la Yougoslavie à cause d’un
commérage, tandis que Trump va détruire
le monde pour une seule nuit piégée.
Une attaque contre
la Syrie va entraîner une réponse russe.
A tout le moins, ce sera une
conflagration locale, une joute, un test
de forces et de volontés. Qui sait
comment cela finira. Cela avait été
reporté en 2013, quand l’armada US
s’était massée sur les plages syriennes
pour venger une autre attaque chimique
supposée. J’ai écrit sur cette rencontre
fatale, peut-être avec trop d’optimisme,
un article intitulé
Notre Cap de Bonne espérance.
« C'était un
moment aussi risqué que lors de la crise
des missiles à Cuba en 1962. Il y avait
de fortes chances de déclencher la
guerre totale, dans la mesure où les
volontés d'acier de l'Amérique et de
l'Eurasie s'étaient mesurées en
Méditerranée orientale. [...] Le point
de tension culminant, en ce mois de
septembre 2013, ce fut la vision, sous
le soleil de midi, des cinq destroyers
US face aux rivages du Levant, pointant
leurs Tomahawks sur Damas, et, leur
faisant face, la flotte russe composée
de onze navires avec en tête le Moskva,
croiseur tueur chargé de missiles,
renforcés par des bateaux de guerre
chinois. Apparemment, deux missiles
avaient bel et bien été lancés vers la
côte syrienne, et tous deux avaient
échoué à atteindre leur cible. […] Après
cet étrange incident, la pétarade n'a
pas commencé, parce que le président
Obama a gardé son sang-froid et rengainé
son colt. Cela fut précédé par un vote
inattendu au parlement britannique. Ce
corps vénérable déclina l'honneur de se
joindre à l'attaque proposée par les US.
Pour la première fois depuis deux cents
ans, le parlement britannique a alors
refusé une offre bien réelle de prendre
l'initiative d'une guerre; d'habitude,
ils ne résistent pas à la tentation. […]
Cette mésaventure a réglé leur compte à
l'hégémonie, à la suprématie et à
l'exceptionnalisme américains. Fini, le
"destin manifeste" des USA ».
Comme nous le
voyons maintenant, l’heure fatale avait
juste été retardée de cinq ans, et
l’horloge s’est remise en marche. Le
premier ministre Theresa May a décidé
qu’elle n’avait aucun besoin de
l’approbation du Parlement. Le président
Trump a décidé qu’il n’avait aucun
besoin de l’approbation du Congrès. Ces
obstacles ont donc été écartés.
Et maintenant
revenons à ces deux missiles de 2013.
Ils avaient été envoyés par les
Israéliens, qu’ils aient cherché à
déclencher la foudre militaire ou
seulement à observer les nuages, comme
ils le prétendent. Les missiles
n’avaient jamais atteint leur
destination, abattus par le système de
défense russe mer-air à partir d’un
navire, ou peut-être rendus
inutilisables par les pirates de GPS
russes.
Faisons un bond
jusqu’en 2018. Dans la nuit du 10 avril,
peu après minuit, l’espace aérien syrien
T 4 étaient attaqués par huit missiles
air-terre ; cinq en furent abattus par
la défense syrienne, trois (ou deux)
atteignant leur but et tuant quelques
membres du personnel. Pendant un moment,
on crut qu’il s’agissait de l’agression
américaine décisive, mais bientôt, « la
Russie a balancé Israël », comme l’a
rapporté Haaretz. Israël a tenté
de dissimuler, prétendant d’abord qu’ils
avaient prévenu Poutine et obtenu son
assentiment. Quand le porte-parole de
Poutine eut démenti la chose, ils dirent
qu’ils avaient agi à la demande des US.
Mais le plus probable c’est qu’ils ont
tout fait pour activer la confrontation.
Maintenant, avec
l’US Navy sur place, avec le soutien de
la France et de l’Angleterre, le compte
à rebours vers la confrontation a
apparemment commencé. Les Russes se
préparent résolument à la bataille, soit
locale soit globale, et ils s’attendent
à ouvrir le feu à tout bout de champ.
La route pour ce
moment de vérité, c’est l’affaire
Skripal qui l’a ouverte, l’expulsion des
diplomates et la bataille syrienne pour
la Ghouta orientale, avec une pantomime
collatérale de taille, servie par les
manigances israéliennes.
L’expulsion des
diplomates a sidéré les Russes. Pendant
des jours ils se sont gratté la tête :
Qu’est-ce qu’ils attendent de nous ? Où
est la ligne rouge véritable ? Trop
d’évènements qui n’avaient aucun sens,
pris séparément. Pourquoi
l’administration chassait-elle soixante
diplomates russes ? Est-ce qu’ils
veulent couper les relations
diplomatiques, ou est-ce le premier pas
pour bouter la Russie hors du Conseil de
sécurité, ou pour en finir avec son
droit de veto ? Cela signifie-t-il que
les US renoncent à toute diplomatie ?
(La réponse : « c’est la guerre » ne
leur venait pas encore à l’esprit).
Les Russes ahuris
ont répondu correctement. Ils ont
également expulsé soixante diplomates,
et de façon douloureuse : tous les
diplomates engagés au département
politique de l’ambassade à Moscou
étaient sur la liste des persona non
grata. Le département politique se
composait de trois sections, politique
étrangère, politique intérieure russe et
analyse militaire ; le centre le plus
important pour la collecte des données,
les liaisons avec des hommes politiques
russes, et les conséquences militaires,
pour la Syrie et pour l’Ukraine, la
Corée du Nord et la Chine, des officiers
du renseignement chevronnés, de première
classe, et des hommes de terrain : tous
dehors, y compris leur officier
politique Christopher Robinson (POL).
Les Russes ont chassé Maria Olson,
porte-parole bien connue de l’ambassade,
et l’interprète de l’ambassade. Ils ont
fermé le consulat de la « seconde
capitale russe » St Pétersbourg,
important centre pour mettre en
relation, influencer, et interagir avec
l’opposition. Les US ont donc perdu
nombre de leurs agents à Moscou, des
gens qui connaissaient la Russie et qui
avaient développé des relations
personnelles avec des Russes importants.
Cela prendra longtemps et coûtera bien
des efforts au Département d’Etat et aux
agences de renseignement, pour retrouver
les positions perdues. Les Britanniques
qui avaient été les premiers à décréter
des expulsions ont perdu aussi environ
cinquante membres de leur ambassade à
Moscou.
Curieusement, la
déportation massive de tant de
diplomates russes n’a eu que peu d’effet
sur le peuple russe, parce que cette
frappe avait été neutralisée par un
autre évènement douloureux, l’explosion
de l’hypermarché de Kemerovo qui avait
tué soixante-quatre spectateurs au
cinéma, dont plus de quarante enfants.
L’incendie, même s’il n’était pas
d’origine criminelle (cela n’a pas
encore été prouvé) avait déclenché une
avalanche de fausses rumeurs sur
internet, déversée à flots sur les
Russes. Un million d’Ukrainiens
sous-alimentés ont été déployés au
titre de la guerre psychologique
occidentale sur le web pour dire aux
Russes que des centaines de leurs
enfants avaient été brûlés vifs, et que
leurs autorités leur mentaient. Cette
opération a révélé le degré d’influence
et d’intégration des différentes agences
d’espionnage agissant en Russie pour le
compte de l’Occident.
Kemerovo était un
emplacement bien choisi pour
l’opération: c’est la seule région
ethniquement russe à être dirigée par un
héros local à l’ancienne, un homme qui a
survécu à tout, et la seule région qui a
fait preuve, de façon indécente (et
irréaliste) d’un fort soutien à Poutine
lors des dernières élections, une région
minière en récession, avec un fort
potentiel de troubles.
Poutine a bien géré
la situation en venant sur les lieux en
personne et en mettant la main à la
pâte. Il avait appris le rôle depuis
2000, lorsque, à l’aube de son premier
mandat présidentiel, le sous-marin
Koursk avait coulé avec armes et
bagages. Poutine était resté à l’écart
des familles des marins, et avait agi
avec petitesse, disaient les gens. « Il
a coulé » répondait Poutine à la
question « Qu’est-il arrivé au Koursk »
(on dit que le Memphis USS avait tiré un
torpédo sur le sous-marin, ce qui avait
causé la catastrophe, mais que le
nouveau président avait renâclé à
aggraver les relations avec
l’administration Clinton). Cette
fois-ci, en 2018, il a été très bon,
plein d’empathie et débordant de
considération, dégageant de la force et
de la capacité décisionnaire.
Quelle que soit
l’agence américaine qui a dirigé
l’opération psychologique autour de
Kemerovo, c’était un franc succès, mais
un succès qui a saboté une autre
opération, celle de l’expulsion des
diplomates russes. Les Russes n’ont pas
été suffisamment attentifs à ce qui se
passait. La raison alléguée pour
l’expulsion, l’empoisonnement de Sergueï
Skripal et de sa fille, n’avait aucun
sens. Même si le vieil espion avait été
descendu par ses employeurs de jadis,
une telle réaction serait parfaitement
excessive. Ce n’était pas un Napoléon
(empoisonné deux cents ans plus tôt par
les Anglais) ni un prince du sang, ni un
grand inventeur, ni un champion de
l’espionnage. Juste un ex-espion à la
retraite, au rencart. Et de toutes
façons il n’en est même pas mort, il a
juste été malade quelque temps.
Peut-être qu’il avait mangé quelque
chose au bistrot qui ne passait pas
bien. C’est l’opinion de sa nièce,
Victoria, la seule personne en vie à
avoir été en contact avec les Skripal
depuis leur hospitalisation supposée.
L’affaire est
tellement obscure qu’elle dépasse tous
les Rashomon imaginables. Des
journalistes russes sont allés traîner
autour de Salisbury et ils ont remarqué
un certain nombre d’incongruités. Il
n’est pas sûr du tout que les Skripal
aient été empoisonnés, et on ne sait
pas où ils se trouvent. Leurs animaux de
compagnie ont survécu au poison mortel,
et il a fallu les éliminer. Et voici un
petit chef d’œuvre d’humour noir russe
qui a circulé sur tout le net.
Skripal avait été
empoisonné par un poison extrêmement
puissant, dont deux grammes suffiraient
à tuer la moitié d’un pays
instantanément. Les Russes
- l’ont empoisonné
au restaurant
- Non, sur le banc
- Mais non, dans la
voiture
- Pas du tout, la
poignée de la porte montrait des traces
de poison.
- Que nenni, c’est
sa mallette qui a été empoisonnée.
- Vous n’y êtes
pas, tout dans la maison a été
empoisonné
- Oh, et les
flocons de blé noir ont été empoisonnés
aussi.
- Mais ils ne sont
pas morts instantanément, ils ont traîné
dans le coin pendant quatre heures,
- sauf que le
policier qui les a trouvés a failli
mourir sur place,
- Heureusement le
poison a été instantanément identifié,
- un antidote leur
a été administré aussiôt, les Skripal et
le policier ont été sauvés ;
- d’ailleurs le
policier a été muté le lendemain !
- Mais ils étaient
dans le coma, et ne vont jamais s’en
remettre !
- Et puis non,
finalement la fille s’est vite
remise !
- Et le papa est
ressuscité, quel miracle !
- Comme tous les
deux se récupèrent rapidement, votre
super poison très dangereux n’est bon à
rien.
- N’empêche que le
restaurant a été encerclé par des
policiers en tenue de cosmonautes.
- Le parc a été
encerclé par des policiers en tenue de
cosmonautes.
- Leur maison a été
encerclée par des policiers en tenue de
cosmonautes
- qui portent des
tenues de cosmonautes parce que le
poison est mortellement dangereux, mais
juste à côté d’eux il y a des policiers
sans protection….
- En fait, le banc
a été cassé et emporté au loin : le
poison est si terrible que le banc a
gardé son empreinte toxique pendant deux
semaines ;
- Mais le chat a
survécu dans la maison empoisonnée … le
policier avait touché Skripal et il a
failli en mourir, et le chat a survécu….
Et les cochons d’Inde auraient survécu
aussi, mais tout le monde les avait
oubliés, et ils sont morts de faim dans
la maison :
- Et leurs restes
ont été immédiatement brûlés, parce
qu’ils étaient empoisonnée par le plus
terrible des poisons ;
- Oui, pendant deux
semaines ils ont été empoisonnés par le
plus terrible des poisons, et ils ont
survécu, et maintenant il a fallu les
faire brûler de toute urgence ;
- Seuls les cochons
d’Inde étaient morts, mais le chat a
survécu à tout ce poison. Il était
stressé et affamé, c’est pourquoi ils
l’ont euthanasié et cramé, pour être
sûrs que personne ne découvrirait le
secret etc etc.;
Le véritable héros
de la saga des Skripal est
l’ex-ambassadeur britannique Craig
Murray, qui a suivi le déroulement de la
chose pas à pas et qui a dévoilé nombre
de mensonges et une vaste inconsistance
dans les faits. Lisez donc ses articles
et touits pour creuser tous les détails
ubuesques.
Julia Skripal a
fait preuve d’audace : elle a téléphoné
à sa cousine Victoria depuis Moscou.
Leur conversation est un document
étonnant. Julia dit qu’elle et son père
sont en bonne santé ; elle doute que
Viktoria puisse être autorisée à la
recevoir. Certes, le gouvernement
britannique a refusé de lui délivrer un
visa. Elle a l’impression que Julia est
retenue prisonnière.
J’ai discuté avec
un officier du contre-espionnage russe à
la retraite, qui est familier de ces
choses. Il m’a dit que la Russie n’avait
jamais eu de substance toxique du nom de
Novichok : c’est une appellation qui a
été donnée par le contre-espionnage à la
substance A-232 de façon à pouvoir
tracer les fuites. Et ça a marché : un
individu appelé Vil Mirzavanov,
administrateur dans les laboratoires
chimiques, est la personne qui a répandu
l’histoire du Novichok, et en
conséquence, il a été arrêté. Le A-232
avait été produit en petites quantités
dans les années 1990, et il se peut
qu’une partie en ait été volée et vendue
pendant ces années horribles, quand un
authentique colonel du renseignement
russe devait bosser au noir comme
chauffeur de taxi pour compléter son
misérable salaire mensuel de 46 dollars.
Pendant ces années, le poison a fort
bien pu devenir accessible, et dans un
cas, ce sont des criminels qui en ont
fait usage.
Théoriquement, il
n’est pas impossible qu’une partie de ce
poison ait été mise à l’abri et stockée
par certains criminels ; ou bien encore,
qu’il se soit trouvé à la portée des
Américains qui avaient démantelé les
laboratoires en 1992. En tout cas, nous
n’avons aucune preuve indépendante que
les Skripal aient été empoisonnés le
moins du monde. S’ils survivent, si les
services de renseignement anglais et
américains ne les liquident pas,
peut-être que nous en saurons plus. Nous
pouvons définitivement exclure la
possibilité que des agents de l’Etat
russes se soient rendus en Grande
Bretagne afin d’empoisonner un vieil
espion qui avait été pardonné par le
président russe il y a des années. Même
s’il avait joué un rôle actif pour
produire le dossier Trump (« Pluie
d’Or ») de Christopher Steele, les
Russes n’auraient aucune raison
impérieuse pour le faire disparaître, et
surtout d’une façon aussi bizarre. « Si
nous avions voulu le tuer, il serait
resté sur le carreau », a conclu mon
interlocuteur.
Les détails de
l’affaire Skripal sont très
divertissants, mais ne sont pas
nécessaires pour comprendre la
situation. C’est une histoire utilisée
pour installer dans nos esprits la
connexion entre empoisonnement chimique
et Russie. Ce n’est pas juste, parce que
les Russes ont détruit tous leurs
poisons chimiques sous les yeux des
inspecteurs de l’Organisation pour
l’interdiction des armes chimiques
(OPCW), mais la vie est souvent injuste.
Ce lien entre
Russie et empoisonnement chimique avait
été imposé en prévision de l’évènement
qui a suivi. La Ghouta orientale était
une enclave importante et bien fortifiée
par les rebelles syriens. Se trouvant à
portée du centre de Damas, elle laissait
aux rebelles une chance de s’emparer du
pouvoir dans la capitale syrienne. Comme
l’armée syrienne avec l’appui russe et
iranien avançait dans la Ghouta
orientale, ils ont eu vent des projets
rebelles de monter une attaque sous faux
drapeau à l’arme chimique, comme ils
l’avaient déjà fait plusieurs fois dans
le passé. Le président Poutine avait mis
en garde contre une telle éventualité
lors de sa conférence de presse
conjointe avec les présidents Erdogan et
Rouhani, à Ankara, la semaine dernière,
quelques jours avant l’attaque supposée.
Cette attaque n’a
jamais eu lieu, mais elle a été dûment
colportée par les medias occidentaux. Si
bien que le jeu est arrivé à son terme.
L’affaire Skripal avait établi le lien
entre la Russie et les armes chimiques,
la Ghouta orientale a permis de se
servir de ce lien pour lancer une
attaque contre la Russie.
Nous ne devrions
pas surestimer l’importance de ces
évènements purement médiatiques. Les
pouvoirs occidentaux dirigeants et leurs
médias ont refusé de prendre en
considération des explications
différentes, ont refusé d’ouvrir une
enquête, ils visaient la jugulaire. La
Russie a été diabolisée en 2018, comme
l’Allemagne l’avait été en 1940. Cela
relevait d’un travail de longue haleine,
précautionneux. Jetez donc un coup d’œil
au site
theday.co.uk –qui est destiné
aux enfants des écoles et à leurs
professeurs. Vous allez être surpris de
découvrir que la haine de la Russie et
de Poutine y est injectée dans les cœurs
et les cerveaux de la nouvelle
génération. Un projet de si longue
haleine ne peut pas dépendre d’un fait
divers comme l’empoisonnement d’un
ex-espion ou même de la chute d’une
forteresse souterraine en Syrie.
Autre chose : les
planificateurs d’une guerre contre la
Russie ont utilisé la peur de
l’antisémitisme pour leurs objectifs.
J’ai qualifié cette méthode de maniement
de
l’antisémitisme comme arme. Jeremy
Corbyn, le dirigeant travailliste a été
bloqué et contenu par des accusations
d’antisémitisme. C’était le seul
dirigeant capable d’arrêter la Grande
Bretagne sur la pente de la guerre avec
la Russie. D’autres dirigeants
travaillistes et militants ont été
attaqués sur le mode de l’antisémitisme,
et -quelle coïncidence- presque
tous étaient contre la diabolisation de
la Russie ; tandis que les amis
d’israël, conservateurs ou
travaillistes, étaient vicieusement
anti-russes.
Il s’agit d’une
corrélation sur laquelle je reviendrai
une autre fois, mais qui n’a rien
d‘évident. La Russie ne connaît pas
l’antisémitisme ; le président russe est
amical avec Israël et avec le puissant
mouvement Loubavitch. La Russie ne
connaît pas de nationalisme blanc, et
n’a guère d’extrême droite alternative.
Et pourtant, cette corrélation existe.
Allons-nous l’expliquer par la haine
juive de l’Eglise orthodoxe, parce que
cette église (active en Russie, en
Grèce, en Palestine et en Syrie) n’a pas
été juifisée ? Ou allons-nous préférer
une explication plus simple : c’est
parce que les juifs sont bien intégrés
aux élites occidentales, qu’ils
promeuvent et soutiennent les buts de
ces élites ?
En tout cas, les
gens qui peuvent affronter des
accusations d’antisémitisme sont les
plus solides ennemis du pouvoir en
place ; ils sont contre la guerre avec
la Russie, et contre l’attaque de
la Syrie", comme l’explique le quotidien
Haaretz dans un article intitulé
« Les suprématistes blancs défendent
Assad et préviennent Trump : ne laissez
pas Israël vous forcer la main pour
entrer en guerre contre la Syrie.
L’article continue : « l’extrême droite
qualifie l’attaque chimique dans la
banlieue de Damas d’action menée sous
faux-drapeau, et prétend que c’est un
effort de la part d’Israël et des
mondialistes pour garder des troupes US
au Moyen Orient ». Il cite David Duke et
d’autres pestiférés en tant que seules
personnes à rejeter le récit israélien.
Je ne suis certes
pas un suprématiste blanc (je serais
probablement disqualifié), mais
j’applaudis ces hommes courageux quand
ils disent et font ce qu’il faut. La
sensibilité à l’accusation
d’antisémitisme relève d’une grave
faiblesse de caractère, cela rend
vulnérable. Même si des gens comme
Corbyn ont le cœur bien accroché à sa
juste place, ils sont fragiles
là-dessus, et l’ennemi se sert de cette
faiblesse pour les neutraliser. Il y a
des gens à gauche qui n’ont peur
d’aucune accusation, mais il n’y en a
pas beaucoup qui résistent à la peur des
juifs, le metu judaeorum
[mentionné dans les Evangiles comme chez
Cicéron].
Gardons espoir et
prions pour que nous survivions au
cataclysme qui vient.
Israel Shamir
can be reached at adam@israelshamir.net
This article was
first published at The
Unz Review.
Traduction [et
ajouts entre crochets] : Maria Poumier
Le sommaire d'Israël Shamir
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