Analyse
La Syrie, le coronavirus et l'AIPAC
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Mercredi 4 mars 2020 La Guerre en
Syrie
Les Russes ont
tendance à estimer qu'il est indigne
d'eux de se battre avec les Turcs, et
ils préfèrent continuer à combattre à
Idlib en tant que force supplétive. La
question de la dignité a son importance:
traditionnellement, les Russes n'entrent
en guerre qu'avec les grandes
puissances. Les heurts militaires de
moindre niveau relèvent du commandant
local. Même la cruelle campagne d'hiver
de 1940 contre la Finlande avait été
conçue comme une décision du district de
Leningrad; les batailles contre les
Japonais en 1936 et en 1939 ont été
gérées par le district militaire de
l'Extrême-Orient, et non par la Russie
soviétique. La Turquie impériale
était un adversaire valable pour la
Russie, et les deux empires croisèrent
le sabre à douze reprises au moins. Mais
ce n'est plus le cas.
Lors de la crise
précédente, en 2015, après que la
Turquie eut abattu le Su-24 russe, les
Russes cessèrent d'acheter des tomates
turques, et les touristes russes furent
incités à éviter les stations turques;
des visas furent annulés, et les médias
fulminaient. Cela avait suffi pour faire
regretter leur décision hâtive aux
Turcs, parce que les Turcs ont besoin de
la Russie en tant que marché pour leurs
fruits et légumes, comme fournisseur de
touristes, et de chantiers pour leurs
promoteurs immobiliers. Lors du coup
d'Etat manigancé par l'Occident contre
Erdogan, la Russie soutint le dirigeant
turc assiégé; après quoi, les rapports
entre Russes et Turcs s'étaient bien
améliorés. La Turquie avait acheté le
système défensif de missiles S-400,
avait participé aux accords d'Astana
avec la Russie et l'Iran, construit la
plateforme pour acheminer le gaz russe,
et la Russie protégeait ses arrières
dans la confrontation avec les Kurdes.
Idlib a bien entamé
la bonne volonté des deux côtés, mais la
Russie ne veut pas être vue comme une
nation qui combat la Turquie. Selon le
livret russe, les Turcs combattent le
gouvernement syrien, tandis que la
Russie reste en dehors et au-dessus de
la mêlée. Les Russes observent
scrupuleusement le texte des accords de
Sotchi. Avant le déclenchement de
l'opération, la puissante frappe qui a
tué des douzaines (voire des centaines)
de soldats turcs, les Russes ont vérifié
avec le Quartier général turc s'il y
avait des Turcs dans la zone qui
allait être visée; c'est seulement après
que le Quartier général a répliqué (de
façon erronée) qu'il n'y en avait pas,
que la zone a été bombardée avec une
efficacité dévastatrice. "Ils sont morts
parce qu'ils avaient rejoint les forces
rebelles", ont répondu les Russes à la
plainte turque.
Bachar al Assad
veut maintenant récupérer Idlib, la
dernière province qui n'accepte pas
l'autorité de Damas. Les Syriens
considèrent que la guerre civile a trop
duré, et qu'il faut en finir. Les Russes
sont d'accord avec eux. A Sotchi, les
Russes et les Turcs se sont mis d'accord
pour laisser à Idlib un répit pour
régler ses affaires. Pendant cet
entracte, la Turquie était censée
discipliner les rebelles, mais elle n'y
est pas parvenue. Les rebelles ont
continué à livrer bataille et à
bombarder le gouvernement syrien et les
forces russes. Ils constituaient une
écharde dans leur chair pour les
Syriens, pour les chiites et pour les
Russes aussi.
Les Turcs avaient
un problème: que faire des djihadistes
d'Idlib? Ils hésitaient, ce qui est bien
compréhensible, à les accepter sur leur
propre territoire, et auraient préféré
qu'ils restent là où ils se trouvent.
Cela serait acceptable s'ils se voyaient
bien maîtrisés, mais ils ne voulaient
rien savoir, et ce n'était pas possible.
Il n'y a pas de solution facile à ce
problème. Les Russes et les Syriens
accepteraient probablement un délai
supplémentaire, si les deux grandes
routes M4 et M5 étaient sécurisées sous
le contrôle de forces de Damas. C'est le
compromis le plus probable qui pourra
être mis en place par Poutine et Erdogan
quand ils se rencontreront. Poutine ne
voulait pas rencontrer Erdogan du tout.
Il considérait que ces rencontres font
du conflit Syrien par forces interposées
une confrontation directe entre la
Turquie et la Russie et que cela n'est
pas compatible avec la dignité des
Russes. Seulement, Erdogan considère
pour sa part que traiter directement
avec Assad bafouerait sa propre dignité.
Damas était un vilayet, un simple
centre de la province syrienne sous
l'empire ottoman; et le sultan (comme
les gens appellent Erdogan, plus ou
moins sérieusement) ne saurait négocier
avec le pacha d'un vilayet. C'est
l'élévation du niveau de violence à
Idlib qui a forcé Poutine à accepter
l'idée d'une rencontre.
Poutine et Erdogan
ont besoin l'un de l'autre. Il n'y a pas
de remplaçant possible pour Erdogan.
Tous les autres hommes d'Etat qui
pourraient prendre sa place seraient
pires pour la Russie. Ils sont tous
pro-OTAN, pro-US ou hommes de
l'Amérique. Certains pourraient faire la
paix en Syrie, mais à un prix élevé sur
d'autres sujets, pour la Russie. Erdogan
aussi a besoin de Poutine; car c'est le
seul homme d'Etat d'envergure qui puisse
le soutenir envers et contre tout.
Poutine peut protéger l'économie turque
d'un effondrement. L'UE et les US aussi
pourraient aider l'économie turque,
certes, mais ils enverraient Erdogan en
prison.
Le bon sens et la
logique s'accordent donc pour dire que
Poutine et Erdogan doivent trouver un
modus vivendi. Erdogan pourrait se
concentrer sur le sujet le plus
important pour la Turquie en Syrie:
prévenir l'apparition d'un Kurdistan
indépendant sur la frontière turque.
Poutine pourrait lui fournir un peu
d'espace à Idlib, en laissant une
étroite bande de terre aux mains des
Turcs, à condition que les routes
principales restent ouvertes à Bachar al
Assad. Mais Poutine et Erdogan
n'agissent pas dans le vide, et il se
pourrait que d'autres urgences fassent
taire la logique et le bon sens. Les
forces chiites en Syrie et le
gouvernement de Damas tiennent à leur
victoire. Et les rebelles ne sont pas du
genre à céder non plus.
J'ai un faible pour
le dirigeant turc. Il n'est pas
universellement populaire, certes; bien
des Turcs le haïssent; l'économie turque
bat de l'aile; en fonçant sur la Libye,
il a abusé de ses ressources. Il reste
cependant un grand homme. S'il voulait
reprendre ses esprits et faire la paix
avec son voisin Bachar al Assad, ses
problèmes seraient réglés. Ce serait une
décision difficile, si l'on garde à
l'esprit les longues années de bagarre
et de ressentiment; mais les grands
dirigeants, ce sont ceux qui savent
trancher dans le vif.
Tel par exemple le
maréchal Mannerheim tombant dans les
bras de Staline en 1944. Il survécut, la
Finlande survécut et devint florissante
grâce à cette décision. Poutine avait
essayé de faire la paix avec les
présidents ukrainiens, et il a été un
ami pour Erdogan. Trump avait rencontré
Kim, et il a essayé de faire la paix
avec les Taliban. C'est un signe de
grandeur authentique.
Erdogan pourrait
probablement arriver à un accord
passable avec Poutine. Mais la vraie
solution se trouve sur le chemin de
Damas; l'amitié avec Assad est le
meilleur atout dont Erdogan pourrait
jouer. Soyez ami avec vos voisins, et
n'en redoutez aucun. Ramenez les
réfugiés chez eux, et vos concitoyens
vous aimeront à nouveau. Le danger d'un
Kurdistan syrien s'évanouira. Laissez
Assad se dépêtrer dans la question de la
réhabilitation des combattants
islamistes. La Turquie sera aimée de ses
voisins arabes, comme c'était le cas
avant les funestes printemps arabes.
Malheureusement,
les blessures causées par la
radicalistion de la jeunesse musulmane
dans les années 1980 mettront du temps à
cicatriser. Les services de
renseignement ont appris beaucoup, sur
l'énorme potentiel d'énergie, sur
l'activisme, sur la disposition au
sacrifice de ce groupe nombreux dans la
population, et ont décidé de le
chatouiller dans le sens der leurs
propres objectifs. Ils ont utilisé tout
cela contre la Russie en Afghanistan
dans les années 1980, et en Tchétchénie
dans les années 1990; contre le monde
arabe pendant ces vingt dernières
années. C'est un vrai problème, parce
que ces jeunes gens sont des idéalistes
naïfs qui ont été égarés pour servir des
desseins diaboliques, et ce n'est pas un
problème facile à résoudre.
Aucune raison de
paniquer, a dit Trump sur le Corona, et
il a raison. Le Corona c'est le virus
mental de la peur, mais guère plus. Nous
en avons une preuve en béton; le
paquebot Diamond Pincess a été
séquestré, et mis dans des conditions
idéales pour les virus, avec un unique
système de ventilation. Bien des gens
sont tombés malades, mais seules deux
personnes, de plus de quatre-vingt ans,
en sont mortes. Pas un enfant n'est
tombé malade. Apparemment, le virus ne
serait dangereux que pour les plus de
soixante ans? Il n'y avait aucune raison
de paniquer.
Je suis fier d'être
un négateur du virus, et c'est sympa
d'avoir le président Trump dans notre
camp de négationnistes. Nous savons
qu'il est moins dangereux que la grippe
habituelle, même si c'est plus
contagieux. Ignorez-le, et tout ira
bien. La panique est apparue pour deux
raisons; les incroyables mesures de
quarantaine prises par les Chinois, et
les médias qui ont foncé pour répandre
la peur à toute vapeur. La première de
ces rasions reste quelque peu obscure.
Nous ne savons pas ce qui a pris les
Chinois. Il peut y avoir plusieurs
explications, y compris des
raisonnements valant uniquement au plan
intérieur. Peut-être que certaines
personnes importantes de l'équipe
dirigeante ont voulu (ou veulent encore)
amener les Chinois obéissants à la
révolte, comme cela s'était passé en
Russie soviétique à l'époque de
Gorbatchev. Ou bien il s'agit d'un
exercice dans le domaine de la défense
civile. Ou bien le virus agit
spécifiquement sur une ethnie, ou bien
il y a encore autre chose. En tout cas,
en dehors de sa province d'origine, le
Hubei, le virus n'a pas pu se frayer un
chemin en Chine.
Il y a très peu de
victimes non chinoises, et la maladie se
répand en Iran, l'ennemi privilégié de
Trump, ce qui nous fait penser qu'il
pourrait s'agir d'une arme biologique
ciblée, malgré sa cruauté modérée.
Les médias en ont
trop fait; cela peut s'expliquer par les
mesures de quarantaine chinoises, ou par
le sensationnalisme qui est inhérent aux
médias. Autre hypothèse, ce pourrait
être un substitut de la Troisième Guerre
mondiale, en évènement conçu pour mettre
en place un cas de force majeure pour
des contrats impossibles à honorer Ce
pourrait être un outil entre les mains
des suspects habituels pour rogner les
libertés des citoyens, comme ce qui a
été implanté après le 11 septembre. Tôt
ou tard, nous les connaîtrons, ces
raisons. Quoiqu'il en soit, le danger
mortel n'est pas dans le virus.
Que de surprises,
avec ces primaires démocrates! La
victoire de Sanders lors des trois
premiers votes, un phénomène très rare.
Puis la victoire de Joe Biden en
Caroline du sud. Les Afroaméricains sont
des gens obéissants malgré leur
réputation de rebelles. Ils ont voté
pour Biden, le cambrioleur sénile de
l'Ukraine, comme leurs patrons leur ont
dit de le faire. C'est pour cela que la
Clinton et ses semblables les aiment
tellement. De vrais rebelles, comme
Martin Luther King ou Cynthia McKinney,
sont exceptionnels. La grande majorité
fait ce qu'on lui dit de faire.
Mais la plus grosse
surprise, c'et la décision de Bernie
Sanders de ne pas se rendre au
rassemblement de l'AIPAC. C'est un signe
de sagesse, pour un homme politique.
Cela signifie qu'il connaît le secret
que beaucoup de gens partagent, mais ne
formulent qu'à voix basse. Les
Américains en ont assez de ce qu'ils
voient comme une domination juive, et en
particulier de son angle saillant,
l'Israël. Ils ne l'admettront pour rien
au monde, mais il faut voir comme ils
ont les yeux qui brillent quand ils
entendent certaines choses. Donald Trump
a su toucher les cœurs américains quand
il a dit à l'AIPAC, "vous n'allez pas me
soutenir parce que je ne veux pas de
votre argent". Ils n'ont pas compris ce
qu'il voulait dire exactement, mais ils
ont pensé que cela partait d'un
sentiment noble. Sanders vient de
franchir une nouvelle étape, en refusant
de faire le moindre pas vers l'AIPAC. La
lucidité qui fait consensus consiste à
penser qu'il faut aller vers l'AIPAC
chapeau bas, si on veut gagner, en
politique US. Mais Bernie a raison; les
gens en ont assez des politiciens
ordinaires. Ils veulent quelque chose de
différent. L'establishment appelle ça du
"populisme". En faisant acte de négation
de l'AIPAC, Bernie a proclamé son agenda
populiste. Même s'il ne gagne pas, il a
fait un pas de géant pour libérer les
Américains des entraves juives.
Il y a une certaine
ironie dans le fait que le populiste
républicain, souvent accusé
d'antisémitisme, le président Donald
Trump, ait donné à l'Israël tout ce
qu'il voulait avoir; or voilà que le
sénateur démocrate populiste Bernie
Sanders, un juif de Brooklyn, va brandir
l'étendard de la rébellion contre
l'occupation israélienne. Les choses
peuvent encore changer, mais c'est une
leçon importante pour nous tous. Les
gens d'origine juive sont aussi
imprévisibles que tous les autres parmi
nous.
Les racistes niais
croient encore que les juifs sont des
espèces de bio-robots, qui se rangent
toujours dans un agenda juif. La réalité
est différente. Le libre arbitre est le
cadeau divin reçu par Adam, et nous en
jouissons tous, même si tant de gens y
renoncent pour des questions de
convenance personnelle. Les juifs ne
sont pas exceptionnels sous cet angle.
Etre juif, c'est aussi une question de
choix, comme d'être un autochtone
américain, comme le dit la sénatrice
Elizabeth Warren.
Des millions
d'Américains que s'identifient eux-mêmes
comme juifs ne sont pas considérés
"juifs" par les rabbins orthodoxes; et
ils le savent. S'ils s'accrochent encore
à une certaine judéité, c'est parce
qu'ils pensent que c'est une valeur
positive. A partir du moment où ils
s'apercevront que ce n'est pas le cas,
le nombre de juifs américains va
rapidement baisser. Seuls les juifs
orthodoxes resteront "juifs", une petite
minorité pas trop prospère, comme
les Amish.
Si cette fonte de
l'identité judéo-américaine se confirme,
la décision du sénateur Bernie Sanders
d'échapper aux tamtams de l'AIPAC sera
considéré comme un virage dans la bonne
direction.
Joindre l'auteur:
israelshamir@gmail.com
Traduction: Maria
Poumier
Source: https://www.unz.com/ishamir/syria-corona-aipac/
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