Tunisie
Assassinats
politiques:
Les autorités tunisiennes de nouveau
pointées du doigt
Imed Bahri
Vendredi 8 novembre 2013
De hauts responsables au ministère de
l'Intérieur sont de nouveau accusés
d'avoir caché à la justice des données
cruciales dans l'affaire d'assassinat de
Belaid et Brahmi.
Par
Imed Bahri
Au cours d'une conférence de presse,
jeudi, à la Maison de l'Avocat, à Tunis,
les membres de l'Instance pour la
recherche de la vérité sur les
assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed
Brahmi (IRVA) et le Comité de défense du
martyr Chokri Belaid (IRVA), notamment
les avocats Mokhtar Trifi et Nizar
Snoussi, ont accusé de hauts
responsables du ministère de l'Intérieur
d'avoir cherché à cacher certaines
données importantes à l'enquête
judiciaire relative aux meurtres des
dirigeants de l'opposition Chokri Belaid
(6 février) et Mohamed Brahmi (25
juillet).
Des preuves dissimulées
Pourquoi le rapport balistique,
réalisé aux Pays-Bas et reçu par les
services du ministère de l'Intérieur dès
le 29 mai, a-t-il été caché à la justice
jusqu'à fin septembre, alors que
plusieurs parties, notamment le juge
d'instruction en charge de l'enquête,
ont multiplié les requêtes à son sujet?,
se demande Me Trifi.
L'avocat pointe la responsabilité de
plusieurs cadres du ministère de
l'Intérieur dans cette tentative de
dissimulation des preuves à la justice,
notamment Wahid Toujani, directeur
général de la sûreté publique, Mourad
Sebaï, directeur de la police judiciaire
et président d'Interpol Tunisie, Taoufik
Sebaï, directeur de la police technique
et scientifique, Adnene Slama, chef
d'unité à la sous-direction des affaires
criminelles, Riadh Rekik, responsable à
la sous-direction des études et du suivi
rattachée au service de la coopération
sécuritaire avec Interpol Tunisie, Jamel
Slama, chef de la sous-direction des
laboratoires criminelles et
scientifiques, et Belgacem Bessaoudi,
chargé de l'expertise des armes et des
munitions au service des analyses et des
tests.
Me Mokhtar
Tlili
Me Trifi et Me Snoussi soulignent
également que l'arme ayant servi à
l'assassinat de Belaïd et de Brahmi est
un revolver de type Beretta. Cette arme
est largement utilisée par les forces de
sécurité tunisiennes. Ce qui laisse
planer un doute quant aux intentions des
hauts responsables sécuritaires qui ont
essayé de cacher à la justice le rapport
balistique de l'arme ayant servi aux
deux meurtres. Et si certains d'entre
eux avaient des choses à cacher ?
Les avocats soulèvent d'autres faits
pour le moins louches : la voiture de
marque Fiat Siena, qui a été vue les
1er, 4 et 5 février, dans les environs
de la maison de feu Belaïd – elle a même
été filmée par des caméras de
surveillance et les films remis à la
police judiciaire –, ainsi qu'une moto
et une personne utilisant un numéro GSM
de Tunisiana au même moment et à partir
du même lieu.
L'enquête a révélé que la voiture est
la propriété de Yasser Ben Mohamed
Mouelhi, un ami très proche de Mohamed
Ali Dammak, qui a conduit la voiture
Fiat Siena et passé plusieurs appels
téléphoniques, à partir d'un GSM
appartenant à son épouse Meriem Miladi,
les 1er, 4 et 5 février, du lieu même où
le 6 février, Chokri Belaïd allait être
tué.
Pire encore : cette voiture Ford
Siena (126 TU 8665), dont le rôle dans
l'attentat était connu et qui a été
repérée dès le 11 février, a pu être
utilisée dans ses déplacements par le
dénommé Ahmed Rouissi, le terroriste
impliqué dans l'assassinat de Belaïd,
jusqu'au 16 février, date à laquelle ce
dernier a passé un appel au propriétaire
du véhicule Yasser Mouelhi.
Des manquements en série
Toutes ces données sont connues de la
police et figurent dans des rapports
d'enquête, mais il a fallu attendre 10
jours (un temps perdu pour l'enquête et
qui a permis aux criminels de s'enfuir),
soit le 26 février, pour qu'un avis de
recherche concernant ce véhicule soit
émis par le juge d'instruction.
Face à ces manquements, les avocats
ont émis une hypothèse pour le moins
inquiétante : et si la police a évité
d'arrêter Ahmed Rouissi, qui utilisait
la voiture Fiat Siena jusqu'au 16
février, et d'enquêter sur les appels
qu'il a passés et reçus via le GSM n°
55.297.446 –qu'il utilisait jusqu'à sa
disparition à partir de cette date –,
afin de ne pas identifier les personnes
avec lesquelles il était alors en
contact et qui pourraient être les
commanditaires réels de l'assassinat!?
Les avocats ont soulevé plusieurs
autres manquements des enquêteurs, qui
ont souvent réagi avec un inexplicable
retard, évité de poser les bonnes
questions aux prévenus et d'établir des
liens entre certains faits et leurs
auteurs, ou passé sous silence des
éléments pourtant cruciaux à l'enquête,
laissant ainsi les dangereux individus
impliqués dans les assassinats (tels
Ahmed Rouissi et Kamel Kadhgadhi, le
tueur présumé) échapper à la justice.
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Publié le 8
novembre 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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