France-Irak
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Le mystère de la disparition de
l’ambassadeur iranien Ghazanfar
Roknabadi à La Mecque
Gilles Munier

Dimanche 8 novembre 2015
Par Gilles
Munier (en collaboration avec Hamed
Ghashghavi à Téhéran)
La bousculade
meurtrière de La Mecque, le 24 septembre
dernier, lors du rituel de la lapidation
du Diable à Mina, était-elle
accidentelle, ou a-t-elle été provoquée
pour enlever, interroger, et tuer
d’éminents diplomates iraniens et des
officiers supérieurs des Gardiens de
la révolution accomplissant le
pèlerinage ?
Un kidnapping
organisé par le Mossad ?
Le nombre
d'Iraniens morts ou « disparus »
ce jour-là est de 464, avec parmi
ces derniers Ghazanfar Roknabadi, ancien
ambassadeur au Liban. Il m’avait reçu en
septembre 2014 au ministère des Affaires
étrangères iranien, en compagnie de
participants à
la conférence «New Horizon».
Ghazanfar Roknabadi,
49 ans, en poste au Liban entre 2010 et
2014, était considéré par le GIP –
General Intelligence Presidency, le
service secret saoudien - et le
Mossad comme un des cerveaux de la
politique iranienne au Liban et en
Syrie, donc un ennemi à éliminer. En
novembre 2013, un double attentat
suicide contre l’ambassade d’Iran à
Beyrouth, revendiqué par les Brigades
Abudullah Azam, liées à Al-Qaïda,
l’avait raté de peu, mais fait une
vingtaine de morts et plus de 160
blessés. Majed al-Majed, le principal
suspect arrêté, aurait avoué être un
agent du GIP avant de mourir quelques
jours plus tard dans un hôpital
militaire.
Interpellé par les
autorités iraniennes sur ce qu’est
devenu l’ancien ambassadeur, le régime
saoudien a d’abord nié sa présence en
Arabie, puis déclaré que son nom n’était
pas sur la liste des pèlerins, qu’il
était sans doute entré sous un faux nom.
Non seulement
Ghazanfar Roknabadi était à La Mecque –
des photos le prouvent -, mais le
ministère iranien des Affaires
étrangères a publié la photocopie de son
passeport avec son visa d’entrée…
Présent lors de la bousculade, un des
membres de sa délégation a vu des
individus le transporter, vivant, dans
une ambulance partie ensuite vers une
destination inconnue.
Il va de soi qu’un
tel kidnapping n’a pu être improvisé à
la va-vite en profitant du chaos. De là
à penser qu’il a été enlevé par le GIP,
et livré au Mossad, il n’y a
qu’un pas facile à franchir… d’autant
qu’on sait que la sécurité du pèlerinage
est assurée par
Al-Majal G4S, filiale d’une société
brito-israélienne.
7 000 musulmans
morts à Mina ?
Pour couper court
aux rumeurs sur l’origine de la
bousculade et sur la « disparition »
de plusieurs officiels iraniens, il
suffisait qu’une commission d’enquête
indépendante visionne les
enregistrements des caméras de
surveillance situées le long du
parcours, mais le roi Salman les a fait
mettre sous scellés. Que veut-il cacher
?
Selon le quotidien
libanais pro-syrien al-Diyar, le
drame aurait été provoqué par la
fermeture brusque d’une des voies par
laquelle s’écoulait la foule, pour
laisser passer le convoi automobile du
prince Mohammad Ben Salman – escorté
par des véhicules militaires et de
police - se rendant à grande vitesse
à Mina.
Le ministre
saoudien de la Santé a d’abord accusé
des
« pèlerins africains indisciplinés »
d’être responsables du chaos et publié
un communiqué faisant état de
la mort de 4 173 pèlerins à Mina. Le
communiqué a vite été retiré du site du
ministère qui ne reconnait depuis un
mois et demi que... 769 tués.
Le chiffre de 2 000
victimes avancé alors par l’Iran
semblait exagéré, il
est aujourd’hui dépassé. L’ayatollah
Ali Khamenei, guide suprême de la
Révolution iranienne, parle maintenant
d’un bilan dépassant
7 000 musulmans morts à Mina, car on
ne connaît ni le nombre les pèlerins
inhumés dans des fosses communes, ni
celui des blessés graves séjournant dans
les hôpitaux du royaume. Trois mille
corps d’inconnus, entassés dans des
camions frigorifiques, ne sont pas
encore identifiés.
Après cette énième
tragédie à La Mecque, aux musulmans de
dire si la famille Saoud est toujours
digne de la garde des lieux saints de La
Mecque et de Médine, une charge
attribuée
à Ibn Saoud par les Britanniques.
Nombreux sont ceux qui pensent - à
commencer parmi les sunnites - que
profiter du hajj pour éliminer des
ennemis relève du sacrilège.
Interviewé le 11
novembre dernier par la chaîne de
télévision arabe Al-Mayadeen –
grande concurrente d’Al-Jazeera -,
Hossein Amir Abdollahian, vice-ministre
iranien des Affaires étrangères, a
affirmé que, selon ses informations,
Ghazanfar Roknabadi est toujours vivant.
Il a demandé à la Saoudie de «
renvoyer » l’ancien ambassadeur en
Iran… « vivant ».
Photo :
Ghazanfar Roknabadi
Entretien avec
Ghazanfar Roknabadi au ministère iranien
des Affaires étrangères (Téhéran,
septembre 2014)

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