Nucléaire : l’Iran droit dans ses bottes
face aux exigences occidentales
Gilles Munier
Samedi 11 juillet 2015
Lors des conférences
que j’ai données en Iran, début
juin, sur les origines de l’Etat
islamique, des questions m’ont été
posées pour savoir si je pensais que les
négociations sur le programme nucléaire
iranien aboutiraient à un accord, s’il
serait vraiment respecté par les
Etats-Unis, et pourquoi la France –
par la voix de Laurent Fabius, ministre
des Affaires étrangères – se
montrait tant d’arrogance.
J’ai répondu qu’accord ou pas accord,
l’objectif final des administrations
américaines était de renverser le régime
au pouvoir en Iran, et de partitionner
le pays. Dans cette perspective, un
accord n’était qu’une pause tactique –
toujours bonne à prendre –
permettant à Barack Obama d’achever son
mandat en beauté. Certes, la levée des
sanctions seraient une victoire pour
l’Iran, mais qu’il ne fallait pas en
attendre beaucoup économiquement
parlant, sinon on courrait à la
désillusion.
En Israël : plus de 200 têtes
nucléaires non déclarées
Prudent, Ali Khameneï – Guide
suprême de la révolution islamique
– a fixé une « ligne rouge»,
notamment en refusant que l'Agence
internationale de l'énergie atomique
(AIEA) - couverture utilisée
par la CIA, le Mossad et le MI6 pour
leurs noirs desseins, comme on l’a vu en
Irak du temps de Saddam Hussein -
inspectent les sites militaires
iraniens. Le général Massoud Jazayeri
- porte-parole de l'Etat-major des
forces armées - a précisé qu’aucune
visite
ne serait autorisée : « qu'elle
soit limitée et contrôlée (...)
et quelle que soit sa forme », une
précaution nécessaire car plusieurs
scientifiques iraniens, ciblés par le
Mossad, ont été assassiné par
le Kidon, son service action.
Bien que l’imam Ali Khameneï ait
déclaré que l’arme nucléaire est «
illicite » au regard de l’islam
(cf. la vidéo ci-dessous – sous-titrée
en français), les occidentaux et
Israël accusent l’Iran de chercher à
fabriquer une bombe atomique en secret.
Est-il besoin de rappeler, ici,
qu’Israël possède plus de 300 bombes
atomiques non déclarées à l’AIEA
-
selon l’ancien président Jimmy Carter
– et n’accepte pas d’inspection de sa
centrale nucléaire de Dimona. Mordechaï
Vanunu, ingénieur israélien d’origine
marocaine, qui a révélé l’étendue du
programme israélien … dès 1986.Il a
passé, pour cette raison, 18 ans en
prison, est interdit de sortie de l’Etat
dit hébreu et n’a toujours pas le droit
de s’entretenir avec des journalistes
étrangers. Aucun des pays membres du
groupe P5+1 (Etats-Unis, France,
Grande-Bretagne, Russie, Chine et
Allemagne) n’accepterait, non plus,
que des Iraniens visitent leurs
infrastructures de défense.
Iran, un avenir plein de
menaces
Les pourparlers actuels achoppent,
dit-on, sur la levée de l’embargo sur
les armes. En vérité, ce serait plutôt
sur la volonté des occidentaux de
maintenir disponible la structure
bureaucratique onusienne leur permettant
d’imposer plus tard de nouvelles
sanctions.
Début juin, la date-butoir était
fixée à la fin du mois. Depuis, elle a
été repoussée au 7 juillet dernier,
puis… aux calandres grecques. Résultat :
le Sénat américain aura 60 jours –
au lieu de 30 - pour étudier le
futur l’accord. Que se passera-t-il si
les Républicains et des Démocrates,
majoritaires, refusent de l’avaliser ?
Obama ne veut pas être humilié. C’est
sans doute la raison pour laquelle John
Kerry fait traîner les discussions et
donne, à mon avis, l’impression qu’il
veut les enterrer.
Que se passera-t-il aussi dans deux
ans si la politique proche-orientale du
prochain président Etats-Unis – ou
présidente – est de nouveau dictée
par les pétroliers, le complexe
militaro-industriel et l’AIPAC,
le puissant lobby pro-israélien ? Le
multimilliardaire juif
Sheldon Adelson a proposé aux
candidats en lice pour les primaires du
parti Républicain - à qui il fait
passer un examen de passage - de
soutenir à bourse déliée celui qui,
clairement, s’engagera à bombarder
l’Iran. Quant à Hillary Clinton, la
« démocrate » soutenue par le
milliardaire George Soros, elle
a déclaré début juillet dans le New
Hampshire qu’ « elle présidente »
mettrait les Gardiens de la
révolution iranienne sur la liste
des organisations terroristes, qu’elle
était prête à bombarder l’Iran «
sponsors en chef du terrorisme mondial
», voir
« d’oblitérer totalement » le
pays, s’il lançait une attaque contre
Israël. En d’autres termes: de l’effacer
de la carte… Cela promet !
Fabius dans le rôle du «
méchant flic »
Les Iraniens m’ont également demandé
comment j’expliquais la position de la
France et l’agressivité de Laurent
Fabius tant lors des pourparlers de
Vienne sur le nucléaire, qu’à l’égard de
la guerre civile en Syrie.
J’ai rappelé que la France -
surnommée par l’imam Khomeiny le « petit
Satan » - était à l’origine de
l’introduction du nucléaire au
Proche-Orient. Elle avait aidé Israël à
construire Dimona, proposé au Chah
d’Iran cinq centrales nucléaires et la
fourniture d’uranium enrichi et vendu à
Saddam Hussein le réacteur Osirak,
détruit par les Israéliens en 1981.
J’ai dit que le lobby pro-israélien
n’est pas seulement puissant aux
Etats-Unis ; que François Hollande et
Benyamin Netanyahou
entretiennent d’excellentes relations
: qu’en Syrie et à Vienne, la France
et les Etats-Unis s’étaient sans doute
partagé les rôles de « gentils »
et de « méchants », comme dans
les films hollywoodiens du genre «
Good Cop-Bad Cop ». Le scénario
était, selon moi, bien réglé, l’objectif
étant - à moyen ou long terme -
de renverser le régime au pouvoir en
Iran. C’est ce qui s’était passé en Irak
- où j’ai évoqué cette possibilité à
Tarek Aziz durant l’embargo -, mais
dans des rôles inverses. La France était
le « gentil » : elle a condamné
l’embargo et l’agression américaine
contre l’Irak, mais cela ne l’a pas
empêché ensuite de cautionner
l’occupation du pays par les Etats-Unis.
« Une semaine en Iran », à
suivre sur
France-Irak Actualité
: Questions posées en Iran
sur l’Etat islamique et sur la situation
en Irak - Entretiens et impressions de
voyage.
Photo : Conférence à
Téhéran devant des dignitaires religieux
Vidéo : L’imam Ali
Khamenei s’exprime sur le nucléaire
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