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Actualité
Attentat à Tel-Aviv :
L’Etat islamique et ses partisans
palestiniens
Gilles Munier
Nashat
Milhem, auteur présumé de l'attentat de
Tel-Aviv
Dimanche 3 janvier 2016
Le
calife Ibrahim – Abou Bakr al-Baghdadi
– a déclaré, dans son
enregistrement audio
du 26 décembre, que l’Etat islamique
(EI)
« n’a pas un instant oublié la
Palestine » et dit en s’adressant
aux Israéliens : « Vous ne
connaitrez pas la paix en Palestine ô
juifs, elle ne sera jamais votre terre
ni votre demeure. La Palestine ne sera
qu’un cimetière pour vous. Allah ne vous
y a rassemblés que pour que les
musulmans vous y tuent … ». Les
Israéliens ont pris aussitôt la menace
au sérieux. L’attentat du 1er janvier
2016, rue
Dizengoff à
Tel-Aviv semble porter la marque de l’EI.
Si c’est le cas, la thèse faisant
du Mossad le créateur de Daech
aura du plomb dans l’aile.
Certes, la libération de la Palestine
n’est pas
la priorité de l’Etat islamique,
mais est-ce encore celle des
organisations palestiniennes depuis
qu’elles ont déposé les armes pour
participer au « régime d’Oslo »
? Seuls le Hamas, le Djihad
islamique et le FPLP (Front
Populaire de libération de la Palestine)
militent encore pour la création d’une
Palestine indépendante, mais ce n’est
pas non plus la position de l’EI.
Son but étant d’effacer les frontières
tracées par les occidentaux, il n’est
pas question pour Abou Bakr al-Baghdadi
d’accepter une Palestine libérée
autrement que comme province de l’empire
qu’il veut créer.
L’exemple
des Compagnons du Prophète et de Salah
Eddine (Saladin)
Jusqu’à ces derniers temps, Abou Bakr
al-Baghdadi recommandait la «
patience » à ceux qui
l’interrogeaient sur l’absence
d’opérations lancées par l’Etat
islamique contre Israël. Il
justifiait la position de l’EI
en se référant au Coran, à certains
hadiths et aux faits et gestes des
Compagnons du Prophète, notamment ceux
des deux premiers califes : Abou Bakr
(632-634) et Omar
(634-644). Pour lui, la libération
de la Palestine passe d’abord par la
liquidation des « apostats »,
c’est-à-dire des musulmans qui n’ont pas
la même vision du monde que lui.
C’est ce qu’avait fait le calife Abou
Bakr en lançant la ridda –
guerre contre l’apostasie - pour
étouffer avec succès les révoltes
contestant son pouvoir et éliminer les
individus qui, comme Musaylima, se
faisaient passer pour de nouveaux
prophètes. L’institution califale ayant
été ainsi établie sur des bases solides
par Abou Bakr, le calife Omar - son
successeur – eut les mains libres
pour conquérir et islamiser – en
seulement dix ans - la Syrie, la
Perse et l’Egypte…
Autre exemple suivi par l’Etat
islamique: celui de Salah Eddine
– le Saladin des Croisés, un Kurde
sunnite arabisé – qui renversa la
dynastie « apostate » chiite
fatimide au pouvoir au Caire, ce qui lui
permit de reprendre Jérusalem aux
Croisés en 1187.
Les
organisations palestiniennes refusent de
prêter allégeance à l’EI
L’Etat islamique ne dénie
pas ax Hamas ni au Djihad
islamique le droit de combattre le
sionisme ; il est même disposé à les y
aider… mais à deux conditions, au moins
: que ce soit sous son drapeau et
qu’elles rompent leurs relations avec
les « apostats » que sont les
Frères musulmans et l’Iran
chiite.
Les deux organisations palestiniennes
ont évidemment refusé de prêter
allégeance au calife Ibrahim. Résultat :
le 30 juin 2015, dans une vidéo diffusée
par l’Etat islamique, de jeunes
gazaouis combattant en Syrie ont menacé
de « déraciner l’Etat des juifs »
et de s’en prendre au Fatah et
aux « tyrans du Hamas ». Puis,
à titre d’avertissement, le 19 juillet,
les véhicules de responsables du
Hamas et du Djihad islamique
ont explosé devant leur domicile. Enfin,
en septembre 2015,
une vidéo de djihadistes de l’EI
(Wilayat Dimashq- Province de Damas)
avait demandé « à tous le gens
sincères de la terre de Palestine »
d’être « patients » et de
combattre à leur côté.
24%
des Palestiniens favorables à l’Etat
islamique ?
Des militants palestiniens de l’Etat
islamique sont apparu la première
fois à visage découvert, à Gaza, lors
d’une manifestation organisée devant le
Centre culturel français, en
janvier 2015, pour protester contre la
caricature provocatrice du Prophète
Muhammad déclarant : « Tout est
pardonné » en couverture du numéro
de Charlie Hebdo paru après
l’attentat qui a décimé les membres de
sa rédaction.
Plusieurs groupuscules clandestins
gazaouis se réclamant de l’EI
ont ensuite fait parler d’eux, puis une
organisation appelée
Les partisans de l’Etat islamique à Al-Quds
a revendiqué des tirs au
mortier sur une base des Brigades
Al-Qassem, la branche armée du
Hamas. Ce groupe clandestin aurait
le soutien de Wilayat al-Sina –
Wilaya du Sinaï, ex Ansar
Beit al-Maqdis – qui multiplie les
attaques contre l’armée égyptienne et
qui a fait la Une de l’actualité, le 31
octobre dernier, en revendiquant le
crash d’un Airbus A321 de la
compagnie russe Metrojet, en
représailles aux bombardements ordonnés
par Vladimir Poutine en Syrie.
En 2014, un sondage effectué par l’Arab
Center for Research and Policy Studies
de Doha, au Qatar, en novembre 2015
affirmait que 24% des Palestiniens se
déclaraient favorables à l’Etat
islamique, un autre réalisé en
novembre 2015 par
l’Université de Haïfa assurait que
c’était aussi le cas de 17% des Arabes
israéliens.
D’après le Shin Beth (service de
sécurité intérieure israélien), une
quarantaine d’Arabes israéliens
combattrait dans les rangs de l’EI
en Syrie ou en Irak. En novembre 2015,
Benjamin Netanyahou a annoncé le
démantèlement d’une
cellule de l’Etat islamique
composée d’Arabes israéliens.
L’attentat de la rue Dizengoff à
Tel-Aviv et l’« Intifada des
couteaux » - qui aurait pour origine les
appels lancés par Abou Muhammad al-Adnani,
porte-parole de l’EI, enjoignant les
musulmans ne disposant pas d’armes
d’utiliser des pierres, des couteaux ou
leur automobile pour tuer les « apostats
», les « mécréants »et les Juifs -
signifient-ils que l’organisation
djihadiste a changé de stratégie ? Le
jour n’est peut-être pas loin où l’Etat
islamique annoncera la naissance
d’une nouvelle province appelée
Wilayat Palestine, compliquant un
peu plus l’imbroglio proche-oriental.
Photo : Nashat
Milhem, auteur présumé de l'attentat de
Tel-Aviv
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