L'actualité du
droit
Russie – Iran : Accord sur la
Syrie, et bien au-delà…
Gilles Devers
Photo:
D.R.
Mardi 24 novembre 2015
La diplomatie mondiale bouge, et
nous allons essayer de suivre ça de
près, en nous concentrant sur les faits,
qu’ils plaisent ou ne plaisent pas.
L’événement d’hier, c’était la rencontre
à Téhéran entre
Vladimir Poutine et l’ayatollah Ali
Khamenei, et le message est clair :
une démonstration d’unité, qui va bien
au-delà de la crise syrienne, pour des
pays qui sont alliés, et souvent
concurrents.
La Syrie…
Cette visite intervient à un
moment très particulier, c’est-à-dire
deux jours après
la résolution du Conseil de sécurité
qui écarte l’action militaire
internationale et invite les Etats à
agir militairement contre les groupes
terroristes en Irak et en Syrie, mais en
coopération avec les gouvernements. Une
résolution qui équivaut à une démission
de Fabius, et signe le renversement des
alliances de la France.
Sur la question syrienne, les
deux pays affichent leur unité, et ceux
qui souhaitaient une prise de distance
avec le régime syrien, pour répondre au
camp occidental qui commence à
relativiser le départ de Bachar El-Assad,
en sont pour leurs frais. En cela, la
rencontre n’est pas une révélation, mais
une confirmation, alors que les troupes
iraniennes sont présentes au sol à côté
de l’armée nationale syrienne, et que
l’Iran et la Russie coopère
militairement.
Pour Poutine, « personne
ne peut et ne doit imposer de
l’extérieur au peuple syrien des formes
quelconques de gouvernance de leur Etat
ou dire qui doit le diriger. Ce n’est
qu’au peuple syrien d’en décider ». Khamenei
répond en écho : « Bachar El-Assad est
le président légal et élu par le peuple
syrien, et les Etats-Unis n’ont pas le
droit d’ignorer ce vote et ce choix. De
plus, si les terroristes ne sont pas
anéantis, ils vont étendre leurs
activités destructrices en Asie centrale
et dans d’autres régions ».
Daech en Syrie n’est qu’une
partie du problème. Lors d’un rencontre
russo-iranienne, Il faut ajouter l’Irak,
le Yemen et le Caucase,... et mettre en
cause clairement les Saoudiens. Le
vice-ministre des Affaires étrangères,
Hossein Amir Abdollahian, principal
négociateur iranien à Vienne, était
dimanche à Montreux lors de la World
Policy Conference, pour dire : « L’Arabie
saoudite a utilisé des terroristes pour
renverser Bachar Al Assad, elle a donné
des moyens militaires en Libye et met la
pression sur le Yémen depuis sept
mois. »
Ces deux Etats se retrouvent
dans cette approche globale, et
ils feront tout pour assumer leur retour
au premier plan sur le Moyen-Orient.
Un accord très large
L’accord s’est également
exprimé
sur trois autres plans.
Le premier est celui du
transfert de systèmes de missiles S-300
à Téhéran, réglé par un décret daté
d’hier. L'ambassadeur d'Iran en Russie
Mehdi Sanaei a confirmé que « l'Iran et
la Russie ont signé un nouveau contrat
et la procédure de livraison des S-300 a
commencé ».
Le deuxième est la levée de
l'interdiction de vente et de livraison
de
matériel technologique lié au nucléaire,
notamment pour les sites nucléaires de
Fordo et d'Arak, en conformité avec la
résolution de l'ONU n° 2231, faisant
suite à l'accord nucléaire entre l'Iran
et les grandes puissances. Moscou
autorise également « l'exportation
depuis l'Iran d'uranium enrichi, d'un
volume supérieur à 300 kg, contre le
transfert vers l'Iran d'uranium
naturel ».
Le troisième est l’accord
trouvé lors du sommet du Forum des pays
exportateurs de gaz (FPEG, douze pays
membres) de Téhéran auquel, outre MM.
Poutine et ohani, assistent les
présidents du Venezuela, Nicolas Maduro,
de la Bolivie, Evo Morales et du
Nigeria, Muhammadu Buhari.
LL'Iran possède des réserves
considérables, évaluées à 33 trillions
de mètres cubes, et la levée des
sanctions internationales qui sera
effective en 2016, suite par l'accord
nucléaire de juillet, va permettre
d'augmenter sa production. Selon
l’accord qui se dessine, l’Iran
passerait du chiffre actuel de 173
milliards de mètres cubes de gaz par an,
essentiellement destinés à son marché
intérieur, à un objectif de 600
milliards,
bouleversant le marché des exportations.
Enfin, le ministre russe de
l'Économie
Alexeï Oulioukaïev, a déclaré
qu’après une année de récession due à la
baisse des prix du pétrole et aux
sanctions prononcées pour la situation
ukrainienne, l'économie russe avait
retrouvé une croissance de 0,6% en 2014.
Le message est donc celui d’une
union forte entre la Russie et l’Iran,
deux pays qui n’ont jamais eu des
relations faciles. Ces deux Etats, qui
ne peuvent prétendre à une mainmise sur
le Moyen-Orient, vont chercher à se
placer au cœur des solutions qui sont à
trouver, et la question syrienne n’est
qu’un élément d’un redéploiement qui va
prendre de l’ampleur. Les États-Unis et
les pays européens qui s’estimaient il y
a peu suffisamment puissants pour
sanctionner ces Etats qu’il fallait
mettre à la raison – car l’ordre
occidental avait vocation à tout dominer
– se retrouvent face à un défi :
considérer ces Etats comme des
puissances, reconnaitre ces peuples et
ces grandes civilisations comme des
alter ego, et reconstruire une
politique étrangère.
Le sommaire de Gilles Devers
Le dossier
Iran
Le
dossier Russie
Les dernières mises à jour
|