L'actualité du
droit
Enterrement de première classe
pour
la déchéance de nationalité
Gilles Devers
Vendredi 18 mars 2016
Le 16 novembre 2015, trois
jours après les attentats de Paris,
Hollande nous avait gratifié d’un
magnifique discours du Congrès
reposant sur cette somptueuse erreur
d’analyse : « La France est en
guerre ». Et parmi les mesures
annoncées pour faire face à cette
guerre, figurait comme morceau de choix
la constitutionnalisation d’une
proposition du FN, la déchéance de
nationalité. Un discours unanimement
applaudi, avec standing ovation, et
toute la smala des commentaires
habituels… mais qui était
un échec annoncé.
De fait, après maintes contorsions de
ce sinistre projet, le Sénat, ce 17 mai
2016, a adopté un texte en contradiction
parfaite avec celui obtenu de justesse à
l’Assemblée nationale,
barrant la route de la modification
de la Constitution, et dézinguant le
discours du 16 novembre 2015. Pas de
déchéance de nationalité dans la
Constitution : ça se fête !
On commence par le discours
d’Hollande : « Cette révision de
la Constitution doit s’accompagner
d’autres mesures. Il en va de la
déchéance de nationalité. La déchéance
de nationalité ne doit pas avoir pour
résultat de rendre quelqu’un apatride,
mais nous devons pouvoir déchoir de sa
nationalité française un individu
condamné pour une atteinte aux intérêts
fondamentaux de la Nation ou
un acte de terrorisme, même s’il est né
français, je dis bien « même s’il est né
français » dès lors qu’il bénéficie
d’une autre nationalité. »
En ligne de mire, les doubles
nationaux, rangés dans le camp des
possiblement terroristes... Problème !
Ont suivi les critiques fâchées de la
bonne gauche, et l’Assemblée nationale a
voté la déchéance pour tous les
Français, et tant pis s’il faut créer
des apatrides,… alors que l’interdiction
pour un État de créer des apatrides
relève du
droit international coutumier.
Le texte est allé au Sénat qui,
respectueux du droit international, a
refusé de créer des apatrides, et est
revenu à la proposition initiale
d’Hollande sur la déchéance de
nationalité limitée aux doubles
nationaux. S’ensuit
une grosse colère
d’El Blanco,… oubliant que ce qu’a
voté le silence de la proposition
initiale de Hollande… qui d’après les
sondages recueillait
90 % d’opinions favorables…
Tout ceci est désormais dépassé :
pour que la Constitution soit modifiée,
il faut réunir les deux tiers des
parlementaires, et c’est donc
définitivement planté.
Voici donc une belle victoire
politique donnée aux terroristes, qui
obtiennent le spectacle d’un président
ridiculisé, d’un parlement impuissant et
d’une opinion médusée. Ce dans un
pays « en guerre ».
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