L'actualité du
droit
Rohani et Hollande : Quel avenir ?
Gilles Devers
Jeudi 12 novembre 2015
La diplomatie, ce sont les
relations d’Etat à Etat, les sourires
sans la sympathie, et la diplomatie
compte surtout quand les Etats ne sont
pas d’accord entre eux. De ce point de
vue, la visite du président Hassan
Rohani à Paris, ce week-end, ce sera un
grand moment tant il existe entre les
points de vue français et iraniens des
désaccords majeurs, reposant sur des
conceptions fondamentalement différentes
du droit international.
Le président iranien, à
l'approche de cette visite, a donné une
interview à
Europe 1 et France 2, et sur deux
questions au cœur de la politique
étrangère française, il développe – sans
surprise – le point de vue iranien,
mais avec une assurance qui devient un
défi à Hollande.
D’abord, Israël
C’est le point de vue établi de
l’Iran, mais à trois jours d’une
réception officielle à l’Elysée,
ça pèse.
«Nous pensons que toutes les
personnes qui étaient d'origine
palestinienne et qui sont en errance à
l'étranger doivent pouvoir tous revenir
sur leurs terres. Il faut qu'il y ait
des élections publiques sous la
supervision des Nations unies et, quels
qu'en soient les résultats, nous les
accepterons ». Invité à préciser sa
pensée, M. Rohani a déclaré qu'il ne
parlait pas de deux États (un israélien
et un palestinien), mais « d'un seul ».
« Nous disons que tout le monde
doit se réunir pour voter sur l'ensemble
du territoire palestinien tel qu'il
était dans ses frontières d'avant 1948.
Nous disons que tous les juifs, tous les
musulmans, tous les chrétiens et toutes
les personnes qui sont originaires de la
Palestine et qui sont en errance doivent
pouvoir revenir en Palestine ».
Interrogé sur la légitimité
d’Israël, Rohani poursuit : « L'État
actuel d'Israël n'est pas légitime.
C'est pourquoi nous n'avons pas de
relations avec eux car nous ne
considérons pas cet État comme
légitime ».
Un chef d’Etat sera donc reçu à
l’Elysée, après cette déclaration, et la
réitérera manifestement si un
journaliste lui pose la question.
Ensuite, la Syrie
La politique française est bien
connue : la nécessité inconditionnelle
du départ de Bachar El-Assad.
Là encore, Rohani défend la
ligne de l'Iran, mais les termes choisis
s’adressent à Hollande :
« Je pense que nous devons
changer la manière de poser la question,
ce n'est pas une question de personnes
mais du peuple syrien, il est question
de stabilité et de sécurité. Certaines
personnes essaient de détourner le
débat, nous devons éradiquer le
terrorisme en Syrie ».
« Pensez-vous qu'on puisse
lutter contre le terrorisme sans un état
légitime à Damas? Quel pays peut lutter
contre le terrorisme sans un état fort ?
On n'a pas le droit de décider pour un
pays qui doit être candidat et qui ne
doit pas l'être, c'est au peuple syrien
de décider ».
Alors,
Hollande ?
Hollande,…et la classe
politique ? Car il y a en France un
large consensus sur ces questions. Et
bien hier, aucun écho ou presque, alors
que si un citoyen français se risquait à
tenir de tels propos sur Israël, ce
serait la correctionnelle.
Donc, on suivra à la loupe la
rencontre entre Rohani et Hollande. Bien
sûr, Hollande défendra ses choix
politiques, … et ses analyses
juridiques. Avec comme alliés-pivots
Israël et l’Arabie-saoudite, et
rejetant la Russie, la Turquie, l’Iran
et la Syrie.
Tout le problème est que les
rapports de force ont profondément
changé au Proche-Orient. Il ne reste
rien des discours ambitieux d’Obama, qui
désormais laisse filer. La Russie et
l’Iran tiennent la corde pour résoudre
la crise syrienne, et toute la région va
s’en trouver transformée. Alors un clash
avec l’Iran, pourquoi pas, mais quels
moyens se donne la France garder un
poids politique au Proche-Orient ?
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