L'actualité du
droit
Pour célébrer le 11 novembre,
la France commet des crimes de guerre en
Syrie
Gilles Devers
Mercredi 11 novembre 2015
La guerre de 14-18, c’est la
folie meurtrière des
Etats impérialistes qui voulaient
imposer la force de leurs armées en
dehors de leur territoire. Excellent
donc de prendre un jour pour réfléchir à
ce
criminel impérialisme…
alors que la France s’illustre en Syrie
par de telles pratiques : des actions
armées, en dehors de tout cadre légal.
Contre Daech, la France conduit
des
opérations militaires illégales,
c’est-à-dire qui sont une menace pour la
paix.
Hollande et le candidat aux
régionales en Bretagne ont annoncé
fièrement des
frappes françaises contre
Daech.
On approche même le
Charles-de-Gaulle…
Wahou ! Dans l’excellent Le Monde
(Occidental) du 18 septembre, le
candidat aux régionales en Bretagne
affirmait que «le cadre légal est
l’article 51 de la Charte des Nations
unies qui porte sur la légitime
défense». Or, ça ne tient pas une
minute.
Les
conditions posées par l’article 51 sont
très précises
Que dit cet article 51 de
la Charte ?
« Aucune disposition de la présente
Charte ne porte atteinte au droit
naturel de légitime défense,
individuelle ou collective, dans le cas
où un Membre des Nations Unies est
l'objet d'une agression armée, jusqu'à
ce que le Conseil de sécurité ait pris
les mesures nécessaires pour maintenir
la paix et la sécurité internationales.
Les mesures prises par des Membres dans
l'exercice de ce droit de légitime
défense sont immédiatement portées à la
connaissance du Conseil de sécurité et
n'affectent en rien le pouvoir et le
devoir qu'a le Conseil, en vertu de la
présente Charte, d'agir à tout moment de
la manière qu'il juge nécessaire pour
maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité internationales ».
Cet article l’objet d’une
pratique intense, son régime est
parfaitement connu.
Pour exerce ce droit, il y a trois
conditions principales, strictes et
cumulatives, car les risques d’abus sont
considérables. Pour l’Irak, Bush et
Blair y avaient finalement renoncé, pour
préférer de vaseuses références à des
résolutions du Conseil de sécurité.
Premier point.
L’Etat qui recourt à la légitime défense
doit avoir été préalablement l’objet
d’une «agression armée», notion définie
par la Résolution 3314 de l’Assemblée
générale de l’ONU, et qui doit donc
avoir « été perpétrée, directement ou
indirectement, par un Etat». Or, Les
attentats de janvier – Charlie et l’hypercascher »
ne peuvent être qualifiés d’agressions
armées au sens du droit international.
Deuxième point.
Est-ce Daech ? Le commandement
de Daech est évoqué, et on
n’attend pas des preuves parfaites. Mais
nous n’avons aucune revendication, et
pas encore de preuves tangibles de
consignes données par Daech…
Les cinglés qui veulent monter des
opérations de ce type sont légion… Avant
tout était Al Qaeda, et
maintenant tout est Daech. Sauf
qu’on n’en sait rien, et que ces groupes
fonctionnement comme des nébuleuses.
Troisième point.
A supposer que l’imputation de Daech
soit établie, à quel Etat l’imputer ?
Daech n’est pas un Etat. La
France envisage-t-elle de le reconnaitre
comme sujet de droit international ? Un
obstacle net, alors que cette exigence a
été maintes fois rappelées par le
Conseil de Sécurité, l’Assemblée
Générale, ou la Cour internationale de
justice, comme en 2005 dans l’affaire
des activités armées au Congo.
Après le 11 septembre 2001, le
criminel de guerre Bush avait imaginé la
notion de «légitime défense préventive»,
mais ce truc ne repose sur aucun texte,
et a été rejeté par la Cour
Internationale de Justice et le Conseil
de Sécurité.
L’excellente étude de Cot et
Pellet de la Charte (p. 1342)
propose une évolution du texte, mais on
est dans un autre monde : des preuves
crédibles ; une attaque imminente,
inévitable et massive, mettant en péril
l’existence ou la survie de l’Etat
victime, ou à causer d’irréparables
dommages ; transmission de tous les
éléments de preuve au Conseil de
sécurité ; possibilité de veto du
Conseil de sécurité…
La
France, dans l’illégalité, engage sa
responsabilité
Pour mener une opération
militaire en Syrie, la France devrait
pouvoir invoquer soit une résolution du
Conseil de sécurité, il n’y a pas, soit
un accord de coopération avec la Syrie.
Elle a un accord avec l’Irak, pas avec
la Syrie.
On est dans l’illégalité.
Hollande reprend donc à son compte les
pratiques du droit international
de George W. Bush, si
vous dire où nous en sommes.
Les première frappes visaient
« un camp d’entraiment pour des
expéditions visant la France ». De la
propagande qui nous prend pour des
demeurés. En fait, des personnes étaient
visées, dont des Français, il s’agissait
d’exécutions sommaires. C’était donc le
retour de la peine de mort, mais sans
prendre le temps de jugement.
En début de semaine on a passé
une étape avec que des frappes sur
des exploitations pétrolières.
Le ministère explique : « En frappant
les capacités d’exploitation pétrolière
contrôlées par Daech en Syrie, ce sont
les ressources financières, qui
constituent un des centres de gravité de
ce groupe terroriste, qui sont visées ».
Eh bien mon p’tit gars, va expliquer ton
raisonnement devant un juge, et tu m’en
diras des nouvelles…
Parce qu’à la grande différence
de Bush et Obama, qui ont réalisé leur
impunité vu les crimes qu’ils
commettent, la France est signataire de
nombreux actes internationaux dont la
Cour Pénale Internationale. Je ne
saurais donc que trop conseiller à
Hollande d’en rester à la gesticulation
médiatique, et de ne pas trop
s’impliquait sur le terrain. S’il a cinq
minutes il peut donner un coup de fil à
Tony Blair, qui
désormais se prépare à son procès en
Grande-Bretagne.
C’est comme ça les démocraties
: force doit rester à la loi.
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