L'actualité du
droit
La France (officielle) a tourné le
dos
aux droits de l’homme
Gilles Devers
Mardi 5 janvier 2016
« Moi, président de la
République, je ferai de mes compatriotes
des apatrides »… Et Sarko médusé :
« Merde, le mec me double par
la droite… » Ahahah… elle est bien
bonne…
Pour ce lundi 4 janvier,
l’actualité était chargée. En Chine, les
bourses ont été fermées en début
d’après-midi, après une chute de 7%,
ébranlant les marchés mondiaux ; après
l’Arabie Saoudite, ce sont les Émirats
Arabes Unis, le Bahreïn et le Soudan qui
ont rompu leurs relations diplomatiques
avec l’Iran; en Libye, on s’alerte de la
rapide progression de l’Etat islamique
dans la zone pétrolière ; aux US,
Volkswagen risque 20 milliards de
pénalités…
De partout, des défis majeurs…
mais en France, la classe politique se
triture la nouille à propos de la
déchéance de nationalité, l’enjeu
n’étant pas de lutter contre le
terrorisme mais de manœuvrer en vue de
la présidentielle de 2017.
Le thème d’hier, c’était la
déchéance de nationalité pour tous les
Français mêmes ceux qui n’ont qu’une
seule nationalité, pour en faire des
apatrides. Impossible car écarté par le
discours d’Hollande au Congrès le 16
novembre,… mais redevenant possible –
d’après les bruits de couloir – pour
tenter de sauver le groupe socialiste à
l’Assemblée…
De toute part, se multiplient
les arguments pour expliquer qu’il n’y a
pas véritablement de droit international
opposable, que la France a fait des
réserves adéquates dans les traités
qu’elle a signés sur le sujet, que
l’interdiction posée par le Code civil
résulte d’une loi, et que la loi peut
donc être changée…
S’il y a besoin, je reviendrai
dans les jours qui viennent sur le plan
technique, pour démontrer que même si
une telle loi était votée, les mesures
prises tomberaient devant la protection
effective de l’identité qu’assure la
jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme ou du Comité des
droits de l’homme de l’ONU. Mais pour
l’instant, je veux rester plus
pragmatique, pour mesurer à quel point
la classe politique - droite et gauche
confondues - a tourné le dos à la
culture des droits de l’homme
Il existe une référence simple,
que tout le monde peut lire et
comprendre. C’est l’article 15 de la
Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948 : « Tout individu a
droit à une nationalité ». C’est clair,
net précis : pour la meilleure référence
internationale, rendre quelqu’un
apatride est une violation des droits
fondamentaux.
Et là, que répondent les petits
malins ? Ils répondent que la
Déclaration de 1948, qui est une
résolution de l’Assemblée générale des
Nations unies, n’a pas de force
contraignante.
(Une parenthèse : l’accord
bidon de la COP21, rédigé au
conditionnel et ne prévoyant aucun
processus de sanction serait
contraignant, alors que la Déclaration
universelle des droits de l’homme serait
du pipi de chat…).
Soyons clairs : sur le plan de
la technique juridique, la déclaration
universelle n’est pas un texte ayant une
force d’application directe. D’où ce
point de vue très partagé dans la classe
politique : « La Déclaration universelle
n’a pas de force contraignante directe,
et nous pouvons donc nous en écarter ».
Oui, mais c'est une méthode de
racaille : je connais la règle, mais
j’ai trouvé une faille dans son
application, et donc je m’assois dessus.
De la part de la France, ce point est
inacceptable. Dire « mon engagement
politique n’a pas de force juridique »,
c’est possible, mais c'est tourner le
dos à la culture du droit.
Poursuivons. Après tout, le
gouvernement peut faire n’importe quoi
en se planquant derrière sa souveraineté
et sa politique de la peur. Mais il
faudra que la France – qui représente
moins d’un pour cent de la population de
la planète – explique comment, alors
qu’elle refuse d’appliquer la
Déclaration universelle des droits de
l’homme, texte phare de l’ONU,
elle justifie son siège de membre
permanent du Conseil de sécurité de
l’ONU.
Le sommaire de Gilles Devers
Le dossier
Arabie saoudite
Les dernières mises à jour
|