Tendances de
l'Orient
Le TSL contre les médias et la
souveraineté
Ghaleb Kandil
Lundi 28 avril 2014
Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL),
chargé de l'assassinat de l'ancien
Premier ministre Rafic Hariri, a ordonné
la comparution, le 13 mai prochain, des
journalistes libanais Ibrahim el-Amine
(journal al-Akhbar) et Karma al-Khayat
(chaîne TV al-Jadeed) pour outrage et
obstruction à la justice. Les
agissements de ce tribunal confirment
tous les soupçons entourant cette
instance, qui manque de légitimité et de
crédibilité depuis sa création. Il
s'agit en fait d'un outil au service de
l'hégémonie américaine et un prétexte
pour Washington afin d'intervenir dans
les affaires du Liban. Malgré toutes les
plaintes contre les fuites médiatiques
dans des médias occidentaux sur les
travaux du tribunal, aucune enquête
sérieuse n'a été menée par le TSL pour
déterminer l'origine de ces fuites.
Rappelons que la chaine de télévision
CBS et l'hebdomadaire allemand Der
Spiegel avaient publié en détail l'acte
d'accusation, des mois avant qu'il ne
soit rendu public par le tribunal. Les
démissions qui se sont succédé au sein
du TSL étaient liées à ces fuites, mais
aucune explication n'a été apportées à
ce sujet. Selon des informations sûres,
des milieux liés aux services de
renseignements américains, israéliens et
français sont responsables de ces fuites
médiatiques, afin de servir des
objectifs politiques. En dépit de la
gravité de ces fuites, le tribunal n'a
rien fait. Aucun des journalistes
occidentaux qui ont publié les détails
des enquêtes ainsi que le contenu de
l'acte d'accusation, n'a été interrogé
ou convoqué. Mais ce tribunal n'a pas
hésité à sommer deux journalistes
libanais à comparaitre à l'extérieur du
Liban, ignorant la justice libanais, qui
n'est plus qu'un intermédiaire, chargé
de transmettre les mandats d'arrêt et
autres exigences des juges
internationaux. Le tribunal parle de
"transparence", d'"intégrité" et de
"justice" lorsqu'il évoque son travail.
Cela signifie qu'il devrait accepter de
partager avec les médias les
informations concernant son action et
ses décisions. S'il n'avait rien à se
reprocher, il ne devrait pas craindre
que les projecteurs soient braqués sur
son travail et apporter des réponses
claires à une opinion publique qui se
posent de questions sur sa création, son
financement et son mode de
fonctionnement. Cela passe forcément par
le renforcement de la liberté
d'expression au Liban et du rôle de la
presse. Mais que le tribunal prenne pour
cible la presse libanaise et la liberté
d'expression prouve que ses vrais
objectifs sont cachés et n'ont rien à
voir avec la recherche de la vérité. Les
médias libanais sont soumis aux lois
nationales. Toute tentative d'ignorer
cette réalité constitue une atteinte à
la souveraineté de l'Etat libanais et
une tentative d'imposer un précédent,
destiné à transformer le TSL en
puissance tutélaire sur les Libanais et
sur leurs lois. Avant et pendant le
processus de formation du tribunal,
toutes les institutions et les archives
du Liban ont été mises à la disposition
des enquêteurs internationaux, qui ont
écumé le pays sous prétexte de vouloir
démasquer les assassins de Rafic Hariri
et les auteurs des autres crimes commis
au Liban depuis 2005 (le massacre de
1500 civils libanais en juillet-août
2006 par l'armée israélienne ne méritait
pas, aux yeux de la communauté
internationale, une enquête!). Ces
enquêteurs ont violé des centaines de
fois la souveraineté libanaise pour
élaborer un acte d'accusation répondant
à des considérations politiques et non
pas de justice. Il est rapidement apparu
que le travail de ces enquêteurs
visaient à préparer l'agression
israélienne de 2006. Mais la défaite
israélienne a provoqué l'effondrement de
l'ensemble de ce projet. Cependant, le
tribunal a été maintenu comme outil de
réserve, susceptible d'être renfloué et
réutilisé. Aujourd'hui, sa principale
mission semble être de pourchasser tous
ceux qui oseraient critiquer son action.
Le plus grave est que le pouvoir
politique libanais ne réagit pas face
aux atteintes contre la liberté
d'expression. Le mouvement du 14-Mars,
qui s'est posé toutes ces années en
défenseur de la liberté, a avalé sa
langue ou, carrément, soutenu le TSL.
Cependant, de larges pans de la société
libanaise refusent cette nouvelle
tutelle et sont prêts à défendre la
souveraineté du pays jusqu'au bout.
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