Tendances
de l'Orient
Le TSL: fiasco juridique, accusation
politique
Ghaleb Kandil
Lundi 20 janvier 2014
Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL)
a ressassé lors des audiences
d'ouverture du procès son accusation
politique, enveloppée d'explications
techniques sur l'unique échafaudage de
cette affaire: la présumée preuve
circonstancielle des liaisons
téléphoniques, supposée être le résultat
de neuf ans d'enquête sur l'assassinat
de l'ancien Premier ministre Rafic
Hariri, et qui a coûté, jusqu'à présent,
un quart de milliard de dollars.
L'accusation a rejeté d'emblée la
version du kamikaze Ahmad Abou Adas,
affirmant qu'elle a été fabriquée pour
brouiller les pistes. Mais le procureur
n'a apporté aucune preuve justifiant ce
rejet, bien qu'il ait reconnu que
l'attentat a bien été commis par un
kamikaze dont l'identité n'a pu être
déterminée, en dépit d'années d'efforts
et de moyens colossaux mis à la
disposition des enquêteurs, y compris
toutes les institutions de l'Etat
libanais. Rappelons que les enquêteurs
ont accès à toutes les archives
libanaises, les registres de l'Etat
civil, les cadastres, les données
téléphoniques... bref, le passé, le
présent et le futur du Liban sont entre
les mains de ces enquêteurs, dont
beaucoup travaillent pour des services
de renseignements étrangers, souvent
ennemis du Liban. Le contribuable
libanais a dépensé plus de 125 millions
de dollars depuis l'assassinat de Rafic
Hariri, et il ne connait toujours pas
l'identité du kamikaze. Alors que les
services de sécurité libanais sont
parvenus, en quelques jours seulement, à
identifier les terroristes qui se sont
faits sauter devant l'ambassade d'Iran,
le 19 novembre 2013, ou dans la banlieue
sud de Beyrouth, le 2 janvier 2014. Mais
la pire des manifestations des premières
audiences du TSL a été la terminologie
utilisée par les accusateurs,
susceptible d'exacerber les tensions
confessionnelles et communautaires dans
un Liban déjà en proie à une grave crise
politique et une instabilité sécuritaire
sans précédent depuis la fin de la
guerre civile, en 1990. Les propos de
l'accusation constituent une grave
menace à la paix civile au Liban,
émanant d'un tribunal relevant des
Nations unies, lesquelles sont censées
préserver et promouvoir la paix dans le
monde! L'adoption par le tribunal du
système juridique anglo-saxon, qui
autorise l'utilisation des preuves
circonstancielles, était voulu après
l'échec de la très couteuse enquête
internationale à trouver des preuves
matérielles, solides et irréfutables,
susceptibles d'être exploitées
politiquement. Les remarques soulevées
par la défense sont importantes et
graves. Les avocats (commis d'office)
ont souligné que l'acte d'accusation
basé sur les appels téléphoniques ne
comporte aucune information sur le
contenu des conversations téléphoniques
entre les suspects présumés. Il se
contente seulement d'indiquer qu'un
groupe d'individus ont échangé des
appels téléphoniques à certains moments
et à certains endroits , sans apporter
la moindre preuve que ces conversations
sont liées à l'attentat du 14 février
2005, qui a coûté la vie à Rafic Hariri
et 22 autres personnes. Le plus grave
sont révélations du quotidien israélien
Yediot Aharonot sur l'origine de toutes
ces informations techniques. Selon le
journal, elles ont été remises aux
enquêteurs internationaux par les
services de renseignements israéliens,
c'est-à-dire par la partie qui a le plus
intérêt à faire accuser des membres du
Hezbollah d'être responsables de
l'assassinat de Hariri. L'accusation
s'est employée, lors des audiences, à
expliquer en détail des cartes de
télécommunications israéliennes.
Pourtant, il est notoirement connu que
les grands services de renseignements
disposent des techniques nécessaires
pour dresser les cartes qui leur
conviennent, grâce à la fabrication
d'appels téléphoniques qui n'ont
peut-être jamais eu lieu en réalité.
Parmi les plus graves lacunes du
Tribunal, on note les modifications
introduites à son statut interne (par
les juges eux-mêmes), de manière à
protéger les parties qui ont œuvré à
brouiller les pistes. Ainsi, le Tribunal
a estimé qu'il n'entrait pas dans le
cadre de ses compétences d'examiner
l'affaire des faux témoins, dont les
dépositions ont amené à l'incarcération,
pendant plus de trois ans, des quatre
généraux libanais, finalement libérés
après que les témoins aient été jugés
"peu fiables". Ces généraux avaient été
arrêtés pour tenter de fabriquer des
preuves et des témoignages qui
orienteraient l'accusation vers la
Syrie. Mais ce fut un échec cuisant, et
plus de quatre années ont été perdues
dans une enquête douteuse, qui a été
rayée sans que des comptes ne soient
demandés à ceux qui l'ont mené. Pendant
ce temps, les faux témoins, qui ont
occupé les devants de la scène quatre
ans durant, profitent des millions
qu'ils ont amassé grâce à leurs fausses
dépositions, sur les plages d'Australie,
de Nouvelle-Zélande et ailleurs. De la
même manière que les faux témoins ont
été créés pour faire accuser la Syrie,
"la preuve téléphonique" a été imaginée
et fabriquée pour réorienter
l'accusation vers le Hezbollah. Tout ce
que nous avons entendu et écouté lors de
l'ouverture du procès n'immunise pas le
Tribunal contre une réédition de
l'injustice subit par les quatre
généraux et les dizaines d'autres
personnes innocentes interrogées pendant
des heures, voire des jours et des
semaines, lors de la première enquête...
mais cette fois, ce sont de nobles
résistants, qui ont consacré leur vie à
la lutte contre l'occupation israélienne
et pour la libération de leur pays, qui
sont pris pour cible.
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