Tendances de
l'Orient
Un monde multipolaire
grâce à la résistance de la Syrie
Ghaleb Kandil
Photo:
D.R.
Lundi 10 mars 2014
L'épreuve de force ukrainienne initiée
par les Etats-Unis et l'Occident,
accompagnée de menaces et
d'interventions dans le pré-carrée de la
Russie, a pour objectif de déclencher
une confrontation directe avec la
puissance russe montante pour imposer de
nouvelles règles, conformément à une
vision défendue par des stratèges
américains, dont Zbigniew Brzezinski,
Henry Kissinger et Richard Haas. Cette
vision consiste en un monde multipolaire
conduit par les Etats-Unis, en
opposition à la vision russe d'une
relation d'égal à égal, dans le cadre
d'un partenariat international dirigé
par la Russie et l'Amérique. La riposte
russe en Ukraine est offensive et répond
à la stratégie du Soft power, basée sur
la suprématie des facteurs
géographiques, démographiques et
économiques, face aux adversaires.
L'Occident a été choqué par les mesures
russes en Crimée, qui se prépare à un
référendum, dans les prochains jours,
pour décider de l'union avec la
Fédération de Russie, alors que
l'activisme se développe dans d'autres
provinces d'Ukraine sur la base des
liens ethniques slaves et de
l'appartenance religieuse à l'Eglise
orthodoxe, forts de quatre siècles
d'histoire. Face à l'option des
sanctions brandies par l'Occident, la
Russie a réagi avec fermeté, laissant
entrevoir son intention, en cas de mise
à exécution de ces menaces, d'accélérer
les mesures pour transformer les Brics
et l'organisation de Shanghai en
puissant rassemblements financiers
internationaux, indépendants et
concurrents des Etats-Unis. Moscou
œuvrera afin de devenir une centre
financier international, rival de New
York, en tant que plate-forme pour les
transactions internationales, ce qui
menacerait la suprématie du dollar en
tant que monnaie-refuge. La Russie
envisage aussi de réclamer une
restructuration des Nations unies. De
plus, toute décision américaine de
mettre en œuvre des sanctions
internationales contre la Russie
provoquera de sérieuses divergences
entre Washington et ses alliés
européens, qui ont déjà exprimé des
réserves face aux demandes américaines
de réduire leurs échanges commerciaux
avec la Russie. D'autant que les Russes
ont assuré qu'ils imposeraient leurs
propres sanctions contre des sociétés
américaines et européennes. De nombreux
articles dans la presse européenne ont
reflété les craintes britanniques,
françaises et allemandes face à de
telles mesures russes. La crise
ukrainienne dépasse dans sa portée et
ses enjeux les limites géographiques de
ce pays. Elle reflète clairement les
contours de la lutte que la Russie
compte mener jusqu'au bout pour
récupérer son influence historique dans
les pays slaves d'Europe de l'Est,
tombés dans l'escarcelle de l'Occident
après la chute du mur de Berlin. Les
experts assurent que si la Russie
réussit à imposer sa vision de l'avenir
politique de l'Ukraine, d'importants
développements internes suivront dans
d'autres pays, comme la Roumanie, la
Bulgarie et la Hongrie. Conduit par les
Etats-Unis, l'Occident a voulu essayer,
dans la crise ukrainienne, de tordre le
poignet de la Russie. Mais il a été
surpris par la réaction des Russes, qui
ont décidé d'aller jusqu'au bout dans le
bras de fer, en fixant ses limites au
bord du gouffre, ce qui a contraint
l'Otan à reculer de peur d'une
confrontation directe. Cela signifie que
les Etats-Unis seront contraints, en fin
de compte, à accepter de nouvelles
règles pour le partenariat
international, sans suprématie
américaine. En outre, l'analyse selon
laquelle la crise ukrainienne, aux
portes de la Russie, aura des
répercussions sur d'autres questions (la
guerre en Syrie, le nucléaire
iranien...) n'est qu'une illusion, car
ces dossiers ont leurs propres
dynamiques et ne dépendent pas de la
seule volonté russe. La Syrie a sa
propre volonté et sa propre force
populaire et militaire. Sa résistance a
aidé la Russie à construire les nouveaux
équilibres internationaux, autant que
l'émergence de l'Iran en tant que
puissance régionale incontournable. La
fermeté et la détermination affichées
par Vladimir Poutine dans ces deux
dossiers sont le résultat des épreuves
de force, qui ne seront que renforcées
par la crise ukrainienne. De nombreux
experts et centres de recherche
occidentaux ont établi des comparaisons
entre la résistance du président Bachar
al-Assad, de l'Etat, du peuple et de
l'armée syrienne, face à une guerre
universelle qui dure depuis trois ans,
et la fuite du président Viktor
Iouchtchenko au bout de quelques heures
seulement face aux groupes de saboteurs
qui ont pris d'assaut son palais et
instauré un pouvoir illégitime issu d'un
coup d'Etat. Le monde nouveau naitra sur
les décombres des illusions américaines
et émergera sur le solide roc de la
résistance de la Syrie.
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