France-Irak
Actualité
François Fillon et les « métastases » de
la guerre de Libye
Françoise Petitdemange
Photo:
D.R.
Samedi 2 mai 2015
Analyse
du discours prononcé à Londres, lors
d'une conférence-débat avec Gilles Kepel,
sur le thème
: « Lutter contre
le terrorisme aujourd’hui : quelles
politiques ? Quelles perspectives pour
la France et le Royaume-Uni? Quel impact
sur le secteur privé ?».
Voyons donc ce que peut dire sur ces
questions François Fillon, lui qui, en
tant que Premier ministre du 17 mai 2007
au 10 mai 2012, a pris une part directe
de responsabilité dans la guerre menée
de mars à octobre 2011, par le président
Nicolas Sarkozy, le Premier ministre
David Cameron et le président des
États-Unis Barack Obama, contre le
peuple libyen.
« Avec les printemps arabes, nous
espérions la victoire de la démocratie
mais la démocratie ne s’improvise pas,
et à bien des égards, l’Occident - USA
en tête - s’est comporté en apprenti
sorcier. L’invasion de l’Irak en 2003 et
la démocratisation improvisée de ce pays
ont précipité le chaos. » Outre
qu’il faudrait savoir ce que les chefs
de quelque trois États occidentaux
entendent par « démocratie »,
puisque leurs soutiens sont
exclusivement voués à la bourgeoisie et
que leurs meilleurs amis se trouvent,
désormais, dans les monarchies féodales
du Golfe Persique, force est de
constater qu’ils veulent imposer, coûte
que coûte, à tous les pays du monde,
cette « démocratie » qu’ils se
gardent bien de définir.
En 2011, les « printemps arabes
», joliment vendus aux populations
occidentales par les médias
mainstream, n’étaient destinés, dès
le début, qu’à être des printemps de
sang et de cendres.
La
démocratie de s’exporte pas
Le renversement d’un régime, quel
qu’il soit, par une « guerre »
pudiquement appelée «opération
extérieure », comme en Irak ou en
Libye, ne peut que s’achever - ainsi que
François Fillon le souligne lui-même -
dans le « chaos ». Car, non
seulement la « démocratie » ne
«s’improvise » pas, mais elle
ne s’exporte pas. Elle ne peut venir de
l’extérieur du pays visé par les
“bienfaits occidentaux” sous peine de
s’imposer au mépris de la souveraineté
des peuples : alors, monsieur Fillon, la
« démocratie », c’est quoi ?
Les nombreuses expériences passées
devraient avoir appris, non pas « à
l’Occident » mais à certains chefs
d’États occidentaux « - USA en tête
- », que la « démocratie »,
selon leur imaginaire mais aussi selon
leur réalité exclusive, ne peut
s’implanter, ni dans l’imaginaire des
peuples, ni dans la réalité d’un pays.
Restent les dégâts considérables causés
par les bombes dans le quotidien de ces
peuples et dans l’histoire de ces pays.
Ce que les déstabilisations des
dernières années montrent, c’est que les
peuples irakien, tunisien, égyptien,
libyen, syrien, etc., ne peuvent plus
être mis au pas forcé, comme au temps de
la colonisation européenne, même sous
les bombes des bienfaiteurs de
l’humanité qui se résument à trois chefs
de pays occidentaux. L’insistance de ces
derniers, aiguillonnés par les
multinationales amies, à aller, au nom
des droits de l’homme, contre le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes, ne
peut qu’aboutir à ce résultat : à défaut
de pouvoir faire entendre raison à ces
peuples dépourvus de toute raison, qui
refusent l’exploitation de l’être humain
par l’être humain, comme en Libye, il ne
reste plus qu’à détruire tout dans leur
pays pour les plonger dans le «
chaos ».
Pris au
piège des mots
On pourrait croire qu’à la lueur de
ce qui s’est passé et de ce qui se passe
encore en Irak, monsieur Fillon a
compris un peu quelque chose. Mais non !
Puisque monsieur Fillon considère que
« l’opération française en Libye »
était « juste » « sur le
plan moral »... C’est-à-dire ?
« Quant à l’opération française
en Libye - aussi juste fût-elle sur le
plan moral - elle aura eu pour
conséquence de disloquer cet État et de
métastaser le Sahel. » Là où
monsieur Fillon a tout à fait raison,
c’est lorsqu’il compare «
l’opération française en Libye » à
un cancer qui fait des métastases au
Sahel. Cependant, pris au piège des
mots, voilà une comparaison terrible
pour lui... Car, en dehors de lui, à qui
viendrait-il l’idée de considérer et de
dire qu’un cancer est « juste » «
sur le plan moral »... Enfin, le
fin mot de l’histoire est dans le but
visé et obtenu de cette guerre : «
disloquer l’État », c’est-à-dire
l’État des masses, pour arracher au
peuple libyen le pouvoir politique et
économique, empêcher la création des
États-Unis d’Afrique avec une monnaie
commune, une armée commune de défense
pour tout le continent.
Est-il possible de se voiler la face
en utilisant un mot pour un autre... En
2011, en fait d’« opération en
Libye», il s’est agi d’une
véritable guerre menée, durant huit
mois, par des attaques systématiques -
de nuit comme de jour - dirigées contre
la population civile, tuant hommes,
femmes, enfants jusque dans leur
sommeil. Le président Sarkozy, avec la
complicité active du gouvernement - dont
monsieur Fillon était lui-même le chef -
et de l’assemblée parlementaire, est à
l’origine d’une guerre qui a fait plus
de 100.000 mort(e)s sur une population
de six millions d’habitant(e)s, un grand
nombre de blessé(e)s dont des
handicapé(e)s à vie... Et, quand
monsieur Fillon parle de métastases, il
ne croit pas si bien dire :
l’utilisation de bombes, avec des ogives
fabriquées à l’uranium appauvri, aura de
cruelles répercussions sur la santé des
générations à venir... Combien d’hommes,
de femmes, d’enfants de Libye vont
mourir de cancers à plus ou moins longue
échéance ? De l’opération «
Protecteur Unifié » des trois chefs
d’États occidentaux, destinée à protéger
des agressions supposées, fantasmées, de
Muammar Gaddhafi « contre son peuple »,
celui-ci se souviendra longtemps. «
Merci, monsieur Sarkozy »?
Ce qui gêne
monsieur Fillon…
Monsieur Fillon se réveille tout à
coup... Il avait cru faire un rêve de
« démocratie » pour les pays
musulmans qui ne demandaient rien, et ne
demandent toujours rien d’ailleurs, ni
au président français, ni à son équipe
politique ; et voilà qu’il se réveille
dans un cauchemar qui ne fait que
commencer... « Nous sommes
confrontés à une nouvelle forme de
guerre mondiale. Les mouvements
totalitaires islamiques occupent
désormais des territoires, ils
contrôlent des populations, ils lèvent
l’impôt, exportent du pétrole, se
procurent des armes lourdes, conduisent
une guerre numérique efficace contre
leurs ennemis, c’est-à-dire contre nous.
L’axe de la terreur court du Nigéria au
Pakistan, et est marqué par l’émergence
de l’État islamique auquel Boko Haram
vient de prêter allégeance. »
Qu’est-ce qui gêne monsieur Fillon,
dans tout cela ? Pas le nombre de morts
en Libye puisqu’il ne les a pas vus.
Boko Haram a fait un mort ici, un
mort là. L’ÉIIL (État
Islamique en Irak et au Levant) a
fait deux morts ici, dix morts là. Les
bombes occidentales ? Aucun mort ! Ce
qui gêne monsieur Fillon, c’est le fait
que « les mouvements totalitaires
islamiques » - que les monarques du
Golfe ont financé et que les chefs
d’États anglo-saxons et français ont
formé militairement pour les utiliser
dans les guerres contre la RDA
(République Démocratique Afghane),
contre la république d’Irak, contre la
démocratie directe libyenne (Grande
Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire
Socialiste), contre la république
syrienne - « occupent désormais des
territoires », « contrôlent des
populations », s’emparent de
l’économie à travers, notamment, les
richesses pétrolières, maîtrisent le
militaire et... le « numérique »
(“le top du top” des prochaines guerres)
...
Photo : François
Fillon légitimant l’intervention
militaire française en Libye
(Assemblée nationale - 22/3/11)
*Source :
Contre le terrorisme : riposte globale,
fermeté et sang-froid (Le blog
de François Fillon – 21/4/15)
* Auteuse de La Libye
révolutionnaire dans le monde
(1969-2011) aux Éditions Paroles
Vives 2014.
Contact :
http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr
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président… » , par Françoise
Petitdemange
© G. Munier/X.
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Publié le 3 mai 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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