Opinion
Un accord
(Iran) cache un autre (Grèce) et
masque
le troisième (Corée du Nord)
Farid Daoudi

Mardi 4 août 2015
Beaucoup de confrères de la presse
internationale, experts patentés,
critiques
littéraires, attitrés ou non,
seraient enclin d’avoir une réaction
épidermique en pensant que les médias
laissaient l'essentiel de côté. On a
tendance à oublier que les sanctions ont
été votées au Conseil de Sécurité par la
Russie aussi, comme pour l'Irak et
l'Afghanistan... ou encore pour la
connivence USA-Russie concernant la
Palestine. La presse ne retient que les
contradictions actuelles entre ces deux
pays. On oublie encore qu'il y a à
travers le monde des dizaines et des
dizaines de pays et de peuples qui
aspirent à l'accès à la science, à la
culture et à la suffisance matérielle...
et que cela ne leur sera pas facilité
par le condominium du monde par les
membres permanents du C.S. et leurs
alliés directs (Japon, Allemagne, Inde,
Pakistan, Israël). Et on oublie le rôle
révolutionnaire de la Corée du Nord
(Kadhafi a renoncé à l'arme atomique et
il a fini tué comme un chien par des
agents spéciaux... Que va-t-il
advenir en Iran si le pays ne se couche
pas progressivement devant les USA et la
Russie ?
L’accord,
neutralisant l’Iran à toute
prolifération nucléaire militaire,
milite pour un équilibre sécuritaire
régional assez énigmatique pour la paix
mondiale. La Russie, pour cause
d’hégémonie, privilégiant, à raison, ses
intérêts géostratégiques, est pour
autant responsable de la situation
présente : en échange de la promesse
occidentale de la laisser accéder à
l’Organisation Mondiale du Commerce,
elle a voté et légitimé les sanctions
contre l’Iran qu’il est si difficile
d’annuler totalement.
Et en plus,
elle s’est gardée anachroniquement
de dénoncer le nucléaire israélien,
fermant les yeux sur le droit des
Palestiniens à se libérer par les armes.
Selon la Russie, on peut revenir sur la
coupure de l’Allemagne en deux en 1945
et sur beaucoup de frontières depuis
1945, mais s’abstenant de revenir sur la
création malhonnête d’Israël par l’ONU
coloniale de 1947.
Maintenant,
la Russie sait qu’accéder à l’OMC,
refuser unilatéralement de
vendre des missiles
S-300 à l’Iran, n’empêche pas des
« sanctions » économiques contre
elle-même.
L’accord
imposé ce 14 juillet à l’Iran est un
accord inégal, au détriment de tous les
pays non nucléaires et non balistiques.
Les Iraniens ont accepté faute de mieux,
pour le moment. La vérité est que tous
les pays du monde ont droit de tirer
profit de la science, y compris
militairement : pourquoi le droit au
nucléaire serait-il naturel pour un pays
comme les USA qui a assassiné des
millions de personnes à travers le monde
depuis 1945 ? Et pourquoi les 180 autres
États de la planète devraient en être
privés et au surplus soumis au bon
vouloir de celui-ci ?
Par delà la
situation actuelle une question se
pose : un pays du poids démographique et
industriel de l’Iran peut-il se
développer en toute indépendance, face à
un boycott des principales puissances du
monde ?
Malgré le
blocus, Cuba a continué d’exister dans
des conditions très difficiles. Mais ce
pays n’a pas le poids démographique,
l’importance économique et les richesses
naturelles de l’Iran. De plus, Cuba est
une île alors que l’Iran est un État
continental et maritime, frontalier avec
cinq pays. Ce pays dispose aussi d’une
certaine profondeur stratégique propre,
augmentée par la géographie du culte
Musulman Chi’ite. Seuls les Iraniens
savent si, face aux « sanctions », le
régime en place pouvait encore tenir
cinquante ans comme à Cuba ou s’il
devenait urgent de sauver l’économie.
Une autre
forme de réponse à cette question nous
est apportée par l’accord de
l’Euro-groupe et de l’UE avec la Grèce.
La mise sous tutelle de l’Ukraine par
les USA et l’UE est encore une
illustration de la politique
internationale actuelle : le rapport des
forces économiques et militaires
continue d’être le moteur des relations
internationales ; le respect de la
souveraineté ne pèse rien. La Grèce est
humiliée, soumise à un protectorat
collectif européen : à qualification
égale, ses citoyens auront un niveau de
vie cinq fois inférieur à celui des
Allemands et cela pendant au moins
quinze ans !
Cela signifie
que tous les peuples ne sont pas égaux,
qu’il existe une science, une finance
des « Blancs » et, une science, une
économie, bridées et surveillées, pour
les « Coloured nations ».
À l’occasion
de cette longue négociation intra
européenne et de celle concernant la
Corée du Nord, on assiste à un retour au
premier plan de la scène de deux
protagonistes vaincus lors de la Seconde
guerre mondiale : l’Allemagne et le
Japon. Aujourd’hui le Japon réclame la
restitution de Sakhaline ; demain,
l’Allemagne rachètera à la Pologne ou
exigera tout simplement le retour des
« terres de l’Est ». Pour l’Allemagne et
le Japon, les vainqueurs avaient effacé
la dette et allégé les réparations… On
craignait de les voir basculer vers le
Pacte de Varsovie.
Résultat,
l’Allemagne et le Japon profitent de
plus de libertés que l’Iran dans le
domaine nucléaire et balistique… . Cela
est possible parce que ces deux pays
sont à présent des alliés dociles aux
USA contre la Russie et contre les pays
qui aspirent à un développement
indépendant, voire à échapper au
contrôle et aux limitations américaines.
Face à ce bloc agressif, les pays du
BRICS veulent une émergence soft, sans
confrontation directe aux conséquences
incertaines ; c’est ce qui
explique pourquoi les USA continuent de
tancer la Russie à ses frontières alors
que celle-ci continue de proposer ses
services contre le « terrorisme » dans
le cadre de l’ONU dominé pourtant par
les Américains.
Mais, tôt ou
tard, le sentiment de démocratie
internationale entre États imposera la
suppression du pouvoir d’intervention en
meute des cinq pays du Conseil de
Sécurité (chapitre 7 de la charte de
l’ONU) et plus particulièrement de
liquider l’interventionnisme des
USA qui contournent à leur
convenance les « lois
internationales » en recourant
à des « alliances » qui n’ont
jamais eu valeur de légitimation
universelle, dans le respect de la
souveraineté des États.
L’espoir d’un
changement des relations
internationales perdure. Les USA,
confirmant ces dernières années leur
pouvoir de destruction et de sédition,
ont aussi montré au monde entier qu’ils
ne peuvent pas remporter plusieurs
conflits simultanés de faible ou moyenne
intensité.
Ce fut
notamment le constat de Che Guevara :
ils ne peuvent pas vaincre partout en
même temps ; ils ont toujours un point
faible. Tout en maintenant les autres
zones de conflit c’est ce point faible
qu’il faut enfoncer. Enfin ce point
faible peut être créé à l’initiative de
forces révolutionnaires ou encore par
d’anciens « valets de l’impérialisme »
parvenus au pouvoir et confrontés à la
nécessité de développer leur pays –
l’attitude récente de l’Arabie saoudite
est une ébauche encore incertaine de
celles de Omar Torrijos ou Manuel Noriegua
au Panama ou encore d’Hugo Chavez au
Venezuela.
Le principe
est simple : tout ce qui nuit aux USA
devient bon pour le reste de l’humanité
tant que ce pays s’obstinera à vouloir
régenter la planète par ses moyens
militaires et financiers. Faut –il
multiplier les points chauds ou tièdes ?
La politique US fait toujours des
victimes qui n’ont plus rien à perdre ;
il faut leur parler, les soutenir. Il
est temps pour la « communauté
internationale » d’arrêter sa
politique de doubles standards et de
falsifier l’Histoire. De tout temps,
celle-ci a montré que la juste cause
des opprimés triomphe toujours
de l’arbitraire; qu’intransigeance,
partialité de la loi du plus fort,
diplomatique ou militaire, ne rapportent
que de faibles dividendes à des
ambitions irrationnelles. Un
processus salvateur : l’avènement d’un
monde multipolaire, supplantant
l’hégémonie états-unienne et desservant
un support éducatif décadent.
Farid DAOUDI - Journaliste
(Tlemcen-Algérie)
Publié sur
Alterinfo et
Algérie patriotique
Du même
auteur : « Le Liban insoumis » paru sur
Alterinfo.net.
Le
dossier Iran
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