Opinion
13 députés palestiniens au Knesset,
pour quoi faire ?
Fadwa Nassar
Vendredi 20 mars 2015
La liste électorale unifiée des
Palestiniens de l’intérieur a obtenu 13
sièges au Knesset sioniste, en troisième
position après le Likoud et le Bloc
sioniste. Cette liste unifiée est
composée de l’ensemble des partis
palestiniens participant aux élections
d’un des organismes les plus racistes et
les plus criminels de l’entité. Bien que
ces partis aient été formés à des dates
différentes (le plus ancien étant le
parti communiste), leur présence au sein
du Knesset sioniste a témoigné du recul
du vote palestinien pour les partis
sionistes, notamment après les années
90. En un sens, la participation
électorale des Palestiniens de
l’intérieur au Knesset leur a permis
d’affirmer leur autonomie politique.
Malgré leur
présence au sein du Knesset, les partis
palestiniens qui composent cette liste
unifiée ne votent ni les lois racistes
ni les lois coloniales, au contraire.
Ils ont tenu, depuis leur formation, à
rejeter systématiquement toute
proposition de loi coloniale (visant les
terres du Naqab et d’al-Jalil par
exemple), toute loi raciste (imposant
des sanctions économiques, culturelles
ou sociales aux Palestiniens) et toute
loi criminelle (envers les prisonniers
palestiniens par exemple). Mais, malgré
leur voix unie, ils n’ont jamais réussi
à contrecarrer les législations
sionistes ni à empêcher une quelconque
mesure raciste. Au mieux, les députés
palestiniens participant à quelques
commissions subalternes issues du
Knesset sont-ils parvenus à faire
accepter des lois sociales générales
(des mesures en faveur des handicapés,
par exemple) ou à dénoncer des mesures
ou des propositions de lois, ou même à
rendre visite à des prisonniers
palestiniens.
La loi sioniste
ayant relevé le seuil d’éligibilité au
Knesset visait en partie les partis
arabes qui, jusqu’aux élections
précédentes, ne parvenaient pas à
s’entendre sur une liste unique, malgré
les vœux des Palestiniens de
l’intérieur. Aux élections précédentes,
la participation des Palestiniens de
l’intérieur aux élections du Knesset n’a
pas dépassé les 50%, pour deux raisons
essentielles : la vague croissante de
l’appel au boycott de ces élections
sionistes, d’une part et le manque
d’unité entre les partis d’autre part,
même si les partis concernés
l’expliquaient par la « dépolitisation »
de l’électorat arabe palestinien, pour
éviter la discussion en profondeur de
l’alternative du boycott. Il reste que
la liste unifiée de ces partis n’a pas
été le fruit de la pression de
l’électorat palestinien, mais plutôt de
la pression engendrée par la loi
sioniste sur le seuil d’éligibilité.
Les partis arabes
palestiniens composant cette liste
crient à présent victoire. Ils sont
parvenus à mobiliser 70% de l’électorat
arabe en leur faveur et leur liste est
en troisième position. Mais s’ils sont
capables de s’unifier pour participer à
cet organisme sioniste qu’est le
Knesset, avec l’illusion de pouvoir
changer quoi que ce soit dans la
politique coloniale, pourquoi ne
parviennent-ils pas à s’unir pour
organiser des élections au sein du
« Haut Comité de Suivi des masses
arabes », organe représentatif des
Palestiniens de l’intérieur ? Alors que
c’est le Haut Comité qui appelle aux
manifestations, aux journées de
protestation et qui dénonce incessamment
les mesures coloniales de l’entité ? Il
est symptomatique que les partis qui
entravent le plus les élections
démocratiques au sein du Haut Comité de
Suivi soient ceux qui crient le plus
victoire aux élections du Knesset.
Pourtant, organiser la lutte des
Palestiniens de l’intérieur et assurer
la liaison entre eux et les Palestiniens
des autres territoires occupés et de
l’exil apparaissent de plus en plus
comme les tâches vitales et
prioritaires, ce que ne peuvent faire
les députés élus au Knesset sioniste,
mais que peuvent faire et sont appelés à
faire les représentants au sein du Haut
Comité de suivi.
Si le public
colonial sioniste fut disputé, au cours
de la bataille électorale, par les
ultras et les moins ultras, les
fascistes et les moins fascistes, des
partis en compétition, le public arabe
palestinien fut par contre disputé entre
les partis ayant décidé de s’unifier
pour la bataille électorale et les
forces politiques qui ont décidé de
poursuivre et d’accentuer la campagne de
boycott de ces élections, jugées
internes à l’entité sioniste. Que ce
soit pour le parti Abnaa al-Balad (qui a
toujours refusé cette participation et
qui appelle au boycott, et qui a déjà
subi une scission interne, précisément à
cause de cette participation), ou pour
le Mouvement islamique – partie nord
(qui ne participe pas, sans cependant
appeler au boycott, et qui est
l’émanation de la partie du Mouvement
islamique ayant refusé la participation
aux élections du Knesset), la
participation aux élections du Knesset
témoigne d’une vision étriquée du
conflit arabo-sioniste où les
Palestiniens de l’intérieur sont perçus
comme des citoyens ayant pour tâche de
lutter pour l’égalité des droits au sein
de l’entité coloniale, outre le fait
qu’elle permet aux sionistes de se
vanter d’une démocratie qui n’exclut pas
« ses minorités ». S’ajoutent à ces deux
formations politiques refusant le
principe de la participation au Knesset,
une nouvelle formation issue de la
jeunesse du Rassemblement National
démocratique et de nombreux comités
estudiantins ou de quartiers,
d’intellectuels ou de militants
« indépendants », qui furent souvent aux
pointes des luttes contre la judaïsation
du Naqab (contre le plan Prawer) et dans
le soutien aux prisonniers palestiniens.
La campagne pour le
boycott des élections du Knesset a été
largement écartée des médias
palestiniens et arabes, qui ont préféré
mettre en avant la liste unifiée et
appelant même à la soutenir. Au niveau
palestinien, les partis de l’Autorité
Palestinienne (Fateh, FDLP, etc..) n’ont
pas caché leur préférence pour la
participation, ce qui a fait frémir
Netanyahu qui en a profité pour accuser
l’Autorité d’intervenir dans les
élections. Au niveau arabe, même La
Ligue arabe a appelé les masses
palestiniennes de l’intérieur à voter
pour la liste unifiée. Malgré cet
alignement, les formations appelant au
boycott, et notamment Abnaa al-Balad,
ont dénoncé l’attaque fasciste ayant
visé Hanine Zo’bi (Rassemblement) au
cours de la campagne et ont tenu à
souligner qu’il n’est pas question de
juger les participants de
« collaborateurs » et que les
différences de positionnement envers ces
élections ne doivent pas influer sur le
cours des luttes communes contre
l’entité coloniale et ses projets
(déclaration du collectif représentant
les réfugiés internes, par exemple).
Même si le taux de
boycott fur moins élevé au sein des
masses arabes, en comparaison avec les
élections précédentes, à cause
précisément de l’unité de la liste
arabe, il faut cependant remarquer que
face aux colons et à leur entité, la
seule voie encore porteuse d’espoirs
demeure dans l’unité de la lutte et dans
l’unité du Haut Comité de Suivi élu pour
représenter les masses palestiniennes,
au niveau des Palestiniens de
l’intérieur, et au niveau de l’unité de
l’ensemble du peuple palestinien, qu’il
soit en exil, dans les territoires
occupés en 67 ou en 48. C’est
précisément dans ces luttes unies
qu’apparaîtra le dérisoire de ce que
peuvent faire 13 députés palestiniens au
Knesset sioniste.
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