Algérie en phase
avec le mouvement du monde
Frontières entre les Etats: Des ponts au
lieu des murs
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Mardi 31 janvier 2017
«Ceux qui nient la liberté à d'autres
ne méritent pas la liberté pour
eux-mêmes: et sous la domination d'un
Dieu juste, Ils ne peuvent pas
longtemps la conserver.»
Abraham Lincoln, président des
Etats-Unis
L'histoire de l'humanité est jalonnée de
situations de paix armée de ni guerre ni
paix, de crainte de l'Autre et des
techniques pour s'accaparer et garder
des territoires protégés par des murs
réputés infranchissables. «De tout
temps, lit-on dans la contribution
suivante, les empires ou les Etats ont
construit des murs afin d'établir une
séparation entre eux-mêmes et une
catégorie d'humains qu'ils considèrent
comme différente de la leur. Séparer les
civilisés des barbares, les nomades des
sédentaires, les bons des mauvais, les
riches des pauvres, les Blancs des
Noirs, les Mongols des Chinois, les
Israéliens des Palestiniens,... Bien que
ces murs aient presque toujours échoué à
atteindre le but qui leur était fixé,
cette course à la séparation se poursuit
de nos jours et ne semble pas près de
s'arrêter. Il semble que ce soit une des
caractéristiques des Etats de continuer
à construire des dispositifs ayant déjà
fait preuve de leur inefficacité. C'est
ainsi qu'une partie de l'humanité se
retrouve face au mur.» (1)
Souvenons-nous
aussi d'un mur actuel; le mur de Shengen.
Bien que virtuel, ce mur est
probablement le plus grand jamais mis en
place,. l'un de ses buts principaux est
d'interdire le libre accès aux pays
membres par les citoyens de pays
extérieurs. Il constitue une entrave
flagrante à l'exercice du droit d'asile
que tous les pays de l'Union se sont
pourtant engagés à respecter en
ratifiant la convention de Genève sur
les réfugiés. Ce mur virtuel a déjà fait
et continue à faire de nombreuses
victimes. (...) Le massacre continue...
en 2016 5000 personnes ont perdu la vie
en mer.» (1)
Souvenons-nous de
la Grande Muraille de Chine, censée
protéger la Chine des envahisseurs, du
Lime romain, la version récente est
celle des forts de l'armée américaine
contre les Indiens. Souvenons-nous de la
ligne Morice construite pour empêcher
les combattants algériens de se
ravitailler en armes. Cette ligne
électrifiée et bordée de champs de mines
continue encore à faire des victimes 55
ans après l'indépendance de l'Algérie.
Citons aussi le mur de la discorde entre
miséreux Tunisiens et Libyens, tranchée
emplie d'eau salée et surmontée d'une
hauteur de sable afin, voué à s'étaler
sur 168 kilomètres de frontière commune
-, cette zone tuniso-libyenne perméable
est censée protéger la Tunisie des
djihadistes libyens.
La carte du
monde des murs séparant les frontières
Dans un travail
remarquable, les universitaires
Elisabeth Vallet et Chaire Raoul-Dandurand
de l'université du Québec, à Montréal,
ont recensé minutieusement les murs dans
le monde; Nous lisons cette
contribution: «Le monde est découpé en
frontières représentant les États, mais
certaines de ces limites sont
matérialisées par des murs dont la
longueur totale serait égale à celle de
la circonférence de la Terre! (...)
Cette carte ne matérialise pas la
longueur des murs en question et leur
localisation précise, mais indique les
frontières concernées et indique si ces
murs sont déjà en place, en cours de
construction, ou au stade de simple
projet (...) On assiste à un phénomène
de re-fermeture des frontières, depuis
deux décennies. Il est possible de
dresser un portrait multiple en fonction
de l'apparence de ces murs, leurs
objectifs ainsi que leur efficacité, qui
changent selon les pays et les enjeux.
Il est possible de citer les matériaux
comme le béton, les barbelés électrifiés
et le sable, ainsi que les différents
dispositifs tels que les miradors, les
clôtures, les forces armées et la
technologie biométrique. Les objectifs
diffèrent également (lutte contre
l'immigration, contrebande, opposition
territoriale et autres raisons de
sécurité). (...) Les anciens murs
étaient destinés à faire en sorte que
certains conflits ne dégénèrent pas,
comme ceux opposant l'Inde au Pakistan,
les deux Corées ou encore Chypre et la
non reconnue République de Chypre du
Nord. Aujourd'hui, les murs tendent à
surprotéger les frontières, donc à en
faire des «sur-frontières». (2)
Pour Elisabeth
Vallet, les murs ne servent à rien
puisqu'ils font naître des logiques de
transgression, par exemple à la
frontière américano-mexicaine, où
environ 150 tunnels ont été dénombrés.
L'immigration clandestine n'est pas
seule actrice dans la zone, puisque les
trafiquants ont adopté d'autres
logiques: contourner le mur par la mer
en sous-marin et par les airs à l'aide
de drones. (...) Enfin, construire un
mur sur une frontière, c'est également
favoriser les organisations criminelles
qui profitent de pauvres gens désirant
se rendre dans un pays où la vie semble
meilleure. Les passeurs seront de plus
en plus les représentants de structures
criminalisées.» (2)
Mythe du mur de
Berlin et vrai mur de la Honte en
Palestine
Dans une ancienne
contribution j'avais mis en exergue le
deux poids, deux mesures s'agissant de
l'appréciation concernant le mur de
Berlin et concernant le mur érigé par
Israël et défigurant la Palestine.
J'écrivais: ««Ich bin in Berliner», «Je
suis un Berlinois» s'exclamait J.F.
Kennedy venu soutenir les Berlinois au
plus fort du blocus: résonne encore dans
nos oreilles de naïfs bercés par la doxa
occidentale au point que l'on croyait
tout ce qu'on nous disait -le «on»
symbolisant les médias occidentaux. Nous
avons comme pour le cinéma hollywoodien
vibré et communié avec ceux que l'on
nous présentait comme faibles avec
naturellement le «Zorro» redresseur de
torts qui fait qu'on applaudissait à la
fin des films. Je veux dans cette
contribution «déconstruire» le mythe du
mur de Berlin et parler d'un vrai mur,
celui de la Honte, celui de la force
injuste contre le peuple opprimé de
Palestine. On aurait pensé alors,
propagande aidant, que la libération
était synonyme de bonheur. Il n'en fut
rien. En 1999, USA Today écrivait «Quand
le mur de Berlin est tombé, les
Allemands de l'Est se sont imaginé une
vie de liberté et d'abondance, où les
difficultés auraient disparu. Dix ans
plus tard, un remarquable 51% aux
élections a fait savoir qu'ils étaient
plus heureux sous le communisme.» (3)
Pourquoi ne pas
parler en effet du «vrai mur de la
honte» de plusieurs kilomètres, qui
défigure la Jordanie, obligeant chaque
matin des milliers de Palestiniens à
faire d'énormes détours pour aller
travailler chez les colons israéliens,
ou pour rentrer le soir ne sachant pas
s'ils peuvent ou non passer selon le bon
vouloir et les humiliations au quotidien
de la part des soldats. Un tollé
d'indignation n'a rien pu faire! Il est
vrai que la Cour internationale de
justice a déclaré illégal ce mur et a
demandé son démantèlement. Peine perdue.
Le mur continue d'être peaufiné: les
Palestiniens seront «comme des cafards
dans un bocal» pour reprendre
l'expression appropriée d'un général
israélien.. » (3)
« Pour rappel,
commencé en juin 2002, le Mur de
séparation devrait faire plus de 703
kilomètres de long, soit deux fois la
longueur des frontières de 1967 avec la
Cisjordanie et quatre fois plus long que
le mur de Berlin. Le mur atteint à
certains endroits 8 mètres de hauteur,
plus de deux fois celle du mur de
Berlin. Pourtant, l'Avis consultatif de
la CIJ édicté le 9 juillet 2004, est on
ne peut plus clair: «L'édification du
Mur qu'Israël, puissance occupante, est
en train de construire en territoire
palestinien occupé, y compris à
l'intérieur et autour de Jérusalem-Est,
et le régime qui lui est associé, sont
contraires au Droit international»,
«Israël est dans l'obligation de mettre
un terme aux violations du Droit
international dont il est l'auteur; il
est tenu de cesser immédiatement les
travaux d'édification du mur qu'il est
en train de construire dans le
Territoire palestinien occupé, y compris
à l'intérieur et autour de
Jérusalem-Est, de démanteler
immédiatement l'ouvrage.» (3)
«Dans le même ordre
des avanies des Palestiniens, cette
fois-ci c'est l'Egypte qui érige. Les
sentiments de colère ne cessent de
monter contre la barrière métallique qui
s'élève entre les territoires
palestiniens de la bande de Gaza et les
territoires égyptiens. Beaucoup croient
que c'est un pas supplémentaire visant à
renforcer le blocus imposé sur plus d'un
million et demi de Palestiniens
emprisonnés chez eux depuis plus de
trois ans. (...) Maintenant, le
gouvernement construit un «mur d'acier»,
sous une égide américano-européenne,
autour de la bande de Gaza. On a
vraiment honte d'apprendre qu'un autre
mur de séparation discriminatoire creuse
la terre sur nos frontières avec la
bande de Gaza, écrit le journal égyptien
Al-Dostour. Ce mur installé avec l'aide
des Américains et des Israéliens
réalisera les mêmes objectifs criminels
que le mur de la Cisjordanie: isolement
et siège, souffrance et famine. On veut
fermer tout espace d'où arrive un peu de
nourriture! Pour rappel, en 2009 la
France s'était engagée avec les
Américains à asphyxier les Gazaouis pour
empêcher la contrebande d'armes en
direction de Gaza. Le point 6 de la
résolution 1860 du 8 janvier 2009, dix
jours avant la fin des combats visait à
empêcher les Gazaouis de se procurer des
armes pour se battre.» (4)
Trump impulse
ses projets contre l'immigration: le mur
de la discorde
Tambour battant,
Donald Trump signe des décrets,
fidèlement à ses promesses. Il vient
d'interdire aux ressortissants de sept
pays musulmans l'entrée aux Etats-Unis.
Mais pour le moment c'est le mur avec le
Mexique qui retient l'attention.
«Décidément écrit Sylvain Cypel,
l'entrée en fonction de Donald Trump
comme ses déclarations à l'emporte-pièce
suscitent d'innombrables interrogations.
Ainsi, confirmé par le Sénat au poste de
secrétaire à la sécurité intérieure
(Homeland Security) le 20 janvier, le
général John Kelly a déclaré «refuser
tout fichage de gens basé sur
l'ethnicité ou la religion». Évoquant le
«mur» qu'entend construire Trump tout au
long de la frontière mexicaine, il a
aussi indiqué qu'«une barrière physique
en elle-même ne fera pas l'affaire». (5)
Pourtant, le
président américain a signé le décret
lançant la construction d'un mur à la
frontière mexicaine pour combattre
l'immigration illégale. «Je vais
construire un grand mur, personne ne
construit les murs mieux que moi.» «Une
nation sans frontières n'est pas une
nation», a-t-il lancé mercredi en
présence du nouveau ministre de la
Sécurité intérieure, l'ancien général
John Kelly. «A partir d'aujourd'hui, les
Etats-Unis reprennent le contrôle de
leurs frontières.»
«C'est sans doute
la mesure la plus polémique promise par
Donald Trump durant la campagne
présidentielle. Le nouveau président des
Etats-Unis a martelé, meeting après
meeting, qu'il comptait construire un
mur de 1 600 kilomètres de long à la
frontière mexicaine, pour «endiguer»
l'immigration. Et le décret lançant le
gigantesque projet a été signé, cinq
jours seulement après sa prise de
fonctions. Mais cette promesse pose
encore de nombreuses questions: le mur
sera-t-il vraiment construit? Qui va le
payer? La construction du mur,
«physique» et pas seulement
«symbolique», figurait d'ailleurs en
tête du programme de Donald Trump:
«Construire un mur physique et
impénétrable tout au long de la
frontière sud, dès le premier jour.» A
ceux qui espéraient encore qu'il
s'agissait d'une promesse en l'air ou
d'un discours rhétorique et symbolique,
il faut se résigner. Il n'y a donc plus
aucun doute: Donald Trump va construire
ce «mur». (6) o:p>
OOfficiellement,
Donald Trump se veut intraitable: «Le
Mexique paiera pour le mur»,
affirme-t-il dans son programme. Une
affirmation répétée inlassablement lors
de ses meetings. Estimé par des experts
américains à 25 milliards de dollars
(autour de 8 milliards par Donald
Trump), le coût de construction de ce
mur frontalier devrait finalement être
avancé par... les contribuables
américains. Mais le Mexique remboursera,
rassure Donald Trump. Les économies
américaines et mexicaines sont
imbriquées, taxer les importations à
partir du Mexique, rendra encore plus
vulnérables les deux régions
frontalières. Le mur qui existe en
partie, servira de pompe aspirante de
tous les trafics possibles. Aux
dernières nouvelles du feuilleton du
mur, Trump refuse de recevoir le
président mexicain, il l'appelle ensuite
au téléphone, la communication a duré
une heure et ils ont convenu de ne plus
parler du mur dans les entretiens
officiels.
Réalité des
enjeux
Dans une
appréciation remarquable de la situation
du mur, Fernando Buen Abad Domínguez
situe la réalité des enjeux. Le travail
des émigrés/immigrés déclare-t-il n'est
pas un cadeau de l'Empire. Mettons les
points sur les «i»: chaque dollar gagné
est une accumulation de richesse pour
les Yankees qui profitent du travail
d'esclave. Les travailleurs paient un
prix élevé (pas seulement pour ce que
prélèvent les entreprises parasites pour
les envois de fonds), mais parce que la
majorité des migrants s'échine tous les
jours, et doit épargner, bien qu'ils
vivent avec toutes les limitations
possibles, sous le poids de la distance,
de la solitude fréquente, du statut
d'«illégal», la marginalisation, le
racisme, la peur, la méfiance
systématique et la maltraitance
coutumière. Et tout cela dans des terres
qui ont été volées par l'empire yankee.
Cela aussi est rendu visible par le Mur
qu'ils veulent financer également avec
les envois de fonds des compatriotes.»
(7)
«Ce Mur est un acte
inacceptable et inhumain de provocation.
Il contient la menace de tuer et de
réprimer des milliers de personnes.
C'est un Mur conçu pour accentuer
l'injustice subie par les immigrants
traités comme 'illégaux'' et c'est un
piège pour tous ceux qui, pour survivre,
sont à la recherche d'une source
quelconque d' «emploi». La frontière
avec les USA, est une source permanente
d'abus, d'exploitation et d'ignominie et
le projet de compléter ce Mur est un
affront si grand que l'on ne peut pas ne
pas se préparer aux conséquences. Ceux
qui causent le chômage, qui génèrent la
misère prennent maintenant des mesures
de «contrôle» pour mettre de «l'ordre» à
la frontière. Tout en bénéficiant des
envois de fonds, bien sûr! Ce que le Mur
n'arrêtera pas, conclut l'auteur, ce
sera la tragédie du chômage, la barbarie
de l'humiliation, l'enfer de la faim et
la monstruosité de la dépossession. Tout
le contraire. Il met en lumière la
barbarie, l'aberration et la gifle
avalisées par la bourgeoisie, qui ne
connaît ni limites ni freins dans la
phase prédatrice où se trouve l'Empire.
Le Mur est son miroir(...)». (7)
Toujours en parlant
de frontières elle peut être purement
symboliques comme celle qui sépare les
deux parties de Chypre. D'un côté de la
frontière cypriote grecque nous sommes
au XXIe siècle avec toutes les
opportunités de l'Union européenne, de
l'autre, partie turque, les Cypriotes
vivent dans les conditions du XIXe
siècle! Où sont les ponts que nous
devons construire pour amener la
sérénité? Il faut bien le dire, nous
n'en prenons pas le chemin.
C'est un fait, le
monde va mal, il n'y a jamais eu autant
de mur de la discorde, de haine et de
rancoeur! L’attentat tragique de
Montréal en est une démonstration,
dans cette tragédie, il faut souligner
deux choses, d’abord , la cible
visée qui semble être des musulmans
mais aussi, la position admirable des
autorités canadiennes qui ont eu une
réaction fortement compassionnelle et
surtout avec une forte volonté
d’intégration des musulmans qui
devraient se sentir canadiens avec un
vivre ensemble à inventer tout les
jours dans ce pays qui ne crie pas à la
haine de l’étranger.
Aux Canadiens de
toutes origines à se montrer dignes
et faire des accommodements
raisonnables, la frontière où
chacun se sent canadiens et apporte ce
faisant son génie et la pleine mesure de
son talent à la réussite de ce pays
qui à bien des égards peut être un
référent notamment par rapport à son
voisin frappé espérons le
momentanément d’hubris
1.
http://rleb07.free.fr/opinions/murs.html
2.
http://reseauinternational.net/voici-la-carte-du-monde-des-murs-separant-les-frontieres/
3. Chems Eddine Chitour
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/mythe-du-mur-de-berlin-et-vrai-mur-64656
4. http://www.ism-france.org/analyses/La-colere-monte-contre-le-mur-d-acier-l-Egypte-trahit-Gaza-article-13257
5.
http://orientxxi.info/magazine/musulmans-iran-jerusalem-dissensions-entre-donald-trump-et-ses-futurs-ministres,1674
6.
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/l-amerique-selon-trump/20170125.OBS4328/5-questions-sur-le-fameux-mur-que-trump-veut-construire-a-la-frontiere-mexicaine.html
7.
http://reseauinternational.net/le-mur-de-trump-une-attaque-symbolique-contre-les-classes-laborieuses/#f9G0v8hMdQTdL8jD.99
Article de
reference:
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/259365-des-ponts-au-lieu-des-murs.html
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
Alger
Publié le 1er février 2017 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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