Algérie en phase
avec le mouvement du monde
Octobre 88 : Un tragique chahut de
gamins
Chems Eddine Chitour
© Chems
Eddine Chitour
Lundi 8 octobre 2018
«Il n'est pas de
vent favorable pour celui qui ne sait où
il va».
Sénèque
D'une façon quasi
rituelle, nous nous remémorons le 5
octobre 1988, dans sa dimension
tragique, qui a vu la fine fleur du pays
être fauchée, mais aussi le souvenir, la
nostalgie d'une époque qui, certes, n'a
pas duré, mais qui donnait l'illusion
que tout était permis, que l'Algérien,
ce frondeur, avait le droit au chapitre,
il pouvait critiquer. Il était, en un
mot, acteur de son destin. Sofiane Djilali
écrit à juste titre: «(...) Mais juste
au lendemain des troubles et avec les
promesses présidentielles, la démocratie
semblait à portée de main. L'espoir
s'insinuait dans le coeur des citoyens.
La vie politique s'alluma, les langues
se délièrent et une formidable ouverture
se dessina. Parler, agir dans
l'opposition, défendre ses opinions,
écrire dans une presse libre, crier à
gorge déployée dans les manifestations
de rue, lancer ses diatribes à la
télévision, tout était devenu possible.
Mais le fol espoir allait vite retomber.
La mal-vie, les frustrations, la misère
morale et les univers mentaux
inconciliables, traduisant la fragilité
du processus de formation de la nation,
allaient servir de détonateur entre les
mains d'un pouvoir rusé et faire échec à
la première tentative démocratique dans
le Monde arabe. Les Algériens perdirent
pied et s'accrochèrent par réflexe
atavique ou eschatologique aux discours
les plus radicaux, les plus sectaires,
les plus dangereux. Les valeurs,
identitaires ou religieuses, étaient le
refuge, la voie du ´´salut´´. La
descente aux enfers pouvait
commencer.»(1)
1988 arrive: en
Algérie, nous sommes à la fin d'un règne
sans partage avec un parti unique et sa
poigne de fer qu'a verrouillée le
paysage politique. Pendant plus de 12
ans, le pays détricotait minutieusement
ce que le défunt président Boumediene
avait construit laborieusement. Nous
sommes bien contents que par sa fameuse
phrase à la face du monde: ´´Kararna
ta'emime el mahroukate´´, il ait pu
sauver la souveraineté de l'Algérie.
Avec seulement 22 milliards de dollars,
Boumediene avait assis les fondations de
l'État. Que se passe-t-il après? Il faut
dire que le début des années 1980 a
correspondu avec l'euphorie d'un baril à
40 dollars et un dollar à 10 francs.
L'Algérien découvrait le PAP (Programme
antipénurie); ce fut le début de la
´´bazarisation´´ du pays. à coups de
dollars, l'Algérien découvrait, sans
effort, sans sueur, le fromage Emmental,
la machine à laver, le hors-bord, même
pour ceux du Sud, au nom de l'équilibre
régional... C'était aussi l'époque de la
suppression de l'autorisation de sortie
avec possibilité de changer 5000 francs
à moins de 10 dollars en juillet 1986!
Ce qu'on appela le contrechoc pétrolier.
Du même coup, des petits pays furent
ruinés. Les recettes de l'Algérie ne
dépassèrent pas les 4, 5 milliards de
dollars. L'Algérie s'endetta lourdement
pour nourrir la population. Les
Algériens se réveillèrent brutalement.
Trente ans rien n'a changé si ce n'est
que la corruption est devenue
structurelle, le gaspillage un sport
national
Benjamin Stora
écrit pour sa part: «Le 22 octobre, dans
un communiqué diffusé par l'agence
officielle Algérie Presse Service (APS),
des avocats algériens protestent contre
les arrestations et se prononcent pour
un pouvoir judiciaire indépendant. Un
Comité national contre la torture, créé
fin octobre, rassemble des
universitaires, des syndicalistes. Les
revendications portent sur la nécessité
de réformes profondes du système
politique, la fin du parti unique, la
garantie des libertés démocratiques.
L'onde de choc «d'octobre 1988» marque
la fin d'une époque. Le séisme est tel
que s'organise rapidement le passage au
multipartisme. Le 10 octobre 1988, le
président Chadli Bendjedid annonce un
référendum révisant la Constitution de
1976,. Le 3 novembre, le référendum pour
la modification de la Constitution est
massivement approuvé (92,27% de «oui»,
avec un taux de participation de
83,08%)». (2)
Benjamin Stora
parle d'une possible manipulation:
«Cette fin du parti unique suscitera
bien des interrogations. Les émeutes
d'octobre 1988 n'ont-elles été qu'un
vaste complot destiné à «ravaler» le
système, à en finir avec certains
membres du FLN au profit d'autres clans?
«Les événements n'étaient pas factices.
«Ils ont représenté un appel au secours
d'une jeunesse qui aspirait à un
changement radical de la situation dans
la pays (...) De toute façon, avec
l'«octobre noir», arrive le temps des
explorations méthodiques et des
inventaires historiques. On pouvait lire
ces lignes dans l'hebdomadaire
Algérie-Actualité du 24 novembre 1988:
«Les enfants d'octobre 1988 ressemblent
étrangement à ceux du 8 mai 1945, à ceux
de novembre 1954, à ceux de décembre
1960. [...] Entre tous ces enfants, il
n'y a pas qu'une ressemblance, il y a
identité de revendication, sauf à renier
l'histoire du Mouvement national
algérien contemporain. L'examen lucide
de notre histoire, l'humble étude des
faits, de tous les faits, nous
permettront certainement de régler nos
problèmes.» (2).
"Il y a 28 ans, le
5 octobre 1988 lit-on sur Wikipédia les
chars de l'armée sont descendus dans la
rue pour affronter des jeunes sortis
exprimer leur mécontentement. Les forces
de sécurité ont tué 169 personnes selon
un bilan officiel, 500 selon d'autres
sources. (...) L'appropriation du
mouvement par les islamistes a été
abondemment (...) Des tracts anonymes
attribués à Ali Benhadj et appelant à
une marche de protestation contre la
répression et pour la défense de l'islam
sont distribués les 9 et 10 dans les
mosquées d'Alger...) La prééminence
donnée au rôle des islamistes dans le
processus de politisation de l'émeute
s'explique par le rôle majeur qu'ils
joueront ultérieurement dans la
transition démocratique. Cette
mobilisation multi-sectorielle réunit
des acteurs préalablement organisés et
dont l'implication dans l'espace public
a déjà été actée: avocats, médecins,
journalistes, étudiants, universitaires,
militants de la Ligue algérienne des
droits de l'homme (Ladh), «berbéristes»,
membres du Parti de l'avant-garde
socialiste (PAGS, communiste), anciens
hommes d'État en exil comme le premier
président algérien Ahmed Ben Bella et le
fondateur du Front des forces
socialistes (FFS) Hocine Aït-Ahmed. Des
communiqués de presse et des lettres
ouvertes sont rédigés, des pétitions
adressées à l'Assemblée populaire
nationale. Enfin, la Ligue algérienne
des droits de l'homme rédige, à l'appui
de sources médicales, un rapport sur la
torture exercée à l'encontre des
émeutiers arrêtés. La majorité des
réactions se cristallisent d'abord sur
la dénonciation de la répression.» (3)
La jeunesse de
2018 et sa perception d'octobre 1988
Un article
délicieux de Walid Ait Saïd résume en
deux réflexions la mal-vie et ce que
pensent les jeunes de la symbolique du 5
Octobre 1988: «Pour ce jeune médecin né
en 1992, Octobre 1988 a été détourné par
les islamistes qui étaient à l'affût de
la moindre ouverture. «Il est vrai que
cette date a permis d'arracher plus de
liberté. Mais le peuple qui souffrait de
la mal-vie et des années de dictature a
été très très vite endoctriné par les
islamistes», estime-t-il. «Ils ont fait
dans le populisme, ils ont fait peur au
peuple, ils se sont appuyés sur une
fausse interprétation de la religion
pour servir leurs ambitions partisanes.
La révolte des jeunes qui espéraient
plus de liberté et surtout une meilleure
vie s'est transformée en un moyen
d'imposer l'islamisme!»
«On n'est pas
inculte à ce point. C'est juste que les
espoirs qui berçaient nos aînés se sont
transformés en nos désillusions...»,
tient à souligner Farid. O., né un
certain 4 octobre 1988. Pour ce jeune
chirurgien dentiste, ce «mai 68»
algérien n'aura rien apporté de bien.
«C'est vrai que c'était à partir de là
que le multipartisme a vu le jour. Mais
concrètement qu'avons-nous fait avec ces
partis? Si ce n'est avoir des Benhamou
et Naïma Salhi qui font les clowns en
nous faisant croire que c'était cela la
liberté d'expression», poursuit-il avec
colère. (...) Moi je ne la reconnais
pas! Non pas du fait que le combat de
mes aînés ne portait aucune symbolique,
mais du fait que selon moi, cela n'a
rien changé», dit cette ingénieure. «Les
choses ont-elles vraiment changé? Moi
j'ai l'impression d'être revenu 30 ans
en arrière. Non pas à cause des Stan
Smith qui sont revenus à la mode, mais
du fait qu'en 2018 il y ait encore des
chaînes humaines pour espérer avoir
un...sachet de lait», conclut-elle très
amèrement.» (5)
Hocine Neffah quant
à lui s'interroge sur le «chahut de
gamins»,?: «Aujourd'hui, écrit-il de ce
sacrifice, malgré le mensonge, le
black-out et les entraves qui empêchent
la vérité de voir le jour, l'Algérien en
tire une légitime fierté. Et il n'a pas
tort. Car, grâce à un chahut de gamins,
la sève démocratique a été libérée.
Grâce à la jeunesse algérienne qui avait
inondé la rue de son sang, aux cris de
«Algérie démocratique», le pays a connu
son «automne démocratique». C'est bien
le 5 Octobre qui a donné naissance au
multipartisme, à la presse indépendante
et aux libertés individuelles. Il est
vrai que ce mouvement a vite été
récupéré par des fondamentalistes qui
ont, quelques années après, plongé le
pays dans une tragédie qui a fauché la
vie de plus de 200.000 personnes.» (6)
L'après-88 et
la "récupération" : La décennie noire
«Si
l'automne 1988 voit se préciser les
revendications sur la libéralisation du
régime, personne ne songe néanmoins à
réclamer clairement l'instauration du
pluralisme partisan. La nouvelle
Constitution de février 1989 leur donne
une assise légale avant que
l'affrontement contre l'État commence en
1991 et de façon violente pour les
premiers, et en 2001 (Printemps noir
2001 - 2002) sous forme d'une
«dissidence citoyenne» pour les seconds.
Le gouvernement Hamrouche (1989 - 1991),
porteur d'un esprit de réformes, va être
contrecarré dans ses projets par les
réseaux clientélistes liés aux clans
militaires.» (3)
«Commence aussi
après octobre 1988, poursuit Stora, une
course de vitesse pour savoir qui, d'un
«pôle démocrate» ou d'un «pôle
islamiste», peut se substituer au vide
laissé par le parti unique FLN. Cette
bataille se déroule au moment où se
dessinent les contours d'un «nouvel
ordre mondial». L'année suivante, le mur
de Berlin s'effondre, et progressivement
tous les pays de l'Est accèdent à la
démocratie politique. La guerre du
Golfe, en 1991, voit l'effacement du
rôle politique joué par l'Urss () Après
avoir connu un court moment d'euphorie
démocratique, l'Algérie va s'enfoncer
dans l'engrenage tragique de la
violence: près de 150.000 morts tout au
long des années 1990. (...) Le 5 octobre
2008, dans le Quotidien d'Oran, on peut
lire, sous la plume d'Abed Charef:
«Octobre aura finalement été une grande
illusion (...) Depuis, le pays continue
de s'enfoncer. En octobre 1988, le pays
n'avait pas d'argent, mais il y avait
une réelle volonté de s'en sortir. En
2008, l'Algérie a de l'argent, mais elle
est incapable de se dessiner un avenir.»
(2)
L'amère
désillusion 30 ans après: le FLN des
satrapes en tête
«Pour
Azouaou Hamou Lhadj blessé grièvement,
ayant perdu un bras lors des émeutes, le
multipartisme, les libertés syndicales,
d'association, de la presse sont nés des
«Événements d'octobre 1988». Mais en
2018, l'ex-parti unique reste malgré
tout hégémonique et les jeunes ont peu
de perspectives d'avenir: 30% d'entre
eux sont au chômage et beaucoup peinent
à se loger. (...) Des pénuries et une
flambée des prix alimentent un contexte
de contestation sociale et de violentes
émeutes éclatent «Comme tous les jeunes,
j'en avais marre de la ´´hogra´´ (terme
désignant le mépris, l'injustice), on
commençait à entendre parler des
premières affaires de corruption (...)
On en avait marre du parti unique. On
voulait que ça change», se souvient-il.
(...) Des «jeunes sont morts pour la
démocratie, les droits de l'homme, la
liberté de la presse, le multipartisme»,
or 30 ans après, «les acquis d'Octobre
ont été remis en cause», souligne-t-il.
«Il ne reste presque rien, si ce n'est
une presse au ton libre», constate-t-il
amèrement. La révolte a certes mis fin
au règne du parti unique, aux monopoles
syndical et des médias d'Etat, mais
l'euphorie fut de courte durée. En 1988,
«nous étions fiers. Il y avait beaucoup
plus d'espoir il y a 30 ans
qu'aujourd'hui», estime amèrement
Azouaou Hamou Lhadj avant d'énumérer:
«scandales de corruption, de trafic de
drogue, impunité (...) Le régime est le
même.» (4)
La régression
inféconde trente après
"L’Algérie lit on
sur une livraison du Huffington
Maghreb n’accumule plus, elle perd
ce qu’elle avait et ce qu’elle savait
faire, y compris dans l’adversité de
l’occupation coloniale. Elle est
constamment prise dans une entreprise de
dilapidation d’un capital de valeurs
durement accumulées par des générations
de militants de la cause nationale. Les
Algériens n’ont pas obtenu l’Etat auquel
ils aspiraient et que voulaient les
militants de la cause nationale. La
résilience de la nation algérienne
persiste surtout grâce à la mémoire, non
instrumentalisée, que les Algériens ont
gardé de tout cet effort accompli par
des hommes et des femmes pour résister
et construire. Mais cette transmission
intime, souvent familiale, qui a été un
antidote à une sorte de conjuration
révisionniste et négationniste arrive à
ses limites, les témoins partent et la
génération intermédiaire, pour des
raisons objectives, n’assure plus la
transmission, n’assume pas le rôle,
combien essentiel, de passeur. (7)
Abdelatif Rabah
observateur averti de la scène
algérienne dans une analyse magistrale
nous explique comment les « acquis
des travailleurs furent détricotés
minutieusement et comment l’Algérie a
été livrée à la bazarisation qui
a suivi la mort de Houari
Boumédienne en éradiquant les
« pousses » d’un développement endogène
certes poussif mais le seul capable de
nous sortir de la dépendance et de la
spirale du sous développement. Il
écrit : « Après la mort de
Houari Boumediene, en décembre 1978, le
camp libéral était entré en campagne
pour engager l’idée qu’il fallait
changer de cap. La « Synthèse du bilan
économique et social de la décennie
67-78 » adoptée en 1980 est emblématique
de cette action de propagande.
L’industrialisation, encore dans sa
phase embryonnaire, est soumise au
crible d’une critique sans nuance. La
révolution agraire est remise en cause
puis, abandonnée. Les réformes dites de
l’autonomie des entreprises inspirées
des préceptes de la Banque mondiale et
du FMI déplacent le centre de gravité de
la problématique économique algérienne
de la construction des bases productives
et du cadre institutionnel du
développement national indépendant sur
la question du mode de régulation et du
passage à l’économie de marché ». (8)
« L’Algérie
entre dans la décennie 1990 avec une
nouvelle Constitution, votée en février
1989 qui consacre l’abandon de la
référence à la Charte nationale ainsi
qu’au socialisme et la disparition des
articles 94 et 95 de la Constitution de
1976 disposant que « le système
institutionnel algérien repose sur le
principe du parti unique » et que « le
FLN est le parti unique du pays ». Le
multipartisme fait son entrée sur la
scène politique. Il se caractérise
surtout par un phénomène de «
déversement de la religion dans la
politique », selon l’expression de
Jacques Berque. Le FIS (Front islamique
du salut) en sera le principal que le
plus puissant protagoniste ». (8)
« Inaugurées, à
pas feutrés, dès le début de la décennie
1980, sous l’ère de Chadli Benjedid,
puis approfondies et dotées d’un corps
de doctrine, par l’équipe des
réformateurs du gouvernement Hamrouche,
les réformes vont connaître une
intensification et une accélération
extraordinaires à la faveur du plan
d’ajustement structurel conclu avec le
FMI, en 1994-1995. Ces réformes menées à
la hussarde vont imprimer à toute la
décennie1990 et même au-delà, les
marques multiformes d’un processus de
régression économique et sociale
visibles sur le niveau de vie de la
majorité de la population, comme sur le
niveau d’activité entreprises et des
services publics. C’est l’ère du
démantèlement du secteur public, des
licenciements massifs, du chômage, des
salaires impayés, de la précarité, de
l’explosion de la pauvreté, du recours à
la justice contre les grèves et les
grévistes, de l’essor des grosses
fortunes… Depuis 1986, l’investissement
est au point mort. C’est la panne
totale. Ni infrastructures sportives
dignes de ce nom, ni salles de cinéma,
ni théâtres, ni salles de concert, ni
universités, ni lycées, ni
infrastructures de santé. D’année en
année, les cohortes de chômeurs
s’allongent, deux jeunes sur trois en
font partie. La situation sanitaire du
pays se dégrade avec le recul des
programmes de vaccination et la
recrudescence des épidémies. L’anarchie
du foncier engloutit des dizaines de
milliers d’hectares parmi les plus
fertiles. L’État perd le contrôle du
développement urbain » (8).
« Le secteur
d’État a cessé d’être le symbole de la
réussite sociale. Le système scolaire
aussi. Un quart de siècle de libéralisme
économique a engendré un puissant
mouvement de décompositions, de
déclassements- reclassements sociaux,
contribuant à fragmenter la société et à
casser les anciens clivages. Ce qui
structure la réalité sociale,
aujourd’hui, c’est la dynamique des
inégalités croissantes qui séparent le
haut et le bas des revenus, des
inégalités de patrimoine, biens fonciers
ou immobiliers, produits financiers,
ressources en devises, des inégalités en
termes de mobilité internationale et de
statut citoyen y afférent. Les forces de
l’argent, prédatrices et parasitaires
sont à présent aux commandes de l’Etat
plus que jamais, plongées dans la
logique du libéralisme prédateur et
destructeur du tissu national et
social »
Conclusion
Ce ne fut pas un chahut de gamins! les
jeunes qui sont descendus dans la rue,
ont peut-être été manipulés, mais les
causes de la mal-vie étaient réelles.
C'est par-dessus tout la hogra, le
népotisme, le passe-droit, le fait du
prince, la corruption et le manque de
perspectives. Octobre 88 attend toujours
son autopsie sur les tenants et les
aboutissants de ce début de tragédie qui
a fait entrer l'Algérie dans la spirale
de la violence. Certes, nous avons
traversé plusieurs décennies: ´´la
décennie noire´´, ´´la décennie rouge´´,
voire aussi ´´les décennies blanches´´,
en ce sens que nous n'avons rien créé de
pérenne. La population de 1988 n'est pas
celle de 2018 qui, à bien des égards,
est toujours aussi fragmentée et en
errance.
Qu'avons-nous
fait depuis 30 ans, à part manger la
rente? 800 milliards depuis 2000 et une
difficulté pour aller de l'avant avec
une dépendance à 98% des hydrocarbures
et un système éducatif qui peine pour
des raisons multiples idéologiques,
financières et un manque de visibilité
du pays, à se déployer. Certes, Il est
vrai que l'on ne peut pas mettre sur le
même pied les besogneux, qui suent sang
et eau, et le député gros et gras car,
bien nourri. Sans aucune valeur ajoutée.
Il est vrai aussi que l'on ne peut pas
mettre aussi sur le même plan
l'enseignant qui fait son djihad au
quotidien pour des clopinettes et le
trabendiste du conteneur ou le
footballeur qui garde une cage à 4
millions de DA/mois qui gagne ainsi en
une fois le salaire d'un enseignant, qui
doit se réincarner plusieurs fois comme
Highlander pour y arriver. Pourtant, le
pays n'a jamais été aussi riche.
Pourtant, vus de
loin, tous les attributs, tous les
insignes dignes d'un État de droit
semblent réunis: une Constitution, un
Sénat, un Parlement, une Assemblée
populaire, des juges et des magistrats
pour dire le droit des tribunaux
administratifs, un pluralisme politique,
mais, à y voir de plus près, le tableau
n'est guère enthousiaste.
Octobre 1988 fut
une parenthèse douloureuse dont on n'a a
pas tiré les leçons. Et pourtant, les
jeunes, objet de toutes les
manipulations, ne demandent qu'à vivre,
étudier et faire preuve d'imagination.
Une petite anecdote d'il y a quelques
années: des harraga en mer écoutent la
radio et apprennent que l'Équipe
nationale a battu la Zambie. Demi-tour
vers la mère patrie pour fêter
l’événement dignement. Tôt, le
lendemain, les harraga repartent à
l'aventure et risquent leur vie,
l'Algérie n'ayant pas su les retenir.
Comment plus de trente ans après avoir
conjuré ces signes indiens, l'on
continue à errer sans boussole
À quand ´´la
décennie verte´´ de l'espoir? Seuls le
consensus, le dialogue, la parole
désarmée, l'intérêt supérieur du pays
permettront de réconcilier les Algériens
et mettre fin à la guerre sourde de
positions entre deux visions pour
l'Algérie, celle d'une Algérie satellite
d'une oumma arabe moyenâgeuse et celle
d'un miroir aux alouettes de l'Occident
dont on ne copie que les travers et non
leur prouesse technologique. Ces deux
visions n'ont évidemment aucune idée de
ce que pourrait être la vie selon la
mentalité algérienne. Qu'allons-nous
laisser aux générations suivantes? À
nous de nous organiser pour donner de
l'espoir à cette jeunesse qui a perdu
ses illusions. Pour cela, seul le parler
vrai, le patriotisme, la fidélité aux
valeurs nous permettront enfin de bâtir
une Algérie qui sortira de la
malédiction de la rente pour se mettre
enfin au travail.
1.Sofiane Djilali: Évocation: I. Octobre
88, la fin des illusions. Agoravox
3.10.2009
2.Benjamin Stora
https://blogs.mediapart.fr/benjamin-stora/blog/071008/octobre-1988-une-nouvelle-histoire-commence-en-algerie
3.https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C3%A9nements_du_5_octobre_1988_en_Alg%C3%A9rie
4.AFPhttps://www.liberation.fr/planete/2018/10/04/algerie-l-amere-desillusion-d-un-manifestant-de-la-revolte-d-octobre-1988_1683192
5 Walid Ait
Sa¨dhttp://www.lexpressiondz.com/actualite/301233-racontez-nous-octobre.html
6. Hocine Nefhah
http://www.lexpressiondz.com/actualite/301230-l-ivresse-des-possibles.html
7.https://www.huffpostmaghreb.com/entry/lalgerie-naccumule-plus-elle-perd-ce-quelle-avait_mg_5bb34fffe4b0ba8bb210e5f0
8.Abdelatif Rabah
1988-2018 : de l’économie du
développement a l’économie
de la prédation lu sur un site internet
Article de
référence
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur
_chitour/301290-un-tragique-chahut-de-gamins.html
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
Alger
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