Proche-Orient
Netanyahu, la gauche israélienne et
le boycott
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Vendredi 14 août 2015
Il y a trois décennies, en débutant
sa carrière politique, Benjamin
Netanyahu s’est fixé deux objectifs.
Empêcher la création d’un état
palestinien. Neutraliser ou détruire
l’influence de la gauche israélienne..
Il était armé de la solide idéologie
familiale développée par son père, le
professeur Benzion Netanyahu qui,
jusqu’à son décès en 2012, à l’âge de
102 ans, en a défini les lignes de
force. La première étant l’impossibilité
de conclure la paix.
Le 2 avril 2009, cet universitaire a
déclaré au quotidien Maariv : « La
solution à deux États n’a aucune
pertinence. Il n’y a pas ici deux
peuples. Il y a le peuple juif d’un
côté, une population arabe, de l’autre.
Il n’y a pas de peuple palestinien, et
on ne crée pas un État au profit d’une
nation imaginaire. Ils ne se considèrent
comme un peuple que pour combattre les
Juifs. […] Les Juifs et les Arabes sont
comme deux boucs qui s’affrontent sur un
pont étroit. L’un d’entre eux finira
dans la rivière, en danger mortel. Le
plus fort obligera l’autre à sauter. Et
je crois que la force juive vaincra. »
La
conspiration Olp
Son fils, Benjamin traduit cela en
termes politiques dans son livre (Makom
Tahat Ha Shemesh) publié en 1995: « Certains
pays arabes ont réalisé qu’ils ne
parviendront pas à détruire Israël dans
ses frontières élargies et donc ont
accepté de fait l’existence d’Israël.
Mais, en parallèle une conception
différente a vu le jour chez certains
Arabes. […] S’il n’est pas possible de
détruire Israël dans ses frontières
actuelles, il faudra le ramener aux
frontières étroites d’avant la guerre de
Six jours, puis l’attaquer par le
terrorisme et la violence ». L’OLP
aurait la mission de « réduire » Israël
par la négociation. Et, le 16 mars
dernier, en pleine campagne électorale,
il a lancé : « Toute personne qui
œuvre pour créer un état palestinien et
évacure des territoires, les offre à
l’Islam radical pour attaquer Israël. »
et d’ajouter : « la gauche s’est
caché la tête dans le sable et ne veut
pas le voir. mais, nous sommes
réalistes… » Car, selon la vision
de son père Benzion : « Une des
choses les plus graves chez nous, en
Israël, c’est la croyance gauchiste que
les Arabes ont renoncé à leur
détermination à nous détruire. » (
En 1998 au quotidien Haaretz,
republié le 30.4.2012)
Israël
Munich et la Tchécoslovaquie
Benjamin Netanyahu, friand de
comparaisons historiques explique dans
son ouvrage « A Place Among the
Nations » que la situation ressemble à
celle qui prévalait à la veille de la
seconde guerre mondiale. Israël, c’est
la Tchécoslovaquie. Les Palestiniens
sont les allemands du Sudetenland, que
la propagande nazie présentait comme une
minorité opprimée. Face aux menaces
guerrières d’Hitler et pour éviter un
conflit, Chamberlain et Dalladier ont
signé l’accord de Munich, devenu le
symbole de la lâcheté occidentale face
au nazisme. Le message est clair : les
nations capitulent face aux palestiniens
et au monde arabe
Après la signature des accords d’Oslo
en septembre 1993, au cours du débat à
la Knesset, Benjamin Netanyahu a lancé à
Shimon Pérès : «Vous êtes bien pire
que Chamberlain qui avait porté atteinte
à la sécurité et à la liberté d’une
autre nation. Vous, vous l’avez fait au
détriment de votre propre peuple. »
C’était le thème de la droite : «
L’accord avec l’OLP est un nouveau
Munich. » Arafat serait donc un
nouvel Hitler.
La suite est connue. L’assassinat
d’Yitzhak Rabin par un jeune extrêmiste
religieux en novembre 1995, l’élection
de Netanyahu l’année suivante, la
relance de la colonisation. La seconde
Intifada débutée sous Ehoud Barak, les
attentats suicides du Hamas lorsqu’Ariel
Sharon était Premier ministre. L’échec
du processus de paix d’Oslo. Aujourd’hui
avec près de 400000 israéliens habitants
la Cisjordanie et l’impossibilité
d’aboutir à un accord sur Jérusalem Est
et les lieux saints, la création d’un
état palestinien indépendant et viable
paraît pratiquement improbable.
La communication de la droite a
réussi : Selon les sondages du « Peace
Index » de l’Institut israélien pour la
démocratie, plus des deux tiers des
Israéliens juifs répondent oui aux
questions « êtes vous certain ou pensez
vous que le monde est contre nous ? »
Les ONG
Le discours de la gauche israélienne
en faveur d’une solution à deux états
est devenu inaudible, à l’intérieur et à
l’étranger. En raison de la collusion
des travaillistes qui ont participé à
des gouvernements de droite, ceux de
Sharon et de Netanyahu. En raison aussi
de son soutien à des opérations
militaires justifiées ou non. Reste la
gauche non sioniste ou, sioniste jusqu’à
la ligne verte, c’est à dire opposée à
la colonisation. Ces diverses ONG de
défense des droits l’homme font l’objet
de campagnes incessantes lancées par la
droite pour les déclarer
anti-patriotiques, ennemies de l’Etat,
et les priver de financement. L’Europe,
la France, les soutiennent à peine.
Plusieurs d’entre elles, sont en train
de disparaître. Par exemple « Keshev »
qui combat la propagande et la
désinformation dans les médias
israéliens ou IPCRI, le centre
d’information israélo-palestinien.
Le boycott
Là se pose le problème du boycott
mené par BDS dont le discours est
souvent dirigé contre l’ensemble de la
population israélienne. Pour le vieux
combattant de la paix, Ouri Avneri : « Il
y a une énorme différence entre appeler
au boycott de l’Etat d’Israël et à celui
des produits fabriqués dans les
colonies. Je suis personnellement contre
un boycott de l’Etat d’Israël, parce
qu’il ne ferait que précipiter la
population israélienne dans les bras des
colons et renforcerait l’extrême-droite.
C’est la mauvaise politique parce
qu’elle brouillerait le message. Il est
très important de faire la différence
entre la population israélienne dans son
ensemble et les colons »: (http://info.arte.tv/fr/boycott-desinvestissement-et-sanctions#sthash.UECjTxLC.dpuf)
Des chanteurs, comme Achinoam Nini et
Yonathan Geffen, sont attaqués par la
droite en Israël et à l’étranger par des
militants BDS. Le boycott d’universités
et d’artistes israéliens où se trouvent
la plupart des opposants à la politique
de colonisation est contre-productive et
renforce l’argument de la droite au
pouvoir : « Cela n’a rien à voir
avec les implantations, c’est dirigé
contre le pays tout entier. » Et
donc, réduit encore l’influence de la
gauche opposée à l’occupation au sein de
la population israélienne.
Signe des temps, Benjamin Netanyahu
qui a conservé le portefeuille des
Affaires étrangères a nommé au poste
d’ambassadeur aux Nations Unies, Danny
Danon, l’actuel ministre de la Science,
dirigeant du Likoud, féroce opposant à
la solution à deux états, critique
virulent de Barak Obama et proche de
Rick Perry le très républicain
gouverneur du Texas. A Rome, ce sera
l’italo-israélienne Fiamma Nirenstein,
qui occupera l’ambassade d’Israël à
Rome. Membre du parti de Silvio
Berlusconi, ancienne députée au
parlement italien, elle milite en Israël
au sein du Likoud dont elle partage
l’idéologie.
La diplomatie israélienne va
désormais parler clairement le langage
de l’annexion de fait.
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