Proche-Orient
Israël-Palestine en 2016. La fin?
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Lundi 4 janvier 2016
J’avais
mis en ligne cette analyse avant la
révélation par Barak Ravid, l’excellent
correspondant politique du
Haaretz,
que le gouvernement israélien se prépare
à la disparition de l’Autorité
palestinienne. Mon papier a donc été
légèrement modifié.
« Kadish pour les efforts de paix
américains ». C’est le titre de
l’édito publié, vendredi dernier (1
janvier) dans Haaretz, par Peter Beinart,
professeur de Sciences-Po à la City
University de New York. Le Kaddish est
la prière prononcée par le plus proche
membre de la famille du défunt lors d’un
enterrement juif. En l’occurrence, il ne
s’agit pas de proclamer la mort du
processus de paix israélo-palestinien.
L’avis de décès a été publié il y a de
cela quelques années. Avec plus de
400000 colons installés en Cisjordanie,
la quasi impossibilité de parvenir à un
accord sur Jérusalem Est, et surtout sur
le Mont du Temple/Al Aqsa, on ne voit
pas comment il serait possible de créer
un état palestinien. Il faut également
tenir compte du schisme entre le Hamas à
Gaza et l’OLP installée en Cisjordanie,
sans oublier la situation politique au
sein de la direction du Fatah qui
ressemble de plus en plus à une cour
byzantine.
USA out!
Peter Beinart, annonce la fin des
initiatives américaines pour relancer
les négociations israélo-palestiniennes.
A priori, ce serait plutôt une bonne
nouvelle. De la gestion calamiteuse du
sommet de Camp David par Bill Clinton en
juillet 2000 à Barack Obama, toutes les
administrations US ont été incapables
capables de faire avancer le processus
de paix ne serait-ce que d’un
millimètre. Inutile de revenir sur cet
échec monumental, le premier d’une
longue liste d’erreurs, d’analyses
erronées politiques et militaires, à la
source des catastrophes auxquelles on
assiste au Proche Orient.
Hilary pro
Bibi
Donc, selon l’analyse de Beinart,
Benjamin Netanyahu peut être tranquille.
L’Amérique et donc la communauté
internationale, ne veulent plus entendre
parler du conflit avec les Palestiniens.
Aucun candidat à la présidence ne parle
d’une solution à deux états. Un anathème
pour les républicains. Côté démocrate,
Hilary Clinton, reprend l’argumentation
de Netanyahu : « Il est difficile
d’envisager la possibilité d’un accord
aussi longtemps que les Israéliens ne
sauront pas ce qu’il va se passer en
Syrie et si la Jordanie va rester
stable. » Elle est en faveur de
l’octroi de « plus
d’autonomie » aux Palestiniens et
donc du maintien du contrôle sécuritaire
de la Cisjordanie par Israël. Tout cela
si, comme l’espère la droite
israélienne, le fragile équilibre qui
règne dans cette région peut être
maintenu. Car la grande question posée
par tous les experts n’est pas si
l’Autorité autonome va s’effondrer, mais
comment et quand ce dernier vestige des
accords d’Oslo va-t-il disparaître ?
Gaza
Les raisons de manquent pas. D’abord,
socio-économiques. Selon le dernier
rapport de la
Banque mondiale, les palestiniens
s’appauvrissent pour la troisième année
consécutive. 25% vivent sous le seuil de
pauvreté. 39% à Gaza et 14% en
Cisjordanie. 60% des gazaouis sont au
chômage. 80 % des habitants de ce
territoire dépendent de l’aide
financière des diverses ONG
internationales. La reconstruction des
immeubles détruits lors de la guerre de
juillet 2014 est quasiment en panne.
Gaza est à nouveau au bord de
l’implosion et le Hamas y fait face à la
multiplication des cellules salafistes.
L’organisation réagit en soufflant sur
les braises de ce que l’on appelle « l’Intifada
des couteaux » en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est, et lance des appels à de
nouveaux attentats. Le gouvernement
israélien prend grand soin de ne pas
réagir en attaquant les dirigeants du
Hamas à Gaza ou en y resserrant le
blocus. Au contraire, réalisant que cela
pourrait conduire à une détérioration
rapide de la situation, les barrages,
par où passent les denrées et les
marchandises destinées a Gaza,
fonctionnent à plein régime.
Veiller à la
stabilité
En Cisjordanie, la situation est
toute aussi instable. Crise économique,
en 2015 le PIB ne devait augmenter que
de 1,8% pour une accroissement de la
population de plus de 3%. Absence de
toute perspective de négociations avec
Israël. Guerres internes au sein de la
direction de l’OLP et du Fatah où se
déroule la lutte pour la succession de
Mahmoud Abbas. Sur le terrain, le
développement de la colonisation se
poursuit. Si la coordination sécuritaire
avec Israël est maintenue cahin caha,
les policiers palestiniens chargés de
maintenir l’ordre dans les zones
autonomes, ont de plus en plus d’états
d’âme. Ce sont souvent leurs propres
enfants qui vont affronter les
militaires israéliens aux check points.
Pas question pour Israël de retenir le
versement des taxes perçues pour le
compte de l’Autorité même si,
régulièrement, les dirigeants
palestiniens expriment leur soutien aux
auteurs d’attentats.
La fin en
2016 ?
Un attentat particulièrement
sanglant, commis par des palestiniens ou
des extrémistes juifs, pourrait tout
faire basculer très vite, et mener à la
réoccupation par Tsahal des villes
autonomes. Ce serait le dernier clou
dans le cercueil de la paix régionale
sur laquelle sont fondés les traités
conclus entre Israël, l’Égypte la
Jordanie, mais aussi avec l’Europe. Sans
parler de la relance de l’agitation
anti-israélienne dans les communautés
musulmanes à l’étranger. Israël devrait
financer directement l’occupation de la
Cisjordanie et ne pourrait plus compter
sur l’aide fournie par la communauté
internationale à l’Autorité
palestinienne, sans parler du
déploiement de milliers de militaires
dans les anciennes zones autonomes etc.
etc. Espérons que ce scénario du pire ne
se réalisera pas.
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